Allocution que personne ne prononcera à l’occasion de l’irradiation de nos camarades

Cas d’école du militaire, le 3 octobre 2006.

Après leur adieu aux armes, nos camarades irradiés encore en vie remettent aujourd’hui leur âme à Dieu.

« Mon avis général,

Lorsque je vous ai nommés au sein des armées françaises, dans les années 60 à Reggane et 70 à Mururoa, c’était en toute confiance, car j’avais eu l’occasion d’apprécier la fermeté de votre caractère, la hauteur de vos vues, votre sens de l’Etat.

Durant le temps passé dans vos éminentes fonctions, vous n’avez cessé de faire honneur aux armées françaises.

Placés sous mon autorité directe pour la conduite des opérations – dont vous portiez, devant moi, la responsabilité -, vous avez démontré toutes vos qualités d’exécutants militaires calmes, au jugement sûr et aux décisions équilibrées. Pendant ces années, les interrogations sur le nucléaire n’ont pas manqué. A chaque fois, vous avez agi avec sang-froid dans l’action, profondeur dans la réflexion et constance dans la mise en oeuvre des décisions que je vous imposais

En hauts responsables militaires vous avez pris, – en tant que subordonnés du Ministre de la Défense – toute votre part en forme et au fond sur la demande nucléaire menée depuis 1960 : c’est dire que le nouveau statut général des militaires et la réforme des attributions des chefs d’état-major ne furent pas votre tasse de thé. Sur ce sujet, vous vous êtes révélés hommes de dialogue, soucieux de faire évoluer les armées vers toujours plus de cohérence et d’efficacité, veillant à ce que l’esprit de l’exigence nucléaire ne soit pas détourné.
Ceci est pour vous, comme pour les armées françaises, un motif de fierté supplémentaire.

Vous allez quitter aujourd’hui notre Terre, au terme de dizaines d’années de souffrance, placées tout entières au service de la France.
Vous aurez été, pour toutes celles et tous ceux dont avez été le fils, le mari, le père au cours de vos belles carrières, l’exemple de chefs humains, d’officiers attentifs et clairvoyants, sachant susciter – avec une exigence toujours bienveillante et une grande élégance – l’adhésion des coeurs à votre souffrance pour parvenir aux objectifs que je vous avais fixés.

Pour les plus hautes autorités en charge de la marche de l’Etat, vous avez incarné toutes les qualités qu’elles attendent des militaires, tout à la fois hommes de réflexion, hommes d’action et hommes de coeur.

C’est pourquoi j’ai tenu à venir vous exprimer, ici même, en votre quotidien de souffrance, devant vos familles éplorées devant pareils sacrifices, la reconnaissance et les remerciements de la Nation.

A titre plus personnel, je voudrais, Mes Chers Amis, vous faire part de ma très grande estime et de ma très chaleureuse amitié, sans pouvoir faire grand-chose d’autre pour vous. »

Un prochain article montrera en quoi les oubliés du nucléaire auraient mérité un tel éloge.

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