Faut-il envoyer l’armée dans les écoles ?(Nicolas Gervais, capitaine de corvette)

Les militaires français n’ont pas peur de mourir en Afghanistan. Ils ont surtout peur d’être oubliés : les Français ne les connaissent plus. A l’occasion de ses vœux, Alain Juppé a demandé le 18 janvier à la communauté de la défense de s’impliquer d’avantage dans la vie de la société française. « Cet engagement au cœur de la cité est essentiel, car il contribue à renforcer le lien armée-Nation » a précisé le ministre.Les armées ont depuis plusieurs années pris l’habitude d’inviter les Français dans leurs bases ou casernes, notamment à l’occasion des journées portes ouvertes. La ville de Nantes a signé en décembre 2010 un accord de parrainage avec la frégate Chevalier Paul ; il devrait s’ensuivre de nombreuses journées d’échange et de partage à terre ou en mer. Les militaires doivent-ils aujourd’hui franchir un pas supplémentaire et s’inviter plus franchement chez les Français. Pourquoi ne pas proposer aux militaires d’intervenir dans les écoles afin d’informer et d’intéresser les enfants ?

Un sondage réalisé en juillet 2009 par CSA pour la direction de la communication de la défense soulignait que 84 % des personnes interrogées avaient une bonne opinion des armées. Cette bienveillance cache pourtant une triste indifférence. D’un côté, les Français savent descendre dans la rue pour manifester, probablement à juste titre, leur soutien aux infirmières et aux enseignants. D’un autre côté, aucune « marche blanche » n’a été organisée à l’occasion du retour en France du corps du soldat Clément Chamarier, cinquante-quatrième soldat français tué en Afghanistan le 19 février. Rien pour les soldats français, quand les peuples canadiens et britanniques savent s’aligner le long des routes, en haie d’honneur, pour accueillir les cercueils qui rentrent d’Afghanistan.

Qui se soucie, par ailleurs, des centaines de blessés meurtris à vie à l’entraînement ou pour avoir rempli leur mission en ex-Yougoslavie, en Côte d’Ivoire ou en Afghanistan ? Cette indifférence profonde a commencé à s’installer dans le cœur des Français dès la fin de la guerre d’Algérie. Elle s’est accélérée depuis 1998, date de la suspension du service militaire obligatoire. Les Français semblent avoir définitivement rompu les amarres avec les militaires.

Comment s’en étonner quand les programmes d’éducation civique n’évoquent pas ou trop peu les engagements et sacrifices des militaires ? L’apprentissage de La Marseillaise, rendu obligatoire dans les écoles primaires depuis 2005, est le premier mais unique contact avec nos soldats : « Nous y trouverons leur poussière et la trace de leurs vertus. » Il convient toutefois de citer les initiatives complémentaires prises par certaines écoles – trop rares mais pourtant plus nombreuses qu’on le croit – qui s’efforcent de rendre plus concret ce lien armée-Nation : les enfants de l’école publique de Larmor-Plage dans le Morbihan ont chanté La Marseillaise devant le monument aux morts, au cours de la cérémonie commémorative du 11 novembre 2010. Les enfants doivent ensuite attendre jusqu’en troisième pour que soit enfin abordé le thème de la « défense et l’action internationale de la France ».

DIALOGUE

Le programme demeure néanmoins trop vague et ne préconise pas clairement de présenter le rôle des soldats dans le cadre de la défense des valeurs de la République. Les programmes du lycée n’abordent toujours pas de manière explicite le rôle du soldat dans la société. En fin de compte, le premier contact concret formalisé n’intervient qu’à l’âge de dix-sept ans lorsque l’ensemble d’une classe d’âge doit, pour la première fois, se déplacer sur une base ou une caserne afin de participer aux Journées d’appel à la défense (JAPD), récemment rebaptisées Journées défense citoyenneté (JDC). Mais une journée dans une vie c’est sans doute trop peu ; sans doute trop tard à dix-sept ans.

Que faire alors ? La prochaine étape doit-elle être…

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Nicolas Gervais, capitaine de corvette, officier de la marine, stagiaire à l’Ecole de guerre et ancien commandant d’un commando de marine

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