La grogne des gendarmes s’étend.

La « révolte » des gendarmes serait-elle contagieuse ? C’est la question qui se pose actuellement dans le corps militaire des marins pompiers de Marseille. Ces derniers ont fait parvenir une cassette vidéo anonyme aux médias dans laquelle ils se plaignent de leurs mauvaises conditions de travail.

Rappelons que le BMPM (Bataillon des Marins Pompiers de Marseille) constitue avec la BSPP (Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris) un corps de pompiers à statut militaire. La BSPP dépend de l’armée de Terre alors que le BMPM dépend de la marine nationale.

La moitié des 2.000 hommes du BMPM est constituée par des militaires sous contrat. Ce statut qui correspond à des emplois précaires a pour conséquences : l’impossibilité de contracter un prêt bancaire pour financer l’achat de sa résidence principale, l’instabilité des familles, le départ de personnels particulièrement qualifiés vers le secteur civil, des garanties statutaires moindres en cas de maladie ou d’accidents en service, etc.

Même si le commandement a fait des efforts indéniables pour réduire la charge de travail du BMPM, les pompiers de cette unité se trouvent confrontés à un manque d’écoute et de reconnaissance de la part de leur hiérarchie.

Car des problèmes, les pompiers militaires en ont, comme leurs collègues civils : astreintes non payées, manque de moyens, situations difficiles dans les banlieues dites « chaudes ». Seulement contrairement à ces derniers, eux n’ont pas le droit de les exprimer.

La cassette vidéo envoyée par les pompiers a été diffusée partiellement sur les chaînes de télévision. Les réactions des autorités militaires et du maire de la ville ne se sont pas faites attendre. Le contre-amiral Claude Dufourd déclarait : « je suis complètement serein », « 99,9% des 2000 marins pompiers sont contents de leur sort. », « ce texte ne reflète pas l’opinion générale » ou encore « ces revendications concernent principalement le statut militaire du bataillon. Or, nous sommes bien des militaires, nous avons effectivement des astreintes pour un prix qui est forfaitaire. Nous l’avons accepté en nous engageant. Si certains individus ne sont pas contents, nous avons des procédures qui permettent de nous séparer », « depuis trois mois, des efforts ont été faits sur le nombre d’heures de travail du personnel du bataillon », « Cette cassette, si elle est bien le fait de marins-pompiers, ne concerne qu’un nombre très limité de personnes et ne représente en aucun cas une majorité de marins-pompiers », etc.

Quant à Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, il ne semble pas plus prendre la mesure du problème : « Ces déclarations anonymes n’ont pas de valeur. La ville de Marseille, qui est très satisfaite du service fourni, a engagé un programme pour le BMP en construisant des casernes neuves et en améliorant les conditions de vie » et de préciser avec un certain agacement « ce ne sont pas quelques jeunes qui n’ont pas l’audace de venir me voir à visage découvert qui vont me dire ce que j’ai à faire. S’ils ne sont pas contents, qu’ils aillent voir ailleurs, qu’ils partent, l’affaire est entendue ».

Des propos semblables tenus aux gendarmes ont provoqué en décembre une crise sans précédent au sein de l’armée, avec des manifestations rassemblant plus de 25.000 militaires dans les rues. On est en droit de s’interroger au vu de ce qui vient d’être déclaré, si la hiérarchie et le pouvoir politique sont en mesure d’apprécier et de gérer cette nouvelle crise qui couve dans le corps des pompiers militaires.

Ces événements, inquiétants en soi, dissimulent un malaise plus profond de l’institution militaire dans son ensemble. Si les gendarmes et les pompiers militaires se trouvent être le fer de lance de l’expression de ce malaise, c’est sans doute parce que ils constatent que d’autres corporations proches (policiers et pompiers civils), confrontés aux mêmes problèmes reçoivent une écoute qui ne leur est pas accordée.

Mais au delà, ce sont les militaires dans leur ensemble qui dénoncent le manque de dialogue social et de concertation au sein du ministère de la défense. Un renouveau des structures de dialogue sera un enjeu majeur pour le nouveau gouvernement quel qu’il soit. L’Adefdromil occupe depuis longtemps le terrain dans ce domaine, en demandant que soit revu le droit d’association des militaires au sein de structures professionnelles.

Voir le site des Amis et Familles des Marins Pompiers de Marseille (membre de l’Adefdromil) : http://www.afmpm.fr.st/

Voir en comparaison le Décret no 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : http://www.legifrance.gouv.fr/citoyen/jorf_nor.ow?numjo=INTE0100351D

Communiqué de Florence ABEL, Présidente des Amis et Familles des Marins Pompiers de Marseille :

La cassette vidéo envoyée aux médias permet de relancer le débat amorcé voici un peu plus d’un an. Bien qu’une amélioration notable de service horaire ait été mise en place à l’automne 2001, des sujets aussi importants que les contrats de travail et l’intégration de la prime de feu dans le calcul des retraites ne semblent pas avoir avancé.

La plupart des reportages que nous avons pu voir ces jours derniers ne prennent pas ou peu en compte l’opinion des hommes du Bataillon. Seuls sont interrogés le contre amiral Dufourd et M.Berger adjoint au maire.

Les quelques hommes qui ont pu parler l’ont fait avec l’assentiment de leurs supérieurs, ou bien de manière anonyme une fois de plus par crainte des sanctions.

Nous vous invitons à venir faire des reportages auprès de familles et de marins-pompiers sur le terrain.

De grâce, vous, médias ne vous contentez pas de cérémonies et de galons brillants.

Notre association compte actuellement 305 membres et peut se targuer d’être représentative au sein du Bataillon qui compte 2100 hommes dont 1670 marins-pompiers.

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