Style de commandement : La technique du fusible et le népotisme dans l’armée de terre ne sont pas morts

Il ne fait pas toujours bon pour un militaire français de servir en état-major multinational lorsque le commandant en est un général du même pays. En effet, au nom du « …pas d’embrouille… » et en cas de tension avec un supérieur étranger c’est toujours le Français qui servira de fusible … « Normal ! c’est pour la France ! » diront les plus ingénus. « Scandaleux ! » rétorqueront les réalistes qui savent que tous les autres pays défendent becs et ongles leurs ressortissants quand ils sont attaqués.
Mais là où notre affaire s’explique c’est lorsque la mise à mort professionnelle d’un officier supérieur permet à son chef français direct, le colonel R, de s’exonérer de toute responsabilité … et au général de placer un poulain.

Pas crédible ? Développons un peu. Il y a presque deux ans un Etat-major multinational commandé par un officier général français, prenait la tête d’une mission de l’OTAN en une lointaine province. Sur le théâtre des opérations, un officier supérieur breveté français se trouvait en butte à l’incapacité (pourtant connue de tout l’état-major) et à l’acrimonie d’un supérieur direct étranger (les Ibères sont rudes disait Astérix). Le Français rendit compte à R, son chef de corps, puis demanda enfin, de guerre lasse, un changement de bureau, mais en vain (pas de c…). Il dut donc se résoudre à demander volontairement son retour en métropole. Cela lui fut accordé.

Notre officier eut toutefois la désagréable surprise d’apprendre à son retour que le général français et Comfor, mécontent de l’incident, avait appelé directement la DPMAT. Les conséquences furent immédiates : très fortement pressenti pour commander un régiment prestigieux et recevoir un galon de colonel point usurpé, le « fauteur de troubles » se vit en un instant privé de tout cela.

Néanmoins, le général téléphoniste n’avait pas seulement agi de manière précipitée ni désintéressée : dans le mois qui suivit, son bras droit (totalement innocent dans cette manoeuvre népotique) reçut une Fidemut (en octobre !), se vit inscrire au tableau avant son tour et reçut le commandement du régiment initialement envisagé pour l’officier officieusement sanctionné.

En vain, l’officier injustement brimé sollicita-t-il la DPMAT à son plus haut niveau, ainsi que les divers échelons de l’IAT puis l’IGA/T. Ses divers recours furent bien évidemment déboutés par la commission de recours des militaires qui fait là où on lui dit de faire …
Il ne restait donc à cet officier que le tribunal administratif et le conseil d’Etat pour se faire entendre … Avant de se résigner à quitter l’armée, en dépit d’une famille très nombreuse.

Toutefois, à voir la gêne et les réponses alambiquées du Ministère de la Défense aux tribunaux et juridictions compétents, il semblerait que les vices de procédures et détournements de pouvoir perpétrés dans cette affaire soient bientôt reconnus.

Mais les heurs et malheurs des Français de cet EM multinational n’étaient pas pour autant terminés : Le colonel R., mis en appétit par cette inscription d’un LCL à son tableau de chasse persévéra : il entreprit ensuite de démolir un autre LCL qui réussit tant bien que mal à lui échapper en changeant de bureau. Et enfin, cette année, il trouva amusant de fusiller en notation un officier supérieur breveté placé sous ses ordres.

Ce dernier ne s’est pourtant pas laissé faire et a lui aussi demandé la révision de sa notation auprès des plus hautes instances de l’armée de terre … en vain pour l’instant.
Quant au colonel R., rassurons-nous, malgré une convocation peu agréable à Paris, il a été récompensé par une mutation flatteuse et financièrement alléchante à l’étranger proche … en attendant des étoiles bien gagnées ???

Quant à la ministre, elle devra se débrouiller avec les procédures en Conseil d’Etat … en pleine période électorale !

On a donc une preuve de plus que les comportements népotiques et les mises à l’index outrancières ont toujours cours dans l’armée de terre et de façon totalement impunie.
Faudra-t-il que de nouveaux cas exemplaires de ce genre de pratiques aboutissent en Conseil d’Etat ou devant la Cour européenne pour que le ministère de la défense prenne enfin des mesures réelles empêchant ces dérives encore trop nombreuses ?

HECTOR

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