A l’auteur de l’article  » PARCE QUE « 

L’argumentation présentée par ce  » professionnel  » inspire quelques commentaires de la part de ce que, communément, hier encore, on avait coutume d’appeler un militaire de carrière.
Son dernier et péremptoire « parce que » m’a ramené à une époque que je croyais révolue, celle où le chef avait toujours raison.
Mes commentaires, mes suggestion se limiteront au refus induit que le rédacteur de l’article manifeste à propos de la création d’une entité de représentation totalement indépendante, motivé qu’il est par la peur de voir disparaître un statut particulier, des spécificités gommées et sa préférence de servir dans une armée sans syndicat.

J’ai servi mon pays pendant trente ans, sur le territoire métropolitain et partout où il m’a été demandé d’aller. Durant ces trois décennies, je n’ai pas été directement victime d’abus de droit, d’abus de pouvoir ou d’actes illégaux émanant de l’autorité militaire. Néanmoins, j’ai bien eu connaissance, ici ou là, à une ou deux reprises, d’ordres, de décisions internes ou de faits sujets à caution. C’est peu en trente ans et je m’en réjouis. Par méconnaissance du droit, des procédures de recours, par égoïsme, par légèreté, par lâcheté je le concède, autant de choses qui n’ont rien à voir avec le devoir de réserve. Je ne suis pas intervenu ; je le déplore.

Retourné à la vie civile, je ne me suis pas lancé dans une deuxième carrière. En revanche, j’ai décidé d’agir bénévolement et d’exercer des responsabilités au sein d’une association de retraités militaires. Les membres y sont majoritairement d’anciens, officiers et sous-officiers, issus de toutes les armes et il se trouve quelques  » belles poitrines » ornées des décorations françaises et étrangères les plus prestigieuses. En les côtoyant, j’ai pu confronter leurs expériences et la mienne. Beaucoup ont consenti des sacrifices que les circonstances et les aléas de l’Histoire de notre pays imposaient et justifiaient. Ces temps sont révolus.

Pour ma part, j’ai eu la chance de servir durant une période bien moins troublée. Ma contribution très modeste s’est limitée au respect des engagements internationaux de la France et à son accession au rang de puissance militaire moderne. Je me considère donc comme un privilégié, même si, en trente ans, je n’ai pas souvent été auprès de ma famille.

Parmi ces vétérans, pas nécessairement les plus âgés, il y a aussi hélas des victimes du devoir accompli. Quelques-uns sont au mieux atteints de lésions irréversibles, quand il ne s’agit pas de vrais handicaps ; séquelles de fautes de commandement ou de dysfonctionnements que l’autorité militaire n’a pas su évaluer ou anticiper, et, qu’a posteriori, elle refuse obstinément de reconnaître.

A ce titre, les futurs professionnels, méritent selon moi un organe de défense de leurs droits et de représentation totalement différent de la CRM, du CSFM, des Présidents d’officiers et des PSO et autres commissions médicales. C’est la première raison.

La deuxième raison tient au fait que, si l’autorité militaire ne devait désormais plus commettre qu’une seule atteinte au Droit par siècle, cela serait néanmoins une atteinte de trop et qu’il faut s’en prémunir.
Tout contentieux doit pouvoir être exposé sans crainte de représailles auprès d’une autorité compétente à la neutralité absolue, jugé impartialement le cas échéant, et enfin corrigé si nécessaire. Il n’est nullement question de casser du général au profit du caporal. Tout pouvoir doit avoir son contre-pouvoir et la responsabilité de la faute avérée, imputée à son responsable.

Cette règle ne devrait connaître aucune exception. Pourquoi cela ?
– Parce que les mots « Liberté, égalité, Fraternité » sont inscrits sur les façades de bon nombre de bâtiments officiels ; y compris les casernes.
C’est la troisième raison.

– Parce que les Pères fondateurs de notre vieille démocratie ont fort bien expliqué et démontré qu’il faut une séparation des pouvoirs et qu’un pouvoir qui s’exerce sans la responsabilité n’est ni plus ni moins que de la dictature.
C’est la quatrième raison.

La cinquième raison, ce n’est pas la moindre, est qu’il n’y a pas que les conflits armés qui fassent des victimes et qu’après la vie sous les drapeaux, il y aussi une vie qui mérite d’être vécue pleinement.

En écoutant jeunes et moins jeunes, j’ai acquis la certitude, basée aussi sur ma propre expérience, que des progrès ont été réalisés au cours de ces 60 dernières années, en matière de respect des droits individuels, des libertés et des garanties accordées aux militaires. Je reste néanmoins convaincu que cela aurait pu se faire plus tôt, plus rapidement, plus intelligemment, en privilégiant la communication et la concertation ; et pas seulement à cause des évolutions conjointes du contexte mondial, des moeurs ou du niveau de recrutement.

Quelle que soit sa forme, l’institution militaire a besoin d’un vrai organe impartial, statuant et décidant du bien fondé des réclamations qui lui sont soumises par les militaires de tous rangs. Vous vous focalisez sur le mot syndicat, je vous propose : Médiateur des forces Armées, Ombudsman, Commission des tutelles, etc.

La professionnalisation était l’opportunité pour que les militaires se voient enfin dotés d’un statut à la réelle mesure de leur double assujettissement professionnel et citoyen. Bon nombre d’anciens et tous les militaires encore en activité, avec lesquels j’ai gardé d’excellentes relations, m’ont conforté dans ce point de vue.

Ne seriez-vous pas en train de mener un combat  » d’arrière arrière-garde  » ?

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