« Situation de l’armée de terre – par Bernard Thorette »

C’est sous cet titre exact, sans autre indication de fonctions, (c’est un usage dans ce genre de revue), que la prestigieuse revue « Commentaires » – volume 29/Numéro 113 – Printemps 2006 pages 109 à 120 – a publié cet article sur la situation de l’armée de terre.
L’Adefdromil a lu pour vous cet article qui émane du chef d’état-major de l’armée de terre et a tenu à vous faire part des résultats de cette lecture.
Plutôt que de se livrer à une tentative toujours délicate de résumé – une citation ou un commentaire est, vous le savez, toujours tenu pour une forme de trahison – l’Adefdromil a retenu, à tort ou à raison, quelques phrases-clé de cet article, en reprenant les titres des paragraphes du texte de l’article.

0 – Le chef d’état-major de l’armée de terre, entré au service en 1965, approuve le récent décret de mai 2005 qui « renforce les pouvoirs du chef d’état-major des armées…mettant fin à une structure complexe héritée du passé, et peut-être inspirée par une forme de méfiance à l’égard du « pouvoir militaire ». Mais le chef ne croit pas que « l’essentiel ait été fait au moment de la professionnalisation et dans les années qui ont suivi ». Il convient de combiner objectifs et contraintes, si l’on veut disposer « d’un instrument militaire adapté aux réalités de notre temps ».

1 – La nouvelle donne : elle est complexe ; son analyse lui est propre, nous la respectons, mais « les analyses conduisent à organiser et préparer des forces capables d’agir dans la durée, dans le même espace que l’adversaire, dans la continuité physique, au contact ».

2 – Quelles forces terrestres ? « Agir dans la durée, parce que la recherche d’un résultat immédiat ou même rapide est le plus souvent illusoire ». L’auteur, le CEMAT, analyse les évolutions, s’interroge : « le pays pourrait à bon droit faire grief aux armées de ne pas lui présenter un instrument adapté au moment où il déciderait d’en faire usage ». Il faut savoir que « près de cinquante mille soldats sont déployés chaque année à l’extérieur de nos frontières….Or il n’est pas impossible que ces facteurs d’excellence se trouvent compromis par la combinaison d’un rythme d’engagement soutenu et de moyens insuffisants ».

3 – Les engagements récents : le chef, après avoir souligné que « le retour d’expérience des opérations contemporaines milite pour la conservation d’une composante blindée significative dans nos forces » juge « qu’il est indispensable pour nos forces de préserver leur supériorité technologique ». Il estime que : « les enseignements des opérations récentes confirment… la pertinence des orientations et des choix retenus par l’état-major de l’armée de terre en faveur d’une numérisation raisonnable du champ de bataille jusqu’au niveau du combattant individuel… ».

4 – Un contrat opérationnel : « L’armée de terre est devenue une armée d’emploi » « Il ne s’agit pas d’un slogan mais de l’expression d’une vraie rupture (avec le passé) ».
« Les missions permanentes sont accomplies sur le territoire national métropolitain ou dans des zones d’intérêt prioritaires à l’extérieur……Des missions analogues dans leur nature sont accomplies hors du territoire métropolitain, soit dans les départements et territoires d’outre-mer, soit dans les pays d’Afrique avec lesquels la France a signé des accords de défense, à partir de onze implantations particulières. ». L’auteur admet que « l’hypothèse de référence minore sans doute les besoins en moyens d’action sur le territoire national qui seraient nécessaires dans une telle situation (de crise)».

5 – De nouveaux engagements ? «l’armée de terre est capable, dans les circonstances actuelles, d’exécuter son contrat opérationnel » de nouveaux engagements ne peuvent être écartés, « mais il faut …s’interroger sur la capacité de l’armée de terre à mener à bien, sans pour autant diminuer le rythme de ses engagements extérieurs, les nouvelles missions qu’elle pourrait se voir assigner ».

6 – Les perspectives d’amélioration : elles ne manquent pas mais elles requièrent un « effort intellectuel et pratique rigoureux » et « ces actions doivent pouvoir être, c’est l’évidence, conduites dans un contexte budgétaire limité ».

7 – Y a-t-il un exemple britannique ? « Le format des forces terrestres britanniques est comparable à celui des mêmes forces en France…. En ce qui concerne la conduite des opérations, le système institutionnel français nous assure une réactivité pratiquement sans équivalent…. En revanche, dans le domaine des choix capacitaires et de leur financement, l’exemple britannique doit (selon lui) être médité ».

8 – La politique militaire américaine : « l’exemple américain n’est pas susceptible d’être la source d’enseignements aussi directement utilisables, eu égard aux capacités budgétaires incomparables des Etats-Unis comme à leur rôle international prédominant ou à leur engagement dans de véritables opérations de guerre d’une durée significative….Ces comparaisons internationales doivent être prises avec précaution, davantage encore en ce qu concerne les Etats-Unis, en raison de la différence considérable qui existe entre leur posture internationale et leurs moyens, et les nôtres ».

9 Les risques d’absence de choix : « L’armée d’emploi qu’est devenue notre armée de terre assure désormais ses missions convenablement, mais en limite de ses capacités »
« Dans des temps difficiles, il pourrait être tentant d’exiger davantage des personnels , en termes de condition de vie ou en termes d’équipement. Ils ont donné, par le passé, les preuves de leur capacité d’adaptation. Mais compter sur les vertus éprouvées des soldats pour faire reposer sur eux la charge des ajustements nécessaires serait non seulement injuste, mais aussi périlleux »… « Ces conditions ne sont pas seulement des conditions personnelles, des conditions de vie. Ce sont aussi, et peut-être surtout, des conditions professionnelles tenant à l’exercice du métier, à la qualité des relations hiérarchiques ou à celle de l’outil de travail »

10 – Les marges de manoeuvre : les projets d’amélioration des structures sont possibles, tout comme des systèmes de formation, mais « les gains espérés en effectifs ne doivent cependant pas masquer ni le coût financier initial élevé d’une politique de regroupement et de rationalisation des écoles et formations, ni d’ailleurs son coût politique ….L’interarmisation et l’internationalisation de certaines formations constituent des solutions à explorer…..Les autres domaines semblent moins riches en possibilités de rationalisation…. La réserve opérationnelle est certes un atout considérable mais, à moins d’y consacrer un effort financier très significatif, elle ne pourra de sitôt être employée dans des conditions opérationnelles délicates, en raison du niveau actuel de ses équipements ou de sa formation.».

11 – Les grands défis du futur proche : « L’armée de terre devra répondre de manière satisfaisante à trois défis majeurs. Le premier est un défi doctrinal, qui dépasse le cadre de cet article…..
Le deuxième défi est un défi stratégique. Il a trait à la capacité des forces terrestres à disposer à la fois d’une grande réactivité opérationnelle et d’une véritable rationalité organique.
Le troisième défi est un défi capacitaire. Il est relatif à la nécessité où nous sommes de disposer à la fois de forces susceptibles d’être employées dans des opérations de stabilisation de longue durée et de forces appelées à participer, le cas échéant, à des conflits d’intensité supérieure. Si je ne sous-estime pas les efforts intellectuels et pratiques, qui seront nécessaires pour répondre à ces trois défis, j’ai pleine confiance dans les capacités de l’armée de terre à les relever. Dans l’immédiat, elle engage déjà les actions qui doivent la doter d’une organisation interne plus performante, et de fonctions (opérationnelles, logistiques ou de formation) portées au meilleur niveau d’excellence possible ».

NOTE = la lecture de cet article ne peut qu’être recommandée à ceux qui ne sauraient se contenter de cette présentation sommaire qui résulte d’un choix de la rédaction de l’Adefdromil.

À lire également