Du Chef qui veille aux intérêts des subordonnées

« Quel Chef ? », exige de savoir le Soldat professionnel Parce que. « Nommez-le ! » somme-t-il. Lire SVP dites-moi POURQUOI ? : la réponse du Soldat professionnel PARCE QUE.

« Le Chef de l’article 10 du statut, vous en connaissez d’autres ? », répond l’écho, soucieux du chef… de diffamation.

Une stricte vérité, de nature à remettre en cause l’honneur et la considération auxquels le Chef est abonné, peut faire condamner pour diffamation celui qui la rapporte, dès lors que bien que stricte, cette vérité ne serait pas suffisamment étayée au goût du Tribunal. Il faut le savoir, et le soldat professionnel Parce que, plus héraut du « parce que » que héros du « pourquoi ? », aurait tendance à en abuser.

En conséquence l’histoire qui va suivre, et ses coups tordus, doit-elle être lue comme un roman, dans lequel toute ressemblance avec des personnes ayant existé, existant ou (on ne saurait être trop prudent) qui existeront, serait pure coïncidence. D’autant que les punitions et enquêtes de commandement, souvent déclenchées au sein de la grande famille militaire parce que la victime rompt, en le payant cash au prix fort, la loi du silence, aboutissent rarement. Quant au Procureur de la République, dont c’est pourtant le métier, il n’est pas dans l’air du temps de le solliciter dans les affaires de la Grande Muette, alors que selon l’art.40 du code de procédure pénale celle-ci serait tenue de lui signaler tout crime et délit dont elle aurait connaissance. C’est dommage parce que le harcèlement sexuel autant que le sexe à l’armée, qu’il soit exhibé ou pratiqué en service, devraient l’intéresser, comme il s’y intéresse lorsque la chose se déroule dans la rue, l’entreprise, l’école ou dans la paroisse.

Lorsque la presse, comme le Canard devenu l’aide à la décision occasionnelle d’une hiérarchie débordée par de trop longues veilles sur son propre intérêt, cancane sur le marigot, s’agissant de moeurs militaires, c’est sûr qu’elle ment. Comme ment l’Adefdromil quand elle reprend ces ragots à son compte, ou les lui livre sur dossiers.

Donc, dans ce que ci-dessous, tout le monde ment. Le rédacteur ment. La presse ment. L’Adefdromil en son Président, que l’on discrédite en faisant croire que son but est de bouffer du Général et non de défendre les droits des victimes, ment également. La victime elle-même ment. Admettons. Mais dès lors, comment interpréter cette hâte de l’Hôtel de Brienne, après lecture du Canard, à faire cesser en une demi-journée un scandale qu’une mère et un père, puis l’Adefdromil qu’ils avaient saisie, lui avaient vainement signalé des mois auparavant, désavouant ainsi les agissements de ces hiérarques de province, n’ayant eu de cesse, durant près de trois ans, que de s’en laver les mains. A ce stade, une fois saisie elle-même, ce qui est le plus difficile, l’efficacité de la ministre mérite d’être saluée.

***

« Tu pompes » ordonne le caporal-chef très éméché à la jeune «marsouine » pétrifiée, pensant que pomper pouvait être autre chose. « T’es une gonzesse ? », la soldate de dix-neuf ans acquiesce. Il l’attrape alors par le col, la secoue et la gifle en hurlant : « T’es pas une gonzesse, t’es militaire ». Version au féminin des claques de bon fonctionnement…

Une autre femme marsouin a résilié son contrat après quatre mois et demi dans l’armée. Elle passait son temps à repousser les avances de ses collègues ou de ses supérieurs. Jusqu’au jour où, pénétrant à plusieurs, ils ont défoncé sa porte à coups d’extincteur. Version fellinienne de ce que pouvait être la prochaine pénétration…

Ambiance chez ceux qui se pincent le nez en regardant la nouvelle émission de télé-sous-réalité sur TF1, «1ère Compagnie »…

Plus sordide ce qui est arrivé à la jeune Mamounia. Ses parents, venus de Marrakech, l’appellent Mam. Par respect pour son diminutif, nous l’appellerons M.

Sordide, pas tant pour leur virilité dardée au-dessus d’elle fin 2001 par cinq ordures présumées alors qu’elle était au lit, permettant aux connaisseurs, avec la délicatesse qui sied en pareille circonstance, de l’affubler par la suite du sobriquet recherché de «tête de yaourt », que par la manière ignoble dont cette « agression sexuelle en réunion » a été gérée par la suite, la conduisant, culpabilisée, vaincue, abandonnée, déprimée et proche de l’irréparable, à ne porter plainte que fin 2003. La confirmant ainsi dans son statut de vilain petit mouton noir empêcheuse de tourner en rond (du latin tornare, d’où vient également tournante).

La gestion de cette affaire, et c’est ce qu’il y a d’abject, ne se bloqua pas en vertu du principe bien huilé de la parole de la victime contre celle d’un autre. C’eut été trop beau : Ce fut la parole de la victime rendue incongrue par le silence de l’institution.

A tous les échelons chacun y alla, au pire, de leur malveillance pour les petits chefs, au mieux, de leur ignorance crasse des droits de la victime pour ceux du dessus. Avant que la ministre et son entourage n’interviennent pour leur plus grand intérêt, après avoir lu le Canard (1 euro 20 centime, excellent exemple de l’efficacité et des économies que l’on pourrait réaliser en externalisant la communication interne dans nos Armées), aucun « chef qui veille », malgré la prétention de l’affabulation n°10 du statut, n’avait veillé sur les intérêts de M.

Premier temps de la manoeuvre : Empêcher la clameur de colporter le délit, ce qui obligerait à entreprendre. Lui préférer la rumeur dont il est sage de se méfier d’abord, puis de la laisser s’ensabler ensuite, pour in fine ne rien entreprendre. Premier secours à la victime : Lui conseiller de ne pas réagir, afin de ne pas attacher une série de casseroles à sa carrière débutante.

Deuxième temps, le punching ball : il fallait écraser en elle toute velléité de résistance. Les petits s’y prirent avec leurs petits moyens : Sarcasmes sur le thèmes du yaourt et de la vanille, regards salaces, allusions qui toutes testaient sa «disponibilité ». Cherchant l’oubli, mais n’y parvenant pas dans cette ambiance délétère, la compétence professionnelle de la jeune fille se délita au rythme de la dépression qui la gagnait, et de la dégradation d’un physique qui accusait une surcharge pondérale réactionnelle considérable. Curieusement, informés de cette affaire, la conseillère juridique, les médecins, le chef de corps, ne réagirent pas, sinon pour tenter à leur tour de la dissuader de porter l’affaire devant la justice, faute de preuves. Preuves qu’ils s’étaient bien gardés de collationner quand ils en avaient la possibilité, et maintenant l’impérieux devoir.

Après de nombreux changements de services au titre d’une thérapie musclée, devenue « bonne à tout faire », paraît-il menteuse et mythomane, les brimades continuaient. Ayant dû copier cent fois « je dois vérifier que ma collègue a rendu compte avant de la laisser sortir » que lui avait infligé un cadre de la nation probablement victime de la canicule de l’été 2003, elle décida de réagir.

Dès lors, la hiérarchie, impliquée contre son gré, utilisa des moyens plus sophistiqués. M. entra dans une longue dépression. Les arrêts maladie se cumulèrent dangereusement, sans faire cesser le harcèlement.

Troisième temps, les coups tordus :

1ère demande de mutation, trop gênante car solidement argumentée par le rappel des faits. Il lui sera demandé de la refaire, en l’édulcorant de manière éhontée car, « pour avoir une chance d’aboutir, il ne faut pas mettre ses supérieurs en cause ». Cette demande ainsi vidée de sa substance, ne sera transmise « hors plan annuel de mutation » que par pure bonté d’âme ! ! C’est à dire subordonnée au renoncement écrit de porter l’affaire devant la Justice ! On était loin de la mutation d’urgence qui s’imposait au titre du sauvetage de la jeune fille. La suite donnée à cette demande brossant un tableau idyllique de son vécu ne se fit pas attendre : « les éléments contenus dans le dossier ne sont pas de nature à motiver une mutation pour cas grave d’ordre personnel ». Hoplà le tour est joué, la hiérarchie a la preuve écrite de sa main que M. ne se plaint de rien. Le contrat de confiance étant manifestement rompu, et afin de donner de la consistance à sa prochaine demande de mutation, la jeune soldate qui, pas sotte, avait pris soin d’écrire « je ne souhaite pas porter plainte dans l’immédiat » se résout enfin à le faire. La hiérarchie s’émeut et même s’étrangle lorsqu’elle lui fait benoîtement remarquer que sa plainte dirigée « contre ceux qui m’ont fait du mal » ne la vise pas. Hum, hum ! Sueurs et raclements de gorge gênés d’icelle. La famille de la victime constate alors avec indignation que ce sont les militaires qui transmettront au Procureur le dossier, paraît-il complet, d’une plainte qu’ils ont toujours refusé de déposer eux-mêmes. Ah ! Ces civils, où se croient-ils ? Décidément ils ne comprendront jamais rien à l’armée. Début 2004 sollicite, par voie hiérarchique, la haute bienveillance du Général commandant de Région pour se faire communiquer l’ensemble des avis émis sur sa demande de mutation refusée. Sans autre effet que celui de déranger. 18 janvier 2004 nouvelle demande de mutation, fortement étayée celle-là. Sans nouvelles de celle-ci, et pour cause, « elle n’est pas dans le bon créneau », sans pouvoir être entendue par le chef de corps à cette époque, tant sur cette demande que sur sa plainte (elle le sera plus tard lorsqu’il y aura le feu), M. se désespère. Elle écrit : « j’ai le sentiment profond de subir le traitement qui est bien souvent utilisé pour forcer quelqu’un à résilier son contrat ou à déserter ». Saisie de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs qui, naturellement, lui donne le feu vert pour se faire communiquer par le Général qui les détenait, les avis hiérarchiques précédemment demandés. Ayant pourtant usé de son bon droit, histoire de soigner sa déprime, elle écope de 5 jours d’arrêts. Alors qu’en congé maladie elle s’adonnait à un loisir radiophonique hors son domicile, conformément aux conseils de son psychiatre, irruption dans sa vie privée de deux pieds-nickelés (commandant d’unité et officier de sécurité en civil, plus photographe) qui interrompent l’émission. Elle sera menacée de devoir rembourser à la Sécurité sociale militaire les sommes prétendument perçues, alors qu’elle exerçait à titre bénévole. L’histoire ne dit pas si ces barbouzes étaient dotés d’un parapluie bulgare. Enfin reçue au saint des saints par le chef de corps et trois autres imbus, M. est cuisinée sur tout ce que dessus. La séance se poursuivra ex cathedra avec le commandant d’unité, très soucieux de se refaire une virginité. Abattue devant une pareille obstination à vouloir l’accabler, la peur s’ajoute maintenant à la déprime. Elle écrit à ses parents « tout s’écroule, j’ai l’impression que l’armée a pris partie pour mes agresseurs, j’ai peur de tout ce dont on me menace à demi-mots pour avoir parlé .» La vie de la jeune fille dépressive se trouve en péril. Seul le chef « qui veille aux intérêts du subordonné » ne s’en rend pas compte ! Dernier coup tordu, histoire de la guérir définitivement, elle signe le 23 juin 2004 dix jours d’arrêts pour ivresse lors des faits datant de… 2001. Cette punition totalement arbitraire et essentiellement destinée à donner du gras à la défense de l’encadrement, aurait été annulée dès le lendemain. Toutefois sa signature restera au bas du précieux papier qui, lui, n’a pas vocation à disparaître. Il est clair que dans l’état de vulnérabilité dans lequel on l’avait réduite, elle aurait signé sa propre exécution.

« Yaghati chems bel gharbal » se souvint alors Mamounia. « La vérité est souvent éclipsée mais jamais éteinte ». Le proverbe arabe de son enfance allait lui donner raison.

Epilogue

Après lecture à haute voix et commentaires de l’article «criminel » du Canard, la chasse à courre est ouverte sur la place du Quartier. La meute encercle l’animal qui saigne depuis près de 3 ans. M. est livrée à la vindicte de l’autorité légale.

Les anciens les moins sourds diront avoir entendu au loin monter du coeur de la forêt landaise, couvrant les aboiements, le brame des cinq ordures présumées en rut. Les moins aveugles affirmèrent avoir bien vu, çà et là, quelques paupières se mouiller…Ah ! Le son du cor, ce que cela peut rendre sensible. Un peu comme la sonnerie «Aux morts ».

Le maître d’équipage donne ses ordres aux cavaliers, veneurs, piqueurs, chiens puis soudards. Ils sont tous là pour la curée. M. sent que cette fois c’est la fin. Elle est au bout du rouleau. A 23 ans, cette nuit, elle arrêtera le cauchemar.

Le Chef de Cor fige son monde au « garde à vous », prononce l’excommunication puis sonne l’hallali. Dans son bureau le fax tombe : la ministre a lu le même Canard que lui. A son inverse, l’intelligence de la situation et l’esprit de décision ministériels forcent le respect, elle libère M. de ses tourmenteurs. Elle est mutée. De joie, le chef de corps sonne encore et encore de son cor… Peut-être sonnerait-il encore s’il n’avait pas été nommé au grade supérieur.

Aux dernières nouvelles la jeune fille est ravie de son nouveau Régiment. Suite à une énième démarche, elle formule une demande de recours contre la punition abusive, que personne cette fois n’arrête, ses cinq jours d’arrêts sont annulés. Par ailleurs sa plainte s’enrichit des premiers aveux. Elle n’était donc pas si mythomane que ça la petite Mamounia. Ses nouveaux Chefs en conviennent et ont débuté sa reconstruction. Pour ce faire, ils lui ont expliqué qu’une embarcation en péril n’étant pas responsable des vagues qui se déchaînent autour d’elle (et qu’elle désapprouve TOTALEMENT), elle n’avait plus à raser les murs. Nul doute que ces bonnes dispositions initiales se maintiendront jusqu’à sa consolidation définitive. L’institution le lui doit bien.

Puissent ses anciens chefs, qui ne désarmant pas l’accusèrent dans sa dernière notation de manquer de moralité, vraisemblablement pour avoir eu l’audace de se plaindre d’abus sexuel alors qu’il n’y avait pas eu pénétration, sans reconnaître qu’elle eut la délicatesse de n’agir qu’après constat de leur propre carence, puissent-ils ces guides bienveillants se regarder un peu dans la glace…Ils le lui doivent bien.

Puisse aussi le soldat professionnel Parce que, il nous le doit aussi, admettre une fois pour toutes que s’il existait un organisme de défense des droits des militaires, indépendant de la hiérarchie, ces choses-là n’existeraient que dans les romans.

Comme dans celui-ci, directement sorti de l’imagination de son auteur. (1)

(1) A propos d’imagination, il a dû en falloir pas mal à son rédacteur pour rendre présentable le rapport, que la ministre n’aura pas manqué d’exiger, afin de dégager les responsabilités dans cette mauvaise comédie. Nul doute que dans sa belle construction intellectuelle les « aveux » de Mamounia tiendront une place éminente. Notamment « sa joie de vivre », telle qu’elle s’exhale des motivations de sa demande de mutation édulcorée sous la pression. Idem pour sa « reconnaissance d’ivresse » signée près de trois ans après les faits et qui, « par bienveillance » n’en doutons pas, ne serait pas inscrite dans ses pièces… tout en étant maintenue bien au chaud, si d’aventure, des comptes étaient à rendre !

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