Nouveau chapitre dans la défense française : le possible rachat de DCI

Dans un contexte économique et géopolitique en constante évolution, le rachat de Défense Conseil International (DCI) par la société ADIT représente un tournant stratégique majeur pour le secteur de la défense en France. Retrouvez une question parlementaire consacré à ce possible rachat et son impact potentiel sur l’avenir de la défense et de la sécurité nationale française.
16ème législature

Question N° 10318
de M. Vincent Seitlinger (Les Républicains – Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > défense

Rachat de DCI (Défense Conseil International) par la société ADIT

Question publiée au JO le : 25/07/2023 page : 6920
Réponse publiée au JO le : 31/10/2023 page : 9705
Date de signalement: 24/10/2023

Texte de la question

M. Vincent Seitlinger alerte M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l’annonce rendue publique par la presse de la possible acquisition de la société Defense Conseil International (DCI Group) par l’ADIT, une société contrôlée depuis 2022 par Sagard, un fonds d’investissement canadien détenu minoritairement par le fonds souverain des Émirats arabes unis, comme l’a révélé Les Échos le 6 juillet 2023. DCI Group est un opérateur de confiance stratégique du ministère des armées, détenu à 55,5 % par l’État français, qui intervient dans tous les champs d’action de la défense et de la sécurité française, que ce soit dans le domaine spatial ou le cyber, ou auprès des forces spéciales. Cette entreprise est notamment chargée de la maintenance de matériels militaires français, mais aussi de la formation des pilotes d’hélicoptères ou de drones militaires. Dans un contexte géopolitique où le réarmement des armées occidentales est redevenu une priorité, il convient de comprendre quel est l’intérêt stratégique de vendre un tel acteur maintenant, d’autant plus sans avoir mis en place un processus concurrentiel de vente et ce alors que DCI Group a été récemment restructuré et qu’on peut s’attendre à de meilleures performances économiques à long terme, en plus d’une utilité opérationnelle renforcée. Par ailleurs, ne serait-ce pas affaiblir les positions commerciales de cette entreprise lorsqu’on sait que la position capitalistique majoritaire de l’État français offre à DCI Group des gages d’honorabilité et de qualité recherchés par ses clients ? Certains états, clients de DCI Group et partenaires de la France, pourraient avoir du mal à accepter que cette société appartienne désormais en partie à un fonds financé par Abu Dhabi. Aussi, il convient de s’interroger sur la stratégie présentée par l’Adit. Est-il normal que l’État reste actionnaire, via l’APE et la BPI, d’une entreprise qui serait contrôlée par une société qui a racheté Rivington, un lobbyiste qui défend les intérêts du cigarettier Philip Morris ou du géant des télécoms américains Qualcomm, comme ils le déclarent auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ? L’Adit a aussi racheté ESL Network, une entreprise connue pour avoir défendu dans le passé les intérêts russes ou qataris en France, ou plus récemment, encore fin 2022, les intérêts de Madagascar, qui revendique les Îles Éparses de l’Océan indien contre les intérêts français. Face à cette situation, il lui est demandé si le Gouvernement va se mobiliser contre un tel rapprochement entre l’Adit et Defense Conseil International et si ce n’était pas le cas, sur quel type de garantie il peut compter pour empêcher l’Adit de contractualiser avec des intérêts contraires à ceux de la nation française, notamment au travers de ses filiales dédiées à l’influence, aux affaires publiques ou au renseignement d’affaires.

Texte de la réponse

L’État est un actionnaire significatif de DCI depuis sa création. Historiquement minoritaire au capital, l’État est devenu actionnaire majoritaire en novembre 2019, en conséquence d’une annulation d’actions auto-détenues à la suite de la disparition d’un des actionnaires privés historiques de la société. Cette situation d’actionnariat majoritaire, exception historique pour la société, résulte d’une circonstance sans lien avec la stratégie de l’entreprise et n’a jamais été identifiée comme une nécessité à la bonne exécution des missions de DCI ni un gage d’honorabilité ou de qualité, comme le prouve la longue histoire passée de la société. Loin de se désengager, l’État est donc disposé à envisager une évolution de l’actionnariat de DCI si celle-ci peut contribuer à augmenter les capacités de la société et à accélérer le déploiement de sa stratégie. Une telle opération ne serait ainsi envisageable que si l’État conservait un niveau de contrôle important et une participation significative au capital de DCI. L’ADIT est déjà actionnaire de DCI. Par ailleurs, l’État détient une action de préférence au capital de l’ADIT qui lui permet, au-delà des mécanismes usuels de contrôle des investissements étrangers en France, de contrôler l’évolution de l’actionnariat de cette société et donc de s’assurer que celui-ci n’est pas de nature à nuire aux intérêts de l’État. À travers Bpifrance, la sphère publique est en outre représentée au sein du conseil d’administration, lui permettant d’intervenir dans les grands choix stratégiques de l’ADIT. Enfin, les statuts de la société prévoient une obligation de localisation en France du siège social, de l’ensemble des serveurs informatiques et des bases de données. Ces assurances sont autant d’outils permettant à l’Etat de protéger efficacement ses intérêts souverains tout en accompagnant l’ADIT dans son développement. L’État, si l’éventualité d’une prise de contrôle de DCI par l’ADIT venait à prendre corps, cherchera à s’assurer que le fonctionnement futur de DCI reste compatible des grandes orientations stratégiques qui sont les siennes, définies en bonne intelligence avec les services de l’État.

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