Ainsi se lamente Alliot quand va l’amiante à l’eau…

En dépit de l’agitation créée autour de quelques tonnes d’amiante susceptibles de contaminer les ouvriers chargés de la « déconstruction » du CLEM, personne ne soulève que plusieurs milliers de marins ont travaillé, dormi, mangé, fumé et bu, …bref ont vécu 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et pendant de longues années dans cette ambiance « amiantée » sans que la situation ne parvienne jamais à émouvoir l’employeur ministériel ?

Sachant que le militaire ne dispose pas des mêmes droits que le civil pour exiger l’application des mesures de prévention, ou faire reconnaître l’origine professionnelle de ses maladies, ce sont des milliers de futurs cancéreux de la plèvre qui affronteront demain les tribunaux des pensions… et toujours en vain.

L’exemple des « travailleurs militaires » du nucléaire et celui des déboutés du syndrome du Golfe sont là pour montrer à quel point le statut général des militaires et le Code des pensions militaires d’invalidité sont des mécaniques bien huilées pour protéger le (ou la) ministre de la défense contre les demandes pourtant légitimes des victimes ou de leur veuve.

Pourtant, les députés de tout bord ont eu récemment la possibilité de changer cette vision archaïque d’une « chair à canon » devenue « chair à rayons », « chair à amiante » et peut être terrain d’expérimentation pharmaceutique. Il leur suffisait de constater que Michèle Alliot Marie mentait en prétendant que le « nouveau statut » proposé à leurs votes constituait une « avancée sociale considérable ». L’eussent-ils réellement parcouru qu’ils auraient compris que ce salmigondis de fausses bonnes intentions gravait dans le marbre les iniquités héritées des siècles derniers. Que la seule véritable avancée « sociale » fut l’apparition des sanctions financières en renfort d’un arsenal répressif déjà hors du commun et qu’un contrôleur général pouvait déjà comparer à celui des prisonniers de droit commun.

Mais la représentation nationale ne s’est pas sentie concernée alors même que les généraux tremblaient dans leurs guêtres qu’on ne leur impose un respect du militaire français à l’identique des autres personnels des armées européennes, voire des autres fonctionnaires français.

Dans l’indifférence générale, la protection des militaires fut donc repoussée aux calendes grecques et laissée au bon vouloir du « chef » qui, seul, est habilité à protéger les intérêts de son subordonné. Aujourd’hui comme hier, le chef reste l’unique représentant syndical du militaire et ne s’embarrasse pas des « principes de précaution », et autres dérives sécuritaires qui gâchent les autres « métiers ».

Il se peut que, dans les couloirs feutrés du ministère de la défense l’on songe déjà à confier le désamiantage aux marins d’état. Quoi de plus naturel? Non seulement ils en ont déjà bouffé des tonnes sans rien dire, mais le temps que leurs revendications remontent la chaîne hiérarchique, ou apparaissent à l’ordre du jour du conseil supérieur de la fonction militaire, le CLEM ne serait plus qu’un petit tas de tôles découpées et un mauvais souvenir.

Claude DEBEIR

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