Des tracts dans les casernes …

Un tract en provenance de la Région sud-ouest de la France est parvenu à l’Adefdromil et à certains médias lundi 21 janvier 02.

Ce tract représente au recto une photo extraite de la couverture du journal Le POINT publiée il y a quelques mois « Mais qu’ont-ils fait de notre armée ? » suivi d’un rajout « La misère de l’armée française … et vous ne savez pas tout. »

Au verso, le tract commence par :

« Jusqu’à ce jour, l’armée avait trouvé sa place dans la Nation. Sa professionnalisation est un véritable fiasco que tous nos chefs se refusent à admettre et notre Armée se trouve dans le même délabrement qu’en 1940.

(…)

« pourquoi en sommes-nous là ? »

La décision de supprimer le service national a été prise sans l’avis des citoyens Français et des militaires de tous niveaux. Elle n’avait qu’un objectif, faire des économies à court terme et prendre des mesures démagogiques avant les échéances électorales. Elle était facile car nos hommes politiques savaient que les chefs militaires (qu’ils nomment) se tairaient pour préserver leurs privilèges et même les accentuer.

Ces réformes ont été faites pour que nos députés ne prennent plus leurs responsabilités quant à l’emploi de l’Armée et n’aient donc plus à en répondre devant leurs électeurs (les appelés pouvaient intervenir après décision et vote de l’assemblée nationale …)

Ces réformes donnent aux gouvernants une Armée qu’ils peuvent employer comme des mercenaires. Dans quelques années, l’Armée sera complètement coupée de la Nation et nous nous retrouverons avec des citoyens ayant l’état d’esprit existant pendant et après les guerres d’Indochine et d’Algérie.

Ces réformes ont été faites par des officiers pour des officiers.

Enfin, suivent toute une série de doléances présentées en 5 points :

.Le recrutement
.Les moyens pour remplir les missions
.L’organisation de l’armée de terre
.Redonner aux sous-officiers responsabilités et reconnaissance
.Stopper la résurrection de la caste des officiers.

Dans le même temps on apprenait que les épouses des commandos de l’air se seraient regroupées dans une association et auraient adressé une lettre au Président de la République. L’Adefdromil n’a pas pu vérifier cette information.

Réaction du président de l’Adefdromil :

En avril 2001, en créant cette association, j’ai rendu compte dans une longue lettre adressée au Président de la République et au Chef du Gouvernement de ce qui risquait de se passer à très court terme dans les armées si rien n’était fait pour améliorer vos conditions de travail et revoir vos statuts.

L’autorité militaire m’a immédiatement pris (et/ou) fait passer pour un illuminé et un revanchard, quittant les armées « aigri ». L’homme n’est pas fréquentable, son association encore moins, c’est un crapaud. L’humiliation, l’atteinte à l’honneur sont les derniers moyens employés par l’administration pour réduire à néant celui que l’on ne maîtrise plus. Ceux qui me connaissent bien et que j’ai eu l’honneur de servir en tant que subordonné, savent que tout cela n’est qu’affabulation de personnages qui ne m’ont jamais approché.

En réalité, ayant connu les comités de soldats comme jeune sergent-chef, les lettres anonymes en 1989, la répression administrative et psychologique démentielle exercée par des chefs placés au plus haut niveau, et ce durant toute ma carrière d’officier, j’ai estimé de mon devoir de créer cette association et de faire entendre vos voix. Je ne le regrette pas car les faits m’ont donné raison. Le fait précède toujours le droit.

Seuls les services du Premier Ministre ont accusé réception de la lettre et ont pris acte de mes réflexions. Bien évidemment, subissant l’épreuve du filtrage, l’exemplaire destiné au Président de la République n’a pas été porté à sa connaissance.

Le livre que j’ai diffusé récemment « Pour que l’armée respecte enfin la loi » informe actuellement le grand public de certaines pratiques administratives exécrables et de certains dévoiements. J’ai tenu à ce qu’il y ait à l’intérieur de celui-ci un chapitre consacré au moral dans les armées.

Seuls, deux généraux, fort heureusement en 2ème section, ont cru devoir, pour l’un, m’adresser une lettre indigne de son rang, et pour l’autre, retourner le livre à l’éditeur. Je ne les ai pas entendus une seule fois s’exprimer publiquement pour crier votre souffrance.

Paradoxalement, pas une seule injure, pas une seule réflexion déplacée ne m’a été adressée par un quelconque personnel d’active sur le site de l’Adefdromil. Sous couvert de l’anonymat tout était possible !

Pourquoi ? parce que vous savez tous que ce qui est écrit est vrai. Mais cela prouve surtout, que ce n’est pas parce que l’on est au bas de la pyramide que l’on est dépourvu d’éducation, d’intelligence, de savoir vivre ou faire.

Pour parvenir à écrire un pamphlet aussi fort, c’est que la violence pratiquée par quelques uns au sein de l’Institution est telle, que la souffrance interne ne peut plus se contenir et doit s’exporter. Ce sont des généraux promis à un bel avenir qui, à plusieurs reprises, m’ont dit : « il faut écrire votre histoire ». Moi, j’ai préféré écrire un peu de mon histoire et beaucoup de votre histoire.

La « dictature administrative » de certains chefs dans la gestion du personnel, toutes armées confondues, doit disparaître. C’est elle qui conduit des hommes à devenir des meneurs. La violence interne ressentie par ceux qui en sont victimes est telle, qu’elle se transforme en haine et devient dangereuse pour la cohésion.

Je serai toujours aux côtés de ceux qui subissent cette forme de violence qui abîme les coeurs, creuse les rides, vieilli prématurément l’homme et conduit toujours à la dépression et parfois au suicide. Cette violence est aujourd’hui sanctionnée par le très important article 178 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

Toutes les doléances que vous écrivez ici ou là dans les tracts sont fondées. J’en ai pris acte et je les ai immédiatement transmises à certaines autorités politiques.

A aucun moment, dans toutes mes interventions publiques, à la radio comme dans la presse écrite, je n’ai cessé de dire : ce sont toutes les armées qui souffrent, pas uniquement la gendarmerie.

Il y a, bien évidemment et comme toujours, quelques irréductibles qui n’ont rien compris aux événements et qui pensent que vous n’êtes pas capables de mener une action identique aux gendarmes. A ceux-là, je leur dis et je leur conseille de faire très attention à la provocation et à l’appel inconscient à la surenchère.

Ce qui est sur, c’est qu’aujourd’hui, plus personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.

L’avertissement symbolique très fort donné par la gendarmerie au mois de décembre a nécessairement fait prendre conscience aux autorités politiques et militaires de notre Pays qu’il fallait faire quelque chose pour les Armées.

Vous devez maintenant laisser le temps à vos chefs et aux autorités compétentes de préparer les décisions appropriées.

Rien ne doit se faire dans la précipitation. Tout ce qui est donné dans l’urgence pour calmer le jeu, est voué demain à être contesté et à accroître votre malaise.

Des hommes politiques ont déjà réagi. Un député a déposé une proposition de loi en vue de la création d’un groupement professionnel.

L’élection présidentielle approche. Le malaise au sein des armées en sera, avec la sécurité, un thème très fort. Je veillerai tout particulièrement au sein de l’association à ce que soient notées les promesses qu’ils feront.

Pratiquement dans le même temps, souhaitons que des hommes neufs avec des idées nouvelles s’installent sous peu à l’Assemblée Nationale.

Certes, il y aura toujours des contestataires irréductibles prêts à prendre au mot les paroles de quelques chefs parfois maladroits. Faites preuve de discernement et ne vous laissez pas entraîner.

Jeune retraité, j’ai décidé de faire entendre vos voix auprès des politiques que je connais et auprès des médias nationaux qui me connaissent bien maintenant.

Auteur de quatorze recours devant le Conseil d’Etat et les juridictions administratives, j’ai fait en sorte que le livre le Droit de recours des militaires de Jacques BESSY soit mis à jour, revu et corrigé de manière à faire pénétrer le droit à l’intérieur des casernes.

Mais tout cela n’est pas destiné à faire obstacle au Commandement. Le but étant de lui faire comprendre que les hommes ont des devoirs mais aussi des droits. Bien évidemment, seul est crédible celui qui respecte à la lettre ses devoirs.

L’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

L’Etat militaire exige en toute circonstance discipline, loyalisme et esprit de sacrifice. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

Les Françaises et les Français aiment leur armée. Ils se sont montrés compréhensifs lors des mouvements de décembre dans la gendarmerie, il ne faut pas les décevoir.

Des uniformes dans la rue laissent une image forte sur le coup mais terrible à la réflexion. Ce n’est pas le rôle d’une armée de faire grève ou de montrer aux yeux des pays qui nous regardent ses faiblesses. Vous devez faire corps maintenant avec toute votre hiérarchie et faire confiance au Chef d’Etat-major des armées qui s’est déjà exprimé devant le Chef de l’Etat avec force et conviction. Les équipes vont changer, les méthodes également.

C’est pourquoi, l’association de défense des droits des militaires met en garde les quelques irréductibles contre les risques de sanctions pénales qu’ils peuvent encourir à vouloir poursuivre des actions illégales pour se faire entendre. Elle demande aux anciens de redonner confiance aux jeunes. Les armées ont toujours évolué dans la douleur. La douleur est là, il faut maintenant la calmer.

Je souhaite aux armées et à tous les membres de l’Association une bonne et heureuse année 2002.

Michel BAVOIL

À lire également