La commission de la défense nationale et des forces armées est l’une des grandes commissions de l’Assemblée. C’est dire le rôle d’influence que peut avoir un président de commission auprès du ministre et de ses services, même s’il est vrai que dans la pratique, les députés de la majorité sont aux ordres du gouvernement, pour peu que celui-ci leur marque un peu d’estime en leur distribuant missions temporaires et voitures de fonction.
C’est devant la commission de la défense nationale que les chefs d’état-major viennent plancher avant la discussion et le vote du budget. C’est la commission qui peut rédiger et publier des rapports sur la condition militaire après avoir entendu des militaires sélectionnés à cet effet. Mais qu’on ne rêve pas ces rapports ne doivent pas saper l’action du ministre et de ses services. Il ne faut pas se tirer de balles dans le pied. Ils sont donc en général très consensuels, se contentant de soulever quelques problèmes mineurs en passe d’être résolus pour justifier en quelque sorte l’utilité de la dite mission parlementaire.
La XIIème législature de la Vème République a élu comme président de la commission de la défense nationale et des forces armées, le citoyen Guy Teissier, que beaucoup de nos lecteurs ne connaissent pas, car on ne l’entend quasiment jamais sur les médias, peut-être par timidité ou parce qu’il n’a rien à dire. Il est maire du 9ème arrondissement de Marseille et député UMP des Bouches du Rhône. Selon sa biographie, il est aussi gérant de sociétés/administrateurs de biens et a suivi les cours de l’école du notariat après la faculté de droit.
Il a évidemment une part de responsabilité dans le vote du statut général de 2005 qui en reproduisant les errements du passé en matière de libertés publiques accordées aux militaires, les marginalisent et créent ainsi les conditions de nouveaux mouvements sociaux incontrôlés comme ceux des gendarmes fin 2001.
Il faut croire que son action est particulièrement appréciée des chefs militaires puisque lors de son audition « budgétaire », début octobre 2006, le Général Georgelin, chef d’état major des armées, vient de lui décerner un satisfecit reproduit dans le compte rendu N°2 de la commission de la défense nationale et des forces armées :
« Le général Jean-Louis Georgelin a estimé en préambule que, grâce au dynamisme de son président et à l’activité de ses membres, la commission de la défense de l’Assemblée nationale s’était révélée comme un acteur majeur du débat public, exemplaire du rôle que peut jouer le Parlement dans le pays. »
Les militaires apprécieront en se souvenant que les parlementaires ont également voté la fiscalisation des indemnités de service à l’étranger à partir de 2006.
En lisant le mensuel d’une association de retraités, nous avons découvert que le président Teissier avait reçu en mai 2006 divers présidents d’associations de retraités dans le cadre d’un dialogue régulier qui s’est instauré. L’Adefdromil, étant une association de militaires d’active, n’a pas été choquée de cette rencontre, mais elle a pensé qu’il pourrait être intéressant surtout pour M. Teissier de nouer un dialogue. C’est dans ces conditions que le président Michel Bavoil lui a adressé un courrier en date du 29 août 2006, qui est resté à ce jour sans réponse.
Que penser de cet autisme et de ce mépris à l’égard de l’Adefdromil ?
Il est vrai que notre courrier est en soi un piège terrible pour cet honorable parlementaire dont la réputation d’homme de dialogue et d’ouverture peut encore progresser, sauf à l’égard de ceux qui partagent ses opinions.
En effet, deux solutions s’ouvraient à lui : répondre ou garder le silence.
Répondre. Quelle que soit la teneur de sa réponse, elle aurait marqué notre reconnaissance officielle en tant qu’interlocuteur représentatif des militaires. Il aurait fallu faire preuve de courage de sa part et au minimum se couvrir vis-à-vis de la ministre. Nous répondre aurait aussi été une critique indirecte du travail parlementaire de sa commission qui a maintenu dans l’article 6 du statut général version 2005, l’interdiction de l’existence des groupements professionnels et de l’adhésion des militaires, au mépris de nos alertes sur le sujet.
Garder le silence. C’est la solution qu’a choisi M. Teissier. En politique et contrairement aux feuilletons américains, même le silence peut être retenu contre celui qui le pratique. Que penser d’un parlementaire qui a vocation et même devoir d’écoute de ses concitoyens et qui refuse le dialogue ? L’Adefdromil ne peut que stigmatiser ce comportement autistique et méprisant en en informant ses lecteurs qui le moment venu sauront en tirer toutes les conséquences. En même temps, ce silence fait beaucoup progresser notre position. Il nous rend service.
Rappelons une nouvelle fois que le droit d’association fait partie des principes constitutionnels de la République Française. C’est dire que l’article 6 du statut général des militaires promulgué en 2005 est contraire au texte fondateur de la Vème République ainsi qu’à divers engagements internationaux de la France et notamment à la convention de sauvegarde des droits de l’homme.
Les services du ministère et la ministre le savent si bien qu’aucune action n’a été entreprise contre notre existence même, en théorie interdite par ce fameux article 6. Bien plus, aucun des militaires adhérents et pour lesquels nous sommes intervenus n’a été sanctionné. La fameuse note de 2002, plus stupide que scélérate, du Préfet Marland, reparti sur le terrain cet été, qui visait le statut de 1972, n’a pas été reconduite sous le nouveau statut de 2005. Elle est donc bel et bien caduque. Toute nouvelle interdiction serait soumise au contrôle du Conseil d’Etat qui ne manquerait pas – du moins l’espère-t-on – de se référer aux principes constitutionnels. Il est très probable qu’une étude juridique confidentielle a été conduite sur le sujet et que ses conclusions nous sont favorables.
Finalement, comme l’Adefdromil n’appelle pas la troupe à mettre la crosse en l’air, qu’elle n’est pas séditieuse ou antimilitariste, on s’est rendu compte en haut lieu que nous sommes une source précieuse d’information au point que nous avons été cités en tant que telle lors d’un dernier grand rapport de l’EMAT.
Mais il est évident que ce statu quo est provisoire et que dans les prochaines années, des associations professionnelles de militaires doivent voir le jour et devenir des interlocuteurs à part entière du commandement.
C’est pourquoi, l’attitude de M. Guy Tessier, figée dans des dogmes dépassés est affligeante du point de vue du droit, mais surtout d’un point de vue politique. Nous espérons que le message lui parviendra.
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