INFORMATION OFFICIELLE

Voeux du CEMA au Président de la République.

Année 2006

Monsieur le Président,

II me revient, une nouvelle fois, l’honneur de vous présenter les voeux des armées.

Cette tradition a pour nous une signification très forte puisqu’elle rappelle le lien de subordination fondamental qui unit les armées à leur chef et souligne la prééminence du Président de la République dans les choix qui relèvent de la défense nationale.

Nous savons tous ici, mais je le mesure peut-être mieux que d’autres, ce qu’il a fallu d’audace, de volonté et de persévérance pour mener à bien, au cours de ces dix dernières années, le formidable chantier de la réforme de nos armées.

Il aura fallu, au fil des mois, convaincre et imposer, rompre avec la vision et les habitudes du passé, tenir surtout face aux convoitises incessantes suscitées par les crédits militaires dont l’évidence ne s’impose à certains que lorsqu’il est trop tard.
Notre armée, vous l’avez voulue professionnelle, réactive et respectée. Capable de prévenir, dissuader et protéger. Apte, en toutes circonstances, à intervenir sur un foyer de crise au bout du monde ou à secourir nos compatriotes victimes d’une catastrophe.

Cette armée existe aujourd’hui, confortée par quatre années d’effort budgétaire soutenu. Elle nous vaut l’estime de nos principaux alliés et partenaires. Elle fonde la crédibilité de la politique extérieure de la France.

Aguerrie par des années d’opérations extérieures, capable de s’engager efficacement au sein d’une coalition et d’en assumer le commandement, comme elle l’a démontré en Afghanistan, dans les airs et sur les mers, elle connaît pourtant des insuffisances et des faiblesses.

Le renouvellement de ses équipements majeurs, trop longtemps repoussé, est à peine engagé. Le modèle d’armée 2015, qui, adapté à l’évolution des menaces et des technologies, reste la référence, ne pourra être atteint sans la poursuite d’un effort budgétaire conséquent.

La sécurité de nos compatriotes et la défense de nos intérêts et de nos valeurs ont un prix. Il y a cinq ans, dans ces lieux, monsieur le Président, vous rappeliez que notre effort de défense donnait la mesure de l’ambition que nous avions pour la France.
Au moment où des voix s’élèvent pour contester cette priorité que vous avez voulue, il me paraît important de rappeler la fragilité de l’acquis. La réforme engagée sous votre direction et consolidée par l’action déterminée de notre ministre de la défense, se viderait de sa substance en quelques années si les ressources nécessaires lui étaient disputées.

Mais ce ne sont pas là, monsieur le Président, les préoccupations immédiates de ceux qui servent aujourd’hui sous les drapeaux.

Nos engagements opérationnels en Afrique, en Afghanistan, sur les mers et dans les Balkans se poursuivent à un rythme élevé. L’affaire Mahé a rempli d’amertume et de tristesse les dizaines de milliers de soldats, marins, aviateurs et gendarmes engagés depuis plusieurs années avec courage et dignité sur tous les théâtres. Meurtris par la médiatisation inévitable de cette dérive et de ses conséquences, ils ont néanmoins conscience de la valeur d’avertissement de cette affaire. On ne transige pas avec l’honneur, on ne triche pas avec la confiance.

Pour excuser l’inexcusable, certains ont cru devoir expliquer que nos militaires étaient placés dans des situations insoutenables. C’est ignorer que les conflits ont toujours généré pour les combattants des dilemmes insupportables. C’est la noblesse du métier des armes que de placer ceux qui l’ont choisi dans des situations extrêmes où seules s’imposent les règles d’engagement fixées par le commandement et l’exigence d’une conscience ferme.

C’est cette conscience que les chefs d’état-major, le directeur général de la gendarmerie et moi-même nous efforçons en permanence de structurer et de conforter.

Pour autant, ce serait une grave injustice que de jeter le discrédit sur toute l’institution militaire pour une faute unique, immédiatement sanctionnée, qui, en d’autres temps, aurait été ignorée ou cachée. Je suis fier du comportement exemplaire de nos forces sur les théâtres d’opérations.

Dans le tumulte des affaires judiciaires, monsieur le Président, l’effort constant de modernisation du ministère de la défense a pu être en partie occulté.

Sous l’impulsion de madame Alliot-Marie, les réformes se sont poursuivies : nouveau statut général des militaires, gendarmerie, DGA, restructuration de DCN et GIAT, redéploiement pour la mise en oeuvre de la LOLF. La cohérence interarmées a aussi été renforcée avec les responsabilités nouvelles que vous m’avez confiées.

En 2006, la réorganisation du ministère se poursuivra. Notre engagement en faveur de l’Europe de la défense se concrétisera avec la création du centre d’opérations et la consolidation des acquis récents : groupements tactiques 1500, agence européenne de la défense et force de gendarmerie européenne.

En Afghanistan, nous prendrons la responsabilité de la zone de Kaboul et sur les autres théâtres, nous poursuivrons nos missions au service de notre pays et de la paix.

Les hommes et les femmes de nos armées continueront de servir avec honneur et passion.

Nombre d’entre eux ont été blessés en opérations au cours des derniers mois. Certains y ont laissé leur vie.

C’est en pensant à leurs familles que je me fais l’interprète de la communauté militaire pour vous assurer de notre profond respect et vous exprimer nos voeux de réussite dans l’exercice de vos très hautes responsabilités.

A ces souhaits, permettez-moi d’ajouter, monsieur le Président, des voeux plus personnels de bonheur et de santé pour vous-même, pour madame Chirac et pour ceux qui vous sont chers.

Sources : EMA

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l’occasion des voeux aux armées.

Palais de l’Elysée – Lundi 9 janvier 2006.

Monsieur le Premier ministre,
Madame la Ministre de la Défense,
Monsieur le Ministre des anciens combattants,
Mon Général,
Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie, mon Général, des voeux que vous m’avez adressés, et auxquels, une fois de plus, j’ai été très sensible. A mon tour, je vous demande de transmettre à l’ensemble du personnel civil et militaire des armées et de la gendarmerie, les voeux très chaleureux que je forme pour eux-mêmes et pour leurs familles, en ce début d’année 2006.

En premier lieu, permettez-moi de rendre hommage, après vous, à ceux qui ont donné leur vie ou ceux-ci ont été blessés dans l’accomplissement de leur devoir au service de notre pays. En cette période de fêtes, j’ai également une pensée particulière pour les 12 000 femmes et hommes qui, en ce moment même, sont engagés en opérations extérieures, veillent à la sécurité de leurs concitoyens ou mettent en oeuvre, dans la plus grande discrétion et efficacité, notre force de dissuasion.

En 2005, encore -et vous l’avez souligné- la contribution des armées au maintien de la paix, à l’aide aux populations sinistrées, à la sécurité de notre territoire national aura été une contribution particulièrement importante.

Vos conditions d’engagement sont toujours complexes, souvent délicates et parfois dangereuses, mais les armées et la gendarmerie ont su, à chaque fois, remplir leur mission avec discernement, détermination, efficacité. Nous avons, en 2005, exercé de nombreux commandements, vous les avez évoqués, dans un cadre multinational : la FIAS en Afghanistan, la KFOR au Kosovo, la Task Force 150 en mer d’Arabie, et la NRF /Air au Pakistan. Tous ces commandements ont fait l’objet -je peux en porter témoignage- d’une appréciation très positive de la part de tous nos alliés, et je le souligne.

Vous avez également participé avec beaucoup de générosité à des opérations humanitaires et porté secours aux victimes de catastrophes naturelles. Ce fut le cas en Asie du sud-est après le terrible tsunami qui a dévasté cette région. Ce fut aussi le cas au Pakistan, lors du récent séisme. Je tiens, en particulier, à saluer le rôle déterminant que jouent le service de santé des armées et les personnels de la sécurité civile dans ce type de mission délicate.

Enfin, je félicite la Gendarmerie nationale pour la façon dont elle s’est comportée pour faire face aux violences urbaines de l’automne dernier. Sa réactivité et son sang-froid, qui doivent être soulignés, ont été exemplaires.

Mais, vous le savez, dans le domaine opérationnel, rien n’est jamais définitivement acquis. Une faute grave, c’est vrai, commise en République de Côte d’Ivoire, et vous l’avez rappelé tout à l’heure, vous a durement rappelé que rien n’est tout à fait acquis. Cet acte condamnable a été rendu public à l’initiative de votre hiérarchie. C’est un acte qui ne saurait en rien ternir la réputation des armées françaises. Il doit néanmoins vous inciter à réfléchir toujours davantage, et je sais que vous le faites, au sens profond du métier des armes.

Le colloque international sur l’éthique militaire, organisé récemment à Saint-Cyr, témoigne du sérieux avec lequel ce sujet est abordé dans vos écoles de formation. Cette éthique doit vous guider tout au long de votre carrière.

Les Françaises et les Français attendent de vous, vous qui portez les armes de la Nation, la plus grande exemplarité. Ils attendent un comportement irréprochable fait de droiture, d’honnêteté et de respect d’autrui, comme vous le prescrit d’ailleurs le  »code du soldat ».

Le métier militaire s’accompagne d’exigences qui vont au-delà de celles qui sont communément acceptées dans notre société. Elles ont été clairement réaffirmées dans votre nouveau statut. Elles s’appuient sur des valeurs auxquelles vous êtes très attachés : l’esprit de sacrifice, la disponibilité, la discipline, la neutralité, la loyauté.

Préservez-les précieusement. Transmettez-les par l’exemple aux jeunes générations, car elles sont, en réalité, le gage de votre crédibilité, de votre efficacité et de notre sécurité.

L’année 2005 aura aussi permis de poursuivre la modernisation des armées pour laquelle je me suis engagé.

En octobre, le Corps de Réaction Rapide France a été inauguré à Lille. Désormais, nous disposons d’un état-major qui pourra être utilisé aussi bien dans un cadre national, dans celui de l’Union européenne ou de l’OTAN. Cette composante terrestre de notre participation à la NRF vient compléter les deux autres composantes, navale et aérienne, déjà opérationnelles. Elle donne à la France les moyens de tenir ses engagements.

Parallèlement, le renouvellement de vos matériels se poursuit. L’année 2005 a vu l’entrée dans le cycle opérationnel d’un nouveau sous-marin nucléaire, le Vigilant, qui vient renforcer notre dissuasion, garantie ultime de notre sécurité. Simultanément, le premier de nos bâtiments de projection et de commandement a commencé ses essais à la mer. L’armée de l’air a reçu ses premiers Rafale. Le programme des frégates multi-missions est désormais engagé. Enfin, le lancement depuis le site de Kourou, le 13 octobre dernier, du satellite de télécommunications militaires SYRACUSE marque une nouvelle étape dans l’accroissement des capacités stratégiques de notre pays.

Toutes ces avancées sont importantes. Elles doivent permettre aux armées de se préparer sereinement aux défis de la paix et de la sécurité de demain.

Dans un monde en mouvement, à la recherche de nouveaux équilibres, les conditions d’exercice de notre souveraineté, la perception de notre sécurité et l’évaluation de nos intérêts stratégiques évoluent. De même, la gestion quasi planétaire des secours à apporter aux victimes de catastrophes humanitaires vous impose de plus en plus souvent des modes d’action spécifiques. C’est un fait, le champ d’application de vos interventions s’élargit chaque année.

C’est dans cet esprit que j’avais, l’an dernier, demandé à la Ministre de la Défense de procéder aux nécessaires évolutions de l’organisation de votre ministère. Après la réforme de la DGA dont j’attends des effets significatifs dans la maîtrise des coûts de nos programmes d’équipement, l’année 2005 a vu la réforme des attributions des chefs d’état-major. Je sais que cette réforme est désormais bien engagée et je vous demande maintenant de la conduire résolument, et sans réserve, jusqu’à son terme.

Il convient en particulier de s’assurer qu’elle produira bien tous les avantages escomptés en termes de clarification des responsabilités, de pouvoir d’arbitrage et d’optimisation de l’emploi des ressources.

Je vous demande de ne pas perdre de vue ses objectifs. Ils ne doivent pas être compromis par d’autres réformes actuellement en cours, notamment dans le domaine budgétaire.

En février 96, j’ai décidé la professionnalisation des Armées. Depuis maintenant dix ans, comme je vous l’ai demandé, vous n’avez cessé de vous adapter et de vous moderniser. Vous l’avez fait en préservant les qualités essentielles qui font du métier militaire un métier si particulier. Vous l’avez fait aussi en remplissant avec brio et enthousiasme toutes les missions qui vous ont été confiées sur les différents théâtres d’opération où vous avez été engagés.

L’effort que les Français consentent pour leur défense et pour leur sécurité est un effort adapté à la situation qui est aujourd’hui celle de notre pays. Il est également adapté aux menaces auxquelles il doit faire face.

Le remettre en cause serait, non seulement, irresponsable pour la défense de nos intérêts fondamentaux, mais également serait affaiblir la voix de la France sur la scène internationale, et donc sa capacité à défendre ses valeurs et ses intérêts. Pour autant, il ne vous épargne pas, je le sais, un certain nombre de difficultés pour atteindre les objectifs que nous poursuivons.

Je sais pouvoir, mon Général, compter sur vous pour répondre à l’exigence de rigueur financière qui s’impose.

En ce début d’année, je vous demande, enfin mon Général, d’exprimer ma reconnaissance à l’ensemble du personnel placé sous votre autorité pour son dévouement quotidien au service de la Nation et de nos valeurs, au service du rayonnement international de notre pays. Que le personnel sous vos ordres soit également assuré de ma confiance, de mon estime, de ma reconnaissance et de mon amitié.

Je vous remercie.

Sources : www.elysee.fr

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