En violation du principe d’égalité devant l’impôt, l’indemnité de résidence à l’étranger des militaires est imposée à Djibouti depuis 1978 !

La ministre vient de faire savoir à ses troupes que les indemnités de sujétion pour séjour à l’étranger (ISSE) et majoration pour ISSE pour le personnel en OPEX ainsi que les indemnités de résidence à l’étranger et les majorations familiales pour le personnel affecté à l’étranger sont exonérées de l’impôt sur le revenu. Le ministre délégué au budget devrait lever toute ambiguïté en adressant des précisions et recommandations d’ordre pratique aux services de la Direction Générale des Impôts. On se réjouit que le bon sens l’ait emporté. Toutefois, on ne peut qu’être étonné que de simples instructions de Bercy puissent modifier la loi ou l’interpréter de telle manière que son sens en est changé. Sommes-nous encore dans un état de droit ?

Un message complémentaire émanant du cabinet précise toutefois que « les dispositions fiscales qui ont cours dans les Pays où s’applique une convention bilatérale ne sont pas modifiées ». Cette disposition surprenante vise la situation des militaires français stationnés à Djibouti.

Or, en droit français, l’indemnité de résidence des agents de l’état en service à l’étranger, dénommée RESE par les spécialistes, n’est pas imposable, car représentative de frais.

En effet, l’article 81 du code général des impôts dispose que « sont affranchis de l’impôt : 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi et effectivement utilisésconformément à leur objet. (…). »

Or, le décret n° 67-290 modifié fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l’Etat (…) en service à l’étranger, un peu oublié par certains, stipule dans son article 5 que « l’attribution de l’indemnité de résidence est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux
conditions d’exercice de ces fonctions et aux conditions locales d’existence
. »

C’est d’ailleurs ces bases juridiques qui permettent à nos diplomates de dormir sur leurs deux oreilles quant au risque d’imposition de la RESE, qui s’était fait jour et que le message du cabinet a levé.

Tout est donc parfaitement clair, sauf qu’en ce qui concerne Djibouti, une convention intergouvernementale du 28 avril 1978, toujours en vigueur sur le plan fiscal prévoit que les militaires affectés à Djibouti sont imposés localement sur le revenu par l’Etat djiboutien. Et l’article 2 de l’annexe V de la convention franco-djiboutienne dispose que « les taux fixés (par le gouvernement de Djibouti) seront appliqués à une base d’imposition égale à 80% de la solde globale mensuelle, à l’exclusion des indemnités spécifiques (…). », dont fait partie de toute évidence notre RESE.

Et l’article 3 de la convention précitée ajoute à la confusion en prévoyant que « pour la période de congé hors Djibouti, la base imposable sera égale à la solde de congé abondée de l’indemnité de résidence (…). » On peut en déduire, a contrario, que lorsque le militaire est effectivement présent à Djibouti cette indemnité n’est intégrée dans la base imposable.

En application de la convention intergouvernementale et pour améliorer l’assiette d’imposition de la contribution, dont la république de Djibouti est bénéficiaire, une simple instruction du ministre de la défense (IM n° 338/DEF/CCC/SP du 20 décembre 2002 modifiée relative à la solde qui reprend des dispositions antérieures), réintègre l’indemnité de résidence à l’étranger (RESE) dans les sommes imposables localement à Djibouti, en violation du Code Général des Impôts, du décret de 1967 et même de la convention.

Il paraîtrait que la manne ainsi collectée par l’administration militaire servirait à payer une partie de la location des installations militaires françaises à l’Etat Djiboutien. Bref, la République ferait donc des économies sur le dos de ses soldats en violant allègrement un principe fondamental : celui de l’égalité devant l’impôt.

Car, il est certain que les affectés sur ce territoire paient davantage d’impôt sur le revenu qu’en métropole !

Il y a donc là une grave incohérence juridique, qui perdure depuis 1978 et que personne – pas même un chef veillant à l’intérêt de ses subordonnés – n’a cherché à résoudre.

L’Adefdromil conseille donc à ceux qui sont concernés et intéressés d’intenter sans tarder un recours. Nous sommes prêts à les y aider. Il est rappelé à cet égard que les créances sur l’Etat se prescrivent au bout de quatre années à partir du fait générateur (principe de la déchéance quadriennale) et que les militaires qui ont quitté depuis moins de quatre ans Djibouti peuvent réclamer le remboursement des sommes prélevées indûment.

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