Histoire de la création de la médaille militaire.
La médaille militaire, le 22 janvier 1852, permit d’écarter ou de retarder au mieux, les humbles et les modestes, trop nombreux, de la Légion d’honneur, en réservant pratiquement, par cette création, le premier ordre national aux officiers et tout particulièrement aux officiers d’origine directe. Le neveu du créateur de l’ordre comme il l’avait promis à ses complices du coup d’état du 2 Décembre 1851, violait la création de son oncle, et s’attachait ainsi les officiers du ministère.
Il s’agit ni plus ni moins que d’une épuration d’état. L’épuration est un crime. Deuxième république, second empire, troisième, quatrième et cinquième républiques, poursuivirent cette politique d’épuration des récompenses. Beaucoup parmi nos pseudos élites n’aiment pas se mélanger avec le peuple, la permanence du maintien de la médaille militaire, le maintien de la barrière presque infranchissable pour accéder à la Légion d’honneur pour les non-officiers, les grandes difficultés d’accès pour les officiers non directs, en apportent les preuves irréfutables.
Une exception cependant, depuis quelques mois, les filles des médaillés militaires ont accès aux établissements des demoiselles de la Légion d’honneur ; c’est une révolution due à la fois à l’action de notre actuelle ministre de la défense, mais aussi un peu et sans fausse modestie due aussi à la pression de notre association.
En effet, épurer signifie d’après le petit Larousse : » rendre pur, plus pur ( !), rejeter certains membres hors d’une administration, d’un corps ou d’un groupe jugés indignes d’en faire partie. » Et nos dirigeants continuent de donner des leçons de démocratie au monde … sur le Zambèze … ou en Corrèze, ne devraient-ils pas balayer devant leur porte ?
Nous sommes loin de l’esprit de BONAPARTE qui ne faisait pas de différence entre les grades. Nous sommes loin de celui de LOUIS XIV qui par la Croix de Saint Louis récompensait le courage et la vertu militaires quelques soient les grades.
Un peu d’histoire donc et faisons un petit retour en arrière : début 1848, Louis Philippe d’Orléans fils du régicide, successeur de Charles X, est en fin de règne ; le peuple, aigri par la misère et le socialisme réclame la république les armes à la main le 23 février 1848 ; après quelques échauffourées, quelques morts et quelques barricades, Louis Philippe, poussé par la garde nationale et la bourgeoisie qui veulent la chute du ministère Guizot, abdique.
La Chambre des pairs et la chambre des députés dissoutes, un gouvernement provisoire est constitué qui devra remettre de l’ordre dans Paris. Sans aucune réussite, puisque les émeutes reprennent, et tout particulièrement l’insurrection communiste du 23 Juin 1848 qui dure quatre jours et fait des centaines de morts dont de braves soldats, parmi lesquels sept généraux (Damesne, Bréa, Duvivier, Négrier, etc.),et l’archevêque de Paris, Mgr. Affre, qui ont tenté de s’interposer.
L’élection du prince Louis Napoléon BONAPARTE à la présidence de la république le 10 Décembre 1848 met fin à cette période troublée. Louis Napoléon prête serment et jure devant Dieu et devant le peuple français de rester fidèle à la république…
L’Assemblée législative qui remplace l’Assemblée constituante, voit les royalistes majoritaires…les campagnes ayant voté en masse pour eux, persuadés que l’ordre est impossible avec la république (Mai 1849).
Cependant, Louis Napoléon en opposition avec les royalistes de l’Assemblée prépare un coup d’état et s’entoure d’hommes sur lesquels il peut compter, les généraux Saint-Arnaud et Canrobert qui viennent de s’illustrer en Algérie (Canrobert avec ses zouaves à Constantine et Saint-Arnaud en Kabylie), Rouher et le Duc de Morny. En même temps, il se déplace en province pour se faire ovationner.
Quelques jours avant le coup d’état, le 26 Novembre 1851, Louis Napoléon convoque chez le général Magnan, vingt et un généraux sur lesquels il peut compter et il s’ouvre à eux de ses projets : » … Les circonstances, leur dit-il, sont d’une immense gravité ; nous devons sauver la France ; elle compte sur nous ; il se peut que, d’ici à peu, je vous associe à une détermination de la plus haute importance ; je vous enverrai des ordres écrits, et quoi qu’il arrive ma responsabilité vous couvrira ; en cas d’insuccès, c’est moi qui porterai ma tête sur l’échafaud. » Les généraux répondent au prince qu’il peut compter entièrement sur eux et jurent de garder le silence sur ses projets ; ils tiennent parole et l’Assemblée n’a aucun soupçon.
Que leur a-t-il cédé en cette occasion ? D’écarter entre autre, les non-officiers, trop nombreux, de la Légion d’honneur ? C’est plus que probable. Car comment expliquer autrement, la création soudaine de la médaille militaire six semaines plus tard ? Ainsi, de nombreux spécialistes d’état major et du ministère pourront sans risquer de donner leur sang, et sur titre résultant de la réussite à un concours, arborer ainsi le ruban ou la rosette rouge. Au dessus, il faudra être général ou bien être un soldat exceptionnellement décoré comme l’actuel chef de corps d’une école de sous-officiers.
Le 1° Décembre au soir, Morny, Maupas et Saint-Arnaud ont une dernière conférence avec le prince-président, et chacun reçoit ses instructions précises : Saint-Arnaud a la direction de l’armée, Maupas celle de la police et Morny le ministère de l’intérieur. En même temps un officier de Louis Napoléon se rend à l’Imprimerie nationale pour y faire composer les pièces destinées à être publiées le lendemain, le décret de dissolution de l’Assemblée, l’appel à l’armée et l’appel au peuple. Des soldats sont placés à toutes les issues pour éviter toute fuite.
Pendant ce temps, Saint-Arnaud et Maupas mettent en place le dispositif militaire et policier, le 2 Décembre 1851 date anniversaire de la bataille d’Austerlitz. A cinq heures la troupe sort sans bruit des casernes pour prévenir toute résistance et la police se met en campagne pour arrêter dans leur lit tous ceux que l’on peut craindre. Thiers, Cavaignac, Changarnier, Lamoricière, le Flô, sont arrêtés et mis en prison. L’Assemblée est occupée militairement, et ceux qui se réunissent à la mairie du X° pour résister sont emprisonnés à leur tour.
Les campagnes et la bourgeoisie qui souhaitent un pouvoir fort applaudissent au coup d’état, bien qu’il viole la loi, elle-même d’ailleurs loi d’exception !…Mais le peuple de Paris se soulève et élève des barricades. La bataille de rue, les 3 et 4 décembre fait un millier de morts. Les combattants pris les armes à la main sont fusillés, d’autres déportés en Algérie ou à Cayenne.
Maître absolu du pouvoir, Louis Napoléon rétablit l’Empire héréditaire en Novembre 1852 par approbation du sénat et par un plébiscite ; il se fait proclamer empereur le 2 Décembre 1852 sous le nom de Napoléon III.
On sait que depuis, la 3° république n’eut pas plus de respect pour le premier ordre national et connût le scandale de la Légion d’honneur qui fit démissionner le Président de la république mouillé dans le scandale par son gendre. Les suivantes ne changèrent rien à cet état de choses ; en effet, il est facile de ficeler quelques uns avec des saucisses, des postes prestigieux, ou des rubans ou des rosettes lorsque le budget de l’administration ne permet que cela ou qu’il est réservé aux »intouchables » ( lire le livre »Les intouchables » de G. OTTENHEIMER chez A. Michel).
Il faut par ailleurs noter, l’étrange similitude de l’interventionnisme de Napoléon III, en Italie, en Crimée, au Mexique, avec celui de l’actuel président des Etats Unis. L’un pour mettre en place un empereur -Maximilien- l’autre pour défendre l’approvisionnement en pétrole de l’Amérique. Mais l’Histoire nous dira peut-être qu’en cette occasion quelques intérêts personnels furent pris en compte. Mais cela est une autre histoire…
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Le résultat est là, chiffres présentés devant le Conseil d’Etat et non contestés en défense par le ministère…
Aujourd’hui, un non officier cité en opération a une chance sur mille (0,001%) d’être chevalier de la Légion d’honneur. Il devra auparavant être médaillé militaire, puis cité postérieurement à cette récompense qui n’est pas un ordre national. Les récompenses de nos camarades tués l’an dernier en Côte d’Ivoire en sont la démonstration. La Légion d’honneur à titre militaire représente à peu près une croix sur deux distribuées. Sur ces croix militaires, seuls 7,5% sont consécutives à des citations ou des blessures (titres de guerre), 25% le sont, et c’est discutable… dans l’intérêt général ( temps de commandement ) , le reste 67,5 % le sont sans mérite guerrier ou titre de guerre, mais sur le grade et l’origine de l’école. (la prime initiale due à la réussite au concours comme le disait, il y a peu, un officier de recrutement direct sur un site d’école militaire célèbre !)…
On croit rêver, deux Légions d’honneur sur trois militaires sont attribuées sur la peau d’âne !… Soit une croix nationale sur trois. Ce n’est ni plus ni moins que de la discrimination d’état, une véritable épuration. La désignation de la valeur du sang en fonction de l’origine et du grade !… Ignoble, c’est de l’esclavage d’état. Doit-on rappeler que l’esclavage fut aboli dans la Constitution de 1848, mais rétabli pour les non officiers par le décret du 22 janvier 1852, et toujours en vigueur ( !) depuis ? Dont acte.
Les responsables sont en premier lieu, nos politiques au pouvoir, le grand Chancelier et nos chefs qui le maintiennent. Il fallait que cela fut dit.
En attendant une éventuelle remise aux normes légales et dignes – la dignité n’est-elle pas d’ordre public ?- nous demandons que soit créée une citation à l’ordre de la nation, attribuant d’office la Légion d’honneur, destinée à récompenser tous ceux et celles qui sont morts en opération ou en mission pour la France. La valeur de nos soldats serait-elle moindre que celle de nos officiers, nos policiers, nos pompiers et nos infirmières ?
Cette épuration d’état est non seulement un crime indigne, mais elle viole l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 Août 1789- préambule de la Constitution : » …Tous les citoyens égaux à ses yeux sont admissibles à toutes dignités places et emplois publics, selon leur capacité sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
Nous rappelons enfin que la France a signé la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Que l’article 55 de la Constitution de la V° République reconnaît la primauté des textes européens sur le droit français.
Qu’en l’espèce, le ministère viole l’article 14 de la CEDH : » Interdiction de discrimination .- La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ou la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes
autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Pour terminer citons l’avis d’un de nos plus grands soldats contemporains, le Colonel Jacques LE COUR GRANDMAISON » Parcours complet » Editions CHRISTIAN- page 73 … «…Fin Juillet ( 1953) au cours d’une prise d’armes, le Général NAVARRE me fait chevalier de la Légion d’honneur. Lorsque je me souviens de ces moments où il fallait avancer jusqu’à l’ extrême limite de nos forces humaines, je ne peux que m’interroger sur certaines attributions de décoration aujourd’hui… Il me semble qu’il existe assez de couleurs de ruban pour ne pas tout mélanger ! » Cet officier, Grand officier de la Légion d’honneur, 12 citations dont 10 en Indochine et deux fois blessé ; ancien des BEP en Indo, ancien de Dien Bien Phu et prisonnier dans les camps du viet-minh. Cet avis, ferme mais mesuré, conforte notre analyse sur ces graves dysfonctionnements.
Tout haut fonctionnaire du cabinet, signant au nom du ministre, par délégation, toute décision ou proposition violant l’un des textes cités supra, commet une faute personnelle passible de poursuites devant les tribunaux nationaux ou la CEDH (1), une fois épuisés les recours devant les juridictions nationales.
Christian L’HUILLIER
– (1) CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme dont le siège est à Strasbourg.
– Source : »L’histoire contemporaine de la France » par P. LEHUGEUR, professeur agrégé d’histoire au Lycée Henri IV- Editions LAHURE.
– Jacques LE COUR GRANDMAISON » Parcours complet’ ‘ Editions CHRISTIAN-