Année 2005 : perspectives de comptoir

Le 31 Décembre 2004 au matin, dans un petit bistrot de la rue de Bellechasse à un jet de pavé du Boulevard Saint Germain, le Colonel ANDRE (1) rêve devant sa tasse de café. Joyeux descendant du général ministre du même nom célébré en 1904 par l’affaire des fiches et des deux baffes administrées au Palais des BOURBON par le député nationaliste SYVETON qui déclencha une des plus homériques bagarres de l’Assemblée Nationale, il pense à l’avenir et remercie le ciel de l’avoir fait inscrire à la liste des officiers généraux.

La mère Michèle, aimable accorte et sympathique patronne de l’estaminet s’approche de lui et tout en l’embrassant lui dit : « Jeannot tu en fais une tête ? » ; hochant le chef, il la regarde et répond : « J’aimerai que tu me dises l’avenir dans le marc de ton percolateur, ne m’avais tu pas annoncé mon avancement l’an dernier ? ».

Sous l’influence de la fin de l’année où l’art divinatoire bat son plein, en même temps que les vieux chroniqueurs s’envoient le bilan de l’année, comme un débutant il tente la tournée des astrologues. Et pourquoi pas avec cette bonne Michèle descendue de son pays basque pour épouser et s’abreuver de cet air intelligent baigné par la pateaugeoire à canards de l’Hôtel de BRIENNE tout proche ?

-« …D’abord et avant tout je vois l’augmentation du café, du sucre, des timbres, du biftèque et des radars sur les routes
J’aimerais, lui dit-il, que tu fisses un effort pour voir des choses qui ne sont pas à la portée du vulgum pecus. Fais moi une grande vision, à l’image de la grande école dont je sors mal certes, je serai cependant général, j’en sors et j’exige la prime initiale visionnaire due aux officiers de mon origine, à l’image de la rosette- prime-paquetage qui va bientôt fleurir ma poitrine.
Alors je vois 2005 sous le double signe de Zoé et de la truffe corrézienne. Sur le plan de la démocratie, Zoé annonce la libération définitive des frères zozos ; ainsi 2005 s’achèvera en fumigène coloré poussé par l’intelligent et subtil souffle démocratique. Les zéreurs et les zabus seront en troupeaux rassemblés, sous la houlette de quelques pasteurs étoilés, en liaison directe avec le service de la communication du ministère tout proche.
Fort bien, lui dit-il, mais tout ceci est destiné aux petits personnels des classes besognantes, officiers mal nés et non officiers, élevés dans l’appréhension malsaine du lendemain et entretenus à plaisir dans leurs divisions gauloises. Pour moi qui sait ce que commander du bec veut dire, qui sait le fond des choses de la république…va sans crainte de m’émouvoir, envois moi le grand jeu à la madame Soleil.
Donc, dit la pythie avec une belle voix de tête comme les juristes de province, je vois sur la chose militaire un cortège de petits ennuis dus à un étrange mouvement hélicoïdal mu par la croisade du droit et de la liberté, ce mouvement apportera des perturbations d’internautes libres aux idées néfastes pour les sourdes autorités en place. Peu entendu dans le public jusqu’à aujourd’hui, il fera dès lors une plus grande audience et influencera un peu certains élus craintifs. Bref, mon vieux Jeannot, je te vois mal barré. …Et puis tu seras cocu.
Mais… on les a bien eu avec la nouvelle loi sur le statut
Certes, mais fais gaffe ils sont teigneux, opiniâtres et les politiques sont versatiles ! »
Un peu conventionnelle cette prophétie se terminait dans le bouilli :
– « … Après le marc j’vois plus clair après le bordeaux j’vois plus beau…après le bourgogne je t’vois deux trognes.
Cocu, comment cela ?
Militairement.
J’entends bien, mais par qui ?
Par les caporaux, par les adjudants, par les chanceliers, par les commissaires, par les politicards, par la vapeur, les énarques et les polytechniciens.
Alors Michèle, apporte moi une chopine de vin chaud. »

Ainsi réchauffé et un peu éméché il rejoignit un peu inquiet son bureau de la direction des personnels, où avec une constante et admirable volonté certes récompensée, il exécutait les carrières de ses camarades.

Allait-il pouvoir poursuivre son oeuvre ? Pas grave, en attendant la deuxième section, il aurait le temps de profiter du système et refilerait ainsi le « pôt de pus » aux suivants !… Chacun sa m… et que vive la Gaule !

Olearius vous souhaite une bonne année 2005.

(1) noms de pure invention, l’auteur ayant puisé quelques idées et sources dans « Les Scandales de la République » de Jean GARRIGUES chez Robert LAFFONT et dans l’oeuvre de Jacques PERRET chez GALLIMARD.

À lire également