Les nouveaux délais de la procédure de licenciement

Un peu plus longue mais moins sujette à interprétation et donc à contestation, la procédure de licenciement a été modifiée à effet 27 Juin 2004.

Une ordonnance du Président de la République en date du 24 juin 2004, vient modifier, notamment, les délais de mise en oeuvre de la procédure (I) sans néanmoins préciser les sanctions attachées au non respect des nouvelles règles (II).

I. LES NOUVEAUX DELAIS IMPERATIFS :

1.1. La convocation à l’entretien préalable : l’uniformisation du délai :

L’Article 2 de l’ordonnance du 24 juin 2004 énonce que

Le premier alinéa de l’article L. 122-14 du code du travail est remplacé par les dispositions suivantes :

L’employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l’intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Au cours de l’entretien, l’employeur est tenu d’indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié.

Désormais tout entretien préalable ne peut valablement intervenir que cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Ce délai est indistinctement applicable à tout salarié convoqué dans le cadre d’une mesure de licenciement.

Or jusqu’au 27 Juin 2004, l’ancienne version de l’article L 122-14 du Code du Travail imposait restrictivement le respect d’un délai de  » cinq jours ouvrables  » uniquement  » en l’absence d’institutions représentatives du personnel « .
Pour les autres salariés en fonction dans les entreprises dotées d’institutions représentatives du personnel, le Code du Travail ne prévoyait aucun délai spécifique et ce vide juridique avait été comblé par la jurisprudence de la Cour de Cassation qui imposait le respect d’un délai de  » nature à permettre au salarié d’être averti suffisamment à l’avance du moment et de l’objet de l’entretien pour organiser sa défense  » (2).

La notion de  » jour ouvrable  » est définie par les jours de la semaine, exception faites du jour de repos hebdomadaire (généralement le dimanche ou le lundi dans certaines professions) et des jours fériés reconnus par la loi et les jours habituellement chômés dans l’entreprise.

La modification du délai ne concerne donc pas les salariés des entreprises dotées d’institution représentatives du personnel mais tous les autres en fonction dans les entreprises non dotées d’institution représentatives du personnel, c’est à dire généralement les petites entités économiques de 1 à 20 salariés.

1.2. La notification du licenciement : l’allongement du délai de réflexion :

L’article 2 de l’ordonnance du 24 juin 2004 modifie également significativement l’article L 122-14-1 du Code du Travail en modifiant, en ajoutant et en supprimant dans les termes suivants (en gras et souligné)

 » L’employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; la date de présentation de la lettre recommandée fixe la point de départ du délai-congé.

 » Cette lettre ne peut être expédiée moins de  » deux jours ouvrables «  (au lieu de  » un jour franc « ) après la date pour laquelle le salarié a été convoqué en application des dispositions de l’article L122-14 « .

 » Toutefois, si le salarié est licencié individuellement pour un motif d’ordre économique ou s’il est inclus dans un licenciement collectif d’ordre économique concernant moins de dix salariés dans une même période de trente jours, la lettre prévue au premier alinéa du présent article ne peut lui être adressée moins de sept jours ouvrables à compter de la date pour laquelle le salarié a été convoqué en application de l’article L 122-14 . Ce délai est de quinze jours ouvrables en cas de licenciement individuel d’un membre du personnel d’encadrement tel que défini au troisième alinéa de l’article L 513-1« .

L’alinéa 4 de l’article L 122-14-1 du Code du Travail, ainsi rédigé  » En l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, les délais visés à l’alinéa précédent sont respectivement de quatre jours et de douze jours  » est abrogé.

Concrètement, la notion de jour franc, de l’ancienne version de l’article L 122-14- 1 du Code du Travail, est donc abandonnée au profit de la notion de jour ouvrable pour tous les licenciements, pour motif personnel et pour motif économique.

Désormais, sauf spécificité au sein de l’entreprise et interférence de jour férié ou chômé, un entretien préalable fixé au Vendredi ne peut donc valablement aboutir à la notification d’un licenciement pour motif personnel avant le Mardi (le samedi et le lundi étant considérés comme les deux jours ouvrables alors que le dimanche constitue le jour du repos hebdomadaire non décompté des jours ouvrables).

II. LES SANCTIONS DU NON RESPECT DES DELAIS

2.1. Le silence des nouvelles dispositions et le régime juridique applicable :

L’ordonnance du 24 juin 2004 ne contient aucune disposition sur les sanctions attachées aux nouveaux délais de la procédure de licenciement.

Le Code du Travail distingue le régime de la sanction du non respect de la procédure en considération de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

Ainsi, l’article L 122-14-4 du Code du Travail prévoit  » si le licenciement d’un salarié survient sans observation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause  » réelle et sérieuse « , le tribunal saisi doit imposer à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire « .

L’article L 122-14-5 du même Code dispose que  » A l’exception des dispositions du deuxième alinéa de l’article L 122-14 relatives à l’assistance du salarié par un conseiller « , les dispositions de l’article L 122-14-4 ne sont pas applicables aux licenciements des salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et aux licenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellement moins de onze salariés « .

2.2. Les solutions jurisprudentielles anciennes et à intervenir :

En l’absence de respect de la procédure de licenciement, pour les salariés ayant plus de deux années d’ancienneté licenciés par un employeur occupant moins de onze salariés, la sanction est forfaitairement prévue au Code du Travail :  » une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire  » .

Pour les autres salariés, il leur appartient de démontrer la preuve d¹un préjudice et l’adéquation du montant de l’indemnité sollicitée au préjudice alors que l’employeur doit s’efforcer de démontrer l’absence de préjudice effectif.

L’allocation de l’euro symbolique peut être jugée satisfaisante à indemniser le préjudice du salarié et le montant relève de la pertinence des explications du salarié et de l’employeur et du pouvoir souverain d’appréciation des juridictions du premier degré.

Une difficulté est susceptible de naître de la lecture et de l’interprétation des nouvelles dispositions puisque l’indemnisation forfaitaire du non respect de la procédure par une  » une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire  » (article L 122-14-4 du Code du Travail) peut être invoquée par un salarié ayant moins de deux années d’ancienneté occupé dans une entreprise de moins de onze salariés lorsque les dispositions relatives à l’assistance du salarié par un conseiller n’ont pas été respectées.

En l’absence de mention de cette faculté, il n’existe pas de difficulté mais qu’en est-il de la mention de la faculté de se faire assister qui aurait été effectivement portée à la connaissance du salarié  » moins de cinq jours ouvrables  » avant l¹entretien préalable ?

La procédure serait-elle simplement viciée et soumise au régime indemnitaire des articles L 122-14-4 ou L 122-14-4 du Code du Travail suivant l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise ou bien serait-il dans l’esprit de l’ordonnance de considérer que le non respect du délai uniforme de 5 jours emporterait en sus violation des dispositions relatives à l’assistance du salarié par un conseiller et application du régime plus favorable de l¹article L 122-14-4 du Code du Travail.

*

EN CONCLUSION, l’unicité du régime procédural du licenciement était souhaitable pour tous les acteurs de la relation salariale.

Elle offre désormais une appréciation objective et binaire du respect du délai mais également un régime juridique identique à tous les salariés, sans considération de leur ancienneté ou du nombre de salariés dans leur entreprise, c’est à dire un traitement plus égalitaire et moins sujet à interprétation, tant pour le salarié que pour l’employeur.

De même, le nouveau régime offre la garantie réelle d’un délai prédéterminé et suffisant pour permettre au salarié de s’organiser pour être assisté et pour envisager ses explications sans ôter à l’employeur la faculté de suspendre le contrat de travail si besoin est.

Le léger allongement du délai de réflexion d’un jour franc à deux jours ouvrables n’emporte de modification significative pour les parties au contrat de travail mais une formalité complémentaire à vérifier dans le cadre des litiges prud’homaux.

Néanmoins, la simplification et l’uniformisation des délais de la procédure aurait mérité que le soit aussi le régime de la sanction puisqu’aucune disposition spécifique n’est intervenue en suite de la modification des délais.

Enfin, l’entrée en vigueur de l’ordonnance aurait sans doute été mieux accueillie et mieux comprise si elle n’avait été aussi immédiate puisque certains employeurs risquent de découvrir, à leur dépens, les nouvelles règles mises en oeuvre, en période estivale, avant les voeux du Président de la République.

(1) Ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004 relative à la simplification du droit dans les domaines du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du 5 J.O n° 147 du 26 juin 2004.

(2) Cass Soc 22 Janvier 1998, n° 96-45.165 et Cass. Soc 13 Juin 1991 n° 89-45.843 )

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