Des Françaises citées en exemple

Si des hommes ont rallié le général de Gaulle, les Français libres souhaitent convaincre le maximum de femmes ou de rejoindre les forces armées ou de s’impliquer dans les réseaux naissants de la Résistance. Prendre l’Angleterre comme exemple est le meilleur moyen de les valoriser en démontrant le rôle actif qu’elles tiennent aussi bien dans l’armée de Terre que dans la Royal Air Force ou la Royal Navy. Sur les 100.000 femmes qui sont sous les drapeaux, 40.000 sont au service des régiments terrestres, 30.000 sont affectées dans l’aviation et 15.000 opèrent dans la marine. Leur nombre doit encore augmenter de 15.000 puisque Winston Churchill encourage ces recrutements. « Cela permet d’envoyer plus d’hommes en Afrique, en Orient et de débarrasser les bureaux militaires des combattants que les femmes remplacent tout aussi bien sinon mieux » analyse Jean Oberlé.

Pourtant les commentaires misogynes n’ont pas manqué tant du côté allemand que de Vichy pour se moquer de ces choix inutiles. Des slogans sont repris sur les ondes ennemies : « Dès qu’une bombe explose, elles ont une crise de nerfs », « On dit que le métro de Londres est devenu le repaire des femmes soldats apeurées », « Elles ont un uniforme mais ne savent pas porter une arme ». Autant de compliments qui omettent de mentionner que les Allemands emploient également des femmes dans l’armée. Elles sont surnommées : « les souris grises ». Ce regard mesquin et réducteur fait fi des femmes courageuses qui, pendant les intenses bombardements de Londres, ont conduit les ambulances sans broncher. On cite en exemple les infirmières qui, dans les hôpitaux londoniens jamais épargnés par les explosions, descendent les malades dans les abris à une vitesse époustouflante puis participent à la fouille des décombres pour porter au plus vite les premiers soins aux blessés ensevelis.

Les femmes ne sont pas seulement employées dans les bureaux à des tâches administratives mais s’avèrent excellentes dans les transmissions, le codage, le décodage, l’analyse de documents. Sur les aérodromes on les affecte aussi à des missions de secours et de lutte contre les incendies en plus de leurs tâches fonctionnelles du quotidien. Elles aident même au transport de munitions et en évacuent aussi dans l’urgence lorsqu’une attaque aérienne est signalée. « Toute cela se fait sans chiqué, sans criaillerie, sans nervosité. Plusieurs ont été décorées par le roi. Elles l’ont bien mérité » remarque le chroniqueur. Ces beaux exemples incitent les Françaises de Grande-Bretagne à s’interroger sur la meilleure manière de servir leur pays et la cause alliée. Entre les Françaises qui résidaient déjà outre-Manche avant la guerre et celles qui y sont arrivées depuis l’invasion par les troupes du Reich, il y a des convergences de comportements remarquables : « Les premières ont l’habitude de la vie anglaise et de l’esprit de corps, de la discipline. Les secondes ont été mêlées à la retraite, à la débâcle, aux bombardements. Elles n’ont plus peur de rien. C’est ainsi que pour les bureaux de son état-major, le général de Gaulle a pu trouver facilement des femmes soldats » commente début mars 1941 Jean Oberlé.

Une championne de tennis
Il reprend à souhait les exemples qu’il a donnés quelques jours plus tôt sur les ondes. Le journaliste explique qu’il fait un reportage sur ces femmes engagées. Il sonne dans un quartier chic de Londres à la porte d’un immeuble austère qui ressemble à un couvent. On le reçoit et on le fait patienter quelques instants avant de le faire entrer dans le bureau du lieutenant Mathieu : « J’attends dans un beau vestibule. A la rampe du grand escalier, un drapeau tricolore, au mur, l’affiche bleu-blanc-rouge du général de Gaulle : « Appel à tous les Français ». Dans un bureau qui fut sans doute une lingerie, je trouve Mme Mathieu, championne de tennis, aussi célèbre que Jean Borotra ou Cochet et actuellement vêtue d’un uniforme kaki avec deux galons de lieutenant sur les manches. A côté d’elle, une dactylo en uniforme de simple soldat ». Ce lieutenant français commande le corps féminin et coordonne l’action d’une centaine de volontaires. Elle insiste sur le terme qu’elle préfère à celui de soldate ! Lorsqu’elle est interrogée sur le sens de l’engagement de ces femmes, la réponse fuse : « Elles sont toutes anxieuses de servir leur pays, navrées de le voir sous la botte du vainqueur. Leur courage et leur discipline sont admirables ».

Les Français libres tiennent compte de leurs conditions de vie. Celles qui sont mariées sont autorisées à vivre en ville tandis que les célibataires disposent de chambres collectives sur place. Il suffit d’apprécier la description qui en est faite pour comprendre combien les exigences militaires sont assimilées et la rigueur vécue au quotidien : « Lits de fer, couvertures pliées, le paquetage serré dans un sac de toile, contre le mur. Sur les étagères où furent des bibelots, des objets d’art, il y a de petites photos : le mari, les enfants, le fiancé, les parents, les petits frères et les petites sœurs ». Dans chaque chambrée, il y a une photo du général de Gaulle. Le lieutenant Mathieu confie : « Il est venu inspecter la caserne. Il a été émerveillé de l’ordre et de la propreté ». Ces femmes qui ont appris sous l’uniforme à vivre en collectivité sont respectueuses les unes des autres et tiennent à un bon entretien de leurs locaux de travail et de leurs pièces de repos.

Jean Oberlé ne cache pas qu’il est impressionné : « La responsable de la cuisine, celle qui dans l’armée serait caporal d’ordinaire est une jolie brune à l’accent des Pyrénées. Elle est de Lourdes. Elle est couturière à Londres depuis des années. Tout marchait bien. Six ouvrières, et le mari chef de cuisine dans un grand hôtel. Une bombe est tombée sur leur maison. Plus de couture ». On montre ainsi comment une Française révoltée par une telle violence n’a pas hésité un instant à s’engager dans le corps féminin et à accepter toute mission pour être le plus utile possible à la France libre.

12 francs par jour
Secrétaires d’état-major, conductrices, estafettes, cuisinières, employées au foyer du soldat, traductrices, elles gagnent environ 12 francs par jour. Elles suivent les exercices…

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