A près la suspension conservatoire du général Poncet. Ca grogne dans les rangs

Nombreux sont les militaires qui estiment que Mam a sanctionné trop rapidement

(France soir du 28 octobre 2005)

L’incompréhension voire la franche indignation prédomine désormais dans une bonne partie de l’armée de terre française. Pour les autorités militaires, qui tentent de calmer les esprits, c’est le meurtre présumé d’un Ivoirien par des soldats français en Côte d’Ivoire qui est un scandale. Dans les rangs d’une grande muette qui, là, l’est moins que jamais c’est la suspension à titre conservatoire, (article 44 du code militaire) du général Henri Poncet qui suscite l’indignation.
Même les ennemis du 4 étoiles ne comprennent pas la décision de Michèle Alliot Marie. C’est tout dire : «Ca n’a pas de sens, tous les jours on couvre nos hommes en opérations extérieures (opex) et on ne rapporte pas systématiquement au commandement. Et pourtant, ça se sait, et personne n’a jamais été suspendu pour cette raison.».
Etrange retournement de situation, donc. Même ce marsouin (issu de l’infanterie de marine) qui a cotoyé Poncet en Opex fustige la méthode. «On peut lui reprocher beaucoup de choses, comme son sale caractère, mais on ne peut pas lui reprocher d’avoir éteint par 3 fois l’incendie qui couvait en Côte d’ivoire. Ceci dit, on peut comprendre que son comportement ait fabriqué des aigris, par exemple chez ceux qui restaient tranquillement assis dans leurs fauteuils au lieu de faire la guerre».
«La fièvre qui régnait jusqu’alors seulement chez les paras est en train de s’étendre», observe un bon connaisseur des militaires, ancien soldat lui-même. A l’Association de défense des droits des militaires, Michel Bavoil, se frotte déjà les mains en constatant la multiplication des e-mails de soutien au général Poncet. En bon ancien para, le bouillant contestataire qui fait régulièrement fulminer MAM, estime qu’elle est allée beaucoup trop vite et beaucoup trop fort en suspendant le général Poncet, sur la base de quasi-rumeurs.
Pour l’instant, Poncet, lui, écoute les messages de soutien qui encombrent la messagerie de son téléphone personnel à Bordeaux. Ce numéro est connu de tous les paras français et de quelques intimes. Se sachant écouté, le général évite de répondre lui-même au téléphone.
Les esprits sont à ce point tendus que le général Thorette, chef d’état major de l’armée de Terre (CEMAT), très proche de ses soldats, a même décidé d’expliquer à l’armée de Terre tout entière, la démarche du ministre par un message envoyé mercredi qui explique que le CEMAT a réuni «les chefs de corps des forces et la haute hiérarchie» qui, après exposé des faits, «lui ont manifesté leur soutien».
Peut-être simplement aurait-il suffi de rappeler que l’armée de Terre cultive depuis plusieurs années son intégrité morale. Y compris par le biais de cours d’ «éthique militaire» à St Cyr, prodigués par le spécialiste du sujet, le général Bachelard.
Dans l’entourage de MAM, on reste encore peu inquiet par ces mouvements d’humeurs de la troupe. Un très proche constate même que ça n’est pas «la chienlit qu’ont dû gérer les socialistes en 2001, au plus fort de l’agitation militaire suscitée par la révolte des gendarmes».
«Les réactions individuelles, quand elles existent, traduisent pour la plupart une perception aiguë de la gravité des faits et une grande prudence dans l’attente du résultat des enquêtes en cours», indique une source militaire. MAM ne devrait pas commenter quoi que ce soit, avant d’avoir lu le rapport de deux officiers supérieurs chargés d’enquêter sur les faits, en Côte d’Ivoire et en France. Une enquête qui lui sera remise «probablement la semaine prochaine» et qui, à ce stade, ne prévoit pas de confrontations entre les trois «suspendus» et ceux qui pourraient éventuellement très vite les rejoindre.
«Elle sera déclassifiée par Mme Alliot-Marie pour pouvoir être versée au dossier judiciaire et transmise au parquet», a indiqué Jean-François Bureau, porte-parole du ministère. Le procureur du tribunal aux armées de Paris a en effet ouvert une information judiciaire contre X pour «homicide volontaire».
En attendant MAM ne serait pas plus stressée que cela puisqu’elle serait même «contente d’aller prendre le pouls des militaires», sur le front aujourd’hui. Elle se fera notamment présenter par l’Armée de Terre, à Fontrevrault (Maine & Loire), des capacités de réaction à une attaque terroriste, nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (nbc). Dans l’après-midi, elle y fera même baptiser le nouveau navire espion de la DGSE et de la DRM et finira sa journée par une démonstration de prise d’un bateau réalisée par le commando Hubert. Un bon test pour mesurer sa popularité mise à mal par la gestion de l’affaire Poncet.

À lire également