La suspension du Général PONCET : une plus grande exigence de vérité et de responsabilité

Ce 18 octobre 2005, la suspension du Général de Corps d’Armée Henri PONCET a claqué comme un coup de tonnerre non seulement dans le landernau militaire, mais dans la société civile et le microcosme politico médiatique.

Certes la mesure purement conservatoire selon l’expression consacrée, préserve la présomption d’innocence, dont bénéficie tout citoyen et donc tout militaire qu’il soit caporal ou général.

Il n’est donc pas question que l’Adefdromil prenne parti sur la gestion, au demeurant fort délicate de la crise ivoirienne, par cet officier à la carrière jusque là exemplaire ou sur les manquements supposés qui lui seraient reprochés.

En revanche, le caractère exceptionnel et unique de la mesure depuis la tourmente de la guerre d’Algérie mérite qu’on s’interroge sur sa signification dans la relation entre le politique et le militaire.

De fait, instruite par l’expérience douloureuse de diverses interventions extérieures depuis plus d’une décennie, l’autorité politique n’est plus disposée à couvrir les erreurs de commandement sur le terrain.

Quatre exemples illustrent cette tendance.

La passivité, voire le parti pris ethnique de la France dans la réalisation du génocide rwandais ont été stigmatisés et soulignés à diverses reprises sans que les responsabilités aient été bien établies aux yeux de l’opinion publique.

De même, lors de l’assaut sur Srebrenica par les forces serbes, certains ont estimé que le massacre des combattants bosniaques désarmés aurait pu être évité si le général français, détenteur du mandat de l’ONU en Bosnie, n’avait pas refusé l’intervention de l’aviation contre les assaillants. La réputation de la France n’est pas sortie grandie de l’affaire.

Au Kosovo, on se souvient de l’épisode rocambolesque du général de Saqui qui aurait fait plâtrer un subordonné pour fausser l’enquête judiciaire ouverte après une bavure non mortelle contre un civil. Sa carrière s’est poursuivie sous le soleil de la Nouvelle Calédonie.

Enfin, la découverte des exactions commises à l’encontre des prisonniers irakiens dans la prison d’Abou Grahib a fortement ébranlé l’opinion publique internationale et affaibli l’autorité du président américain. Seuls des exécutants ont été sanctionnés.

C’est dire que l’autorité politique française ou étrangère est désormais vigilante sur les interventions extérieures de ses forces armées qui sont censées agir au nom d’une morale supérieure. Tout dysfonctionnement, tout défaut d’information du pouvoir politique peut compromettre la réussite de la mission et détériorer gravement l’image de l’autorité concernée.

L’époque est bien révolue où l’autorité militaire, en l’occurrence le général Lyautey, pouvait répondre en 1903 au ministre qui lui avait interdit d’occuper le poste de Béchar situé au Maroc : mais nous sommes à Colomb ! Désormais, tout se déroule sous les yeux des médias et des satellites, et l’Afrique n’est plus le terrain d’entraînement à balles réelles de l’armée française.

La classe politique se doit donc de satisfaire l’exigence particulière de vérité des opinions publiques française et internationale qui supportent de moins en moins la manipulation. Dans le cas particulier de la Côte d’Ivoire, la relation particulière que la France entretient avec ce pays joue également dans le sens d’une plus grande transparence. Cette exigence s’accompagne d’une responsabilité accrue du chef militaire, non seulement dans la conduite générale de la mission, mais aussi dans le management au quotidien de la crise qui peut dégénérer très vite sur le terrain et sur les plans politiques national et international.

On retrouve d’ailleurs cette même exigence de vérité et de responsabilité dans la société civile qui veut comprendre et n’hésite plus à mettre en cause la responsabilité des politiques comme dans l’affaire du sang contaminé ou celle des juges lorsque la machine judiciaire dérape.

Au-delà du sort individuel d’un officier général, la mise en cause du général Poncet s’inscrit donc dans cette tendance lourde de la responsabilisation de tous ceux qui agissent au nom de l’Etat et de la République. C’est incontestablement une avancée de la démocratie.

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