Question parlementaire – Assemblée nationale N°43553 – OTAN

15ème législature

Question N° 43553 de M. Michel Larive (La France insoumise – Ariège )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > défense

Titre > OTAN

Question publiée au JO le : 18/01/2022 page : 265
Réponse publiée au JO le : 19/04/2022 page : 2525

Texte de la question

M. Michel Larive attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères la nécessité pour la France de quitter l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, la seule alliance militaire intégrée au monde. Ses membres cumulent plus de la moitié des dépenses militaires mondiales : 1 035 milliards de dollars en 2020 dont 731 pour les seuls États-Unis d’Amérique. Elle aurait dû disparaitre à la fin de la Guerre froide. Elle n’a au contraire eu de cesse depuis 30 ans de s’étendre et de vouloir justifier son existence, au risque d’exacerber les tensions. Entérinée sommet après sommet, l’extension permanente de ses champs d’action a amené l’OTAN à intervenir dans les Balkans, en Afghanistan, en Libye etc., sans garantir la paix dans le monde et la propre sécurité de la France. Désormais, l’alliance vise la Chine, pointée comme un « défi systémique ». Cet outil d’inféodation aux États-Unis suit les priorités fixées par ces derniers. Or la France ne partage ni les intérêts stratégiques ni la vision du monde des États-Unis d’Amérique. Elle n’a aucun intérêt à se ranger dans un « bloc » belliciste contre la Chine et la Russie. La France a au contraire tout intérêt à parler de sa propre voix. C’est dans ce but, et pour éviter qu’elle soit mécaniquement impliquée dans un conflit qu’elle n’aurait pas souhaité, qu’en 1966 le Général de Gaulle a retiré le pays du commandement intégré de l’OTAN. À l’époque, les atlantistes avaient garanti l’affaiblissement de la France. Au contraire, la diplomatie non-alignée qui s’en est suivie lui a permis de voir son influence progresser. Le retour en 2009 dans le commandement intégré a été une erreur. D’autant que dans le monde actuel, l’alignement sur les logiques de bloc a encore moins de sens que lors de la Guerre froide. On peut aussi légitimement se poser la question des alliances stratégiques de la France, lorsqu’on subit le revers humiliant que lui ont infligé le Royaume-Uni, les USA et l’Australie, trois de ses plus grands alliés, lors de la rupture de contrat de partenariat stratégique et militaire, concernant la vente de sous-marins à l’Australie. Les alliances sont de plus en plus aléatoires, les contextes régionaux de plus en plus changeants, les défis communs, comme le changement climatique, de plus en plus pressants. La France jouit dans ce contexte d’un atout décisif qui est sa présence sur tous les océans. Son économie, sa souveraineté militaire, sa capacité à intégrer des coalitions sous mandat onusien, sa géographie et son rayonnement scientifique et culturel, en font une puissance mondiale. Il lui demande comment le France peut concilier, comme le souhaite le Président de la République et sa majorité, la création d’une politique de défense européenne, avec l’intégration de ces mêmes armées européennes au sein de l’OTAN, sous la férule des États-Unis, qui n’ont eu de cesse, depuis le début du concept, de vouloir saborder toutes tentatives de construction d’une autonomie stratégique européenne.

Texte de la réponse

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) demeure, pour l’ensemble des trente Alliés, dont la France depuis sa libre adhésion au Traité de Washington en 1949, le fondement de leur défense collective. Par la force de son article 5, qui affirme qu’une attaque contre un Allié est une attaque contre tous les Alliés, l’OTAN a permis de dissuader toute action conventionnelle majeure sur le territoire d’un Allié depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit donc d’un acquis majeur pour la défense tant de l’Europe que de la France, qui aura permis d’assurer notre prospérité, notre sécurité et le développement de la construction européenne à l’abri de la menace soviétique. Durant les trente dernières années depuis la fin de de la Guerre froide, l’OTAN a confirmé ce rôle, par exemple au lendemain des attaques du 11 septembre, par son engagement en Afghanistan et sa contribution à la lutte contre le terrorisme. Elle s’est adaptée en assumant de nouvelles responsabilités, en particulier en matière de gestion de crise et de stabilisation durable dans les Balkans à l’issue des guerres de l’ex-Yougoslavie. Aujourd’hui, le retour de la guerre en Europe avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie rappelle la légitimité et la nécessité de l’action de l’OTAN, enceinte essentielle de défense collective, mais également cadre pour une discussion collective sur la désescalade. Comme l’a rappelé le Président de la République dans son allocution du 2 mars 2022, ni la France, ni l’Europe, ni l’Ukraine, ni l’Alliance Atlantique n’ont voulu cette guerre. Depuis près de 30 ans, l’OTAN a cherché à construire une relation de coopération avec la Russie. Un accord, l’acte fondateur OTAN-Russie définit ce cadre. En 2014, la Russie a violé une première fois ces principes. En conclusion, l’OTAN a suspendu sa coopération avec la Russie. Aujourd’hui, nous faisons le constat d’un bouleversement de la sécurité européenne et d’une grave remise en cause de l’ordre international, qui représentent une menace pour notre sécurité. L’Alliance a, par conséquent, activé les plans de défense de l’OTAN, par le déploiement de soldats supplémentaires sur le flanc Est de l’Alliance et l’appel à des forces de réaction hautement préparées. La France a répondu avec rapidité et fermeté en rappelant son engagement à soutenir les Alliés et les partenaires les plus exposés aux agissements de la Russie, notamment par le biais de contributions au renforcement de la posture de l’OTAN, en Roumanie, en Estonie ou encore en Pologne. L’ensemble de ces mesures sont de nature défensive, préventive, et proportionnée et visent à éviter toute escalade. Le renforcement de la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance est la seule disposition en mesure d’assurer la défense des Européens de manière crédible. Depuis son retour dans le commandement intégré en 2009, il n’a jamais été question d’une inféodation de la France et de sa politique de défense à l’OTAN. En tirant les enseignements de quinze années d’engagement dans les Balkans puis en Afghanistan, ce retour lui a, au contraire, permis de gagner en influence au sein des opérations et d’obtenir de nouvelles responsabilités, comme le commandement de la transformation à Norfolk et le poste de Secrétaire général adjoint pour les investissements de défense, deux postes clés sur le plan du développement capacitaire, également au service des efforts européens et de l’autonomie européenne dans ce domaine. Dans le domaine nucléaire, la France a toujours conservé sa pleine indépendance, la dissuasion nationale exerçant un rôle propre dans le cadre de l’Alliance, et a fait le choix de ne pas participer au Groupe des plans nucléaires. L’interpellation publique lancée par le Président de la République en 2019, dans des termes forts, à l’égard de l’OTAN, a permis d’ouvrir un processus de réflexion sur l’avenir de l’Alliance et la clarification de son cap stratégique, illustré par le travail de dix experts qualifiés, dont Hubert Védrine. Ce travail, qui aboutira à la négociation du prochain Concept stratégique au sommet de Madrid en juin 2022, voit la France promouvoir le recentrage des prérogatives de l’Alliance sur son cœur de métier, la défense collective de l’espace euro-atlantique, en totale cohérence avec son traité fondateur. Le retour de la guerre en Europe et la menace avérée que fait peser Moscou aux frontières de l’Alliance seront des éléments centraux de cette révision stratégique. Cette position, qui répond tant à l’analyse de notre environnement stratégique qu’aux attentes de nombreux Alliés (notamment en Europe orientale), permet également de clarifier la position de l’OTAN vis-à-vis de la Chine. En raison de sa trajectoire militaire préoccupante, il est nécessaire que l’Alliance construise une analyse commune des conséquences potentielles de cette évolution pour notre sécurité, sans faire de l’OTAN une alliance antichinoise. C’est pourquoi nous soutenons la position agréée de l’OTAN, qui considère que la montée en puissance de la Chine présente « des risques et des opportunités », tout en défendant la concentration géographique de l’action de l’Alliance sur la zone euro-atlantique. Ces débats nécessaires sur l’adaptation de l’Alliance à un environnement stratégique dégradé n’excluent nullement l’émergence d’une véritable Europe de la défense. La concomitance des travaux sur la Boussole stratégique de l’Union européenne (UE), qui a fait l’objet d’une adoption lors du Conseil européen, et le Concept stratégique de l’Alliance en 2022 rappellent et permettent de promouvoir la complémentarité des deux organisations, centrale face aux nouveaux domaines de conflictualité et de coopération pratique entre l’OTAN et l’UE, qu’il s’agisse de résilience, du cyberespace, de la lutte contre le changement climatique ou contre la manipulation de l’information. Cette complémentarité, fondée sur les savoir-faire respectifs de l’UE et de l’OTAN, a été consolidée au lendemain de la crise de confiance révélée par l’annonce du partenariat AUKUS par la déclaration conjointe des Présidents Macron et Biden à l’automne dernier. (« Les États-Unis reconnaissent l’importance d’une défense européenne plus forte et plus opérationnelle, qui contribue positivement à la sécurité mondiale et transatlantique et soit complémentaire avec l’OTAN. ») Cet agenda de coopération renforcée entre l’UE et l’OTAN, qui est au cœur de notre présidence actuelle du Conseil de l’Union européenne, s’inscrit dans le cadre d’un important débat au sein de la relation transatlantique. Le retrait américain d’Afghanistan et l’annonce du partenariat AUKUS ont agi comme de puissants révélateurs des enjeux de concertation et de transparence entre Alliés. Ces événements n’ont nullement rendu l’Alliance caduque, mais ont souligné la nécessité de clarifications sur les consultations entre Alliés et les conséquences à en tirer, en tant que Français et Européens, dans la définition de nos propres stratégies. Le processus de consultations approfondies qui s’en est suivi avec les États-Unis nous a permis de sortir par le haut de cette crise, en obtenant une série d’engagements de la part des Américains sur un certain nombre de sujets stratégiques pour la France, ainsi que la reconnaissance de la contribution des efforts européens en matière de sécurité et de défense, tant au profit de la sécurité mondiale que de l’Alliance transatlantique. Face à ce contexte stratégique, au renouvellement de ce dialogue sur la sécurité en Europe, et dans le cadre de l’élaboration et de la consolidation d’une véritable politique de défense européenne, le maintien de la France dans l’OTAN et la centralité de l’Alliance pour notre défense collective ne sauraient être remis en cause sans porter atteinte à nos intérêts nationaux. Une sortie de l’OTAN ne contribuerait en rien à un accroissement de notre souveraineté, mais bien à une limitation de notre liberté d’action face à un environnement de sécurité changeant et menaçant. La participation active de la France au sein de l’OTAN obéit à une politique pragmatique, démultipliant nos possibilités d’action et au service de notre sécurité nationale et collective, conforme aux valeurs et principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés et que nous partageons avec nos alliés d’Europe et d’Amérique du Nord.

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