La maréchale délogée

Extrait du Canard Enchaîné N° 4460 – 19 avril 2006

Sandy NAULT, 27 ans, est maréchale des logis au 61e régiment d’artillerie de Chaumont, section batterie de tir. Ici, la vie de caserne, c’est pas comme sur le « Clemenceau » : pas question de rouiller sur place, on s’entraîne tous les jours !

En avril 2002, après un exercice particulièrement éprouvant, Sandy est soignée avec du Vioxx, un anti-inflammatoire qui sera retiré du marché deux ans plus tard car entraînant des complications cardiaques. Or quelque temps après, la jeune femme commence à tirer la langue : elle a le souffle court et le palpitant qui s’emballe. Rien de grave, affirme le toubib du régiment. La jeune sous-off’ continue à crapahuter, en serrant les dents.

En janvier 2004, le diagnostic tombe enfin : c’est une cardiomyopathie. Fini, le sport ! Sandy est affectée à la cellule audiovisuelle, comme photographe.

En février 2005, le médecin militaire l’envoie passer un examen au Val-de-Grâce avec, à l’adresse de son confrère parisien, cette chaude recommandation consignée dans le dossier médical : « il s’agit d’un jeune sous-officier sans qualification et n’ayant effectué que deux ans de contrat… » Au rebut, la recrue Sandy Nault ! Cette bonne à rien (qui a alors quatre ans d’ancienneté et non deux) est jugée inapte, niveau « G 6 » sur une échelle qui n’en compte … que cinq ! C’est dire si son cas est désespéré. De retour à Chaumont, la jeune femme est priée de faire son paquetage sur-le-champ. Sans préavis, sans même attendre son passage en commission de réforme. à croire que le « code Nault » (c’est le jargon fleuri des militaires) est devenu gênant… rapport à cette vieille prescription de Vioxx, peut-être ?

En juin 2005, la commission de réforme la déclare « définitivement » inapte, sans passer par la case « temporaire ». Sandy fait appel et, en attendant, reste sans le sou : l’armée lui retire sa solde, alors que des allocations de chômage ne peuvent être débloquées qu’après l’appel. En mars dernier, la commission de recours confirme la première décision, sans contre-expertise médicale. Voilà Sandy radiée des troupes : aucun poste sédentaire ne lui sera proposé. « C’est contraire à la vocation de l’armée », dixit le ministère de la Défense. Engagez-vous ! Et dégagez vite. C’est beau l’esprit de corps…

Jérôme Canard

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