De la reconnaissance à la réalité… … au 8° RPIMa

Dans l’article  « De la reconnaissance à la réalité » du 2 juillet 2010 dévoilé par le site ADEFDROMIL, un militaire s’indigne des conditions dans lesquelles sont attribuées les décorations aux militaires s’étant battus en Afghanistan.

En tant qu’ « ancien » du premier mandat en Kapisa, mon intervention vise à confirmer les propos tenus par ce soldat car au 8° régiment de parachutistes d’infanterie de marine les anciens de ce premier mandat de Kapisa rencontrent la même mésaventure et restent sur leur faim quant à la reconnaissance de leurs mérites.

Je dois reconnaître que la section d’Uzbeen de la 4° compagnie, qui était alors rattachée au Régiment de marche du Tchad en août 2008, a été récompensée à la hauteur de son comportement lors de l’embuscade. Et effectivement les hautes autorités politiques n’ont pas lésiné sur la reconnaissance des actes de bravoure de chacun d’eux et le suivi psychologique de la section. Toute la section a été récompensée y compris le groupe d’appui et la section d’appui du régiment de marche du Tchad  (RMT) qui étaient dans la zone au moment des faits. Je reviendrais plus tard sur la notion des « éléments d’appui ».

En revanche, pour ceux qui se sont battus au sein du GTIA Kapisa le mérite du combattant n’est que partiellement reconnu ! En effet, peu de croix de la valeur militaire ont été attribuées. Les premières décorations on été données grâce à la visite du ministre de la défense lors de la dissolution du GTIA en Janvier 2009.

Près de deux années après le retour, la majorité des médailles décernées sont des médailles de la défense nationale !!! Cette décoration est attribuée également pour les missions de déblaiement en Haïti ou à l’occasion des dernières missions de maintien de l’ordre dans les Balkans !!!

En ce qui concerne les délais, les commandants d’unité ont attendu la fin de leur temps de commandement pour être récompensés au même niveau que les hommes qu’ils commandaient là-bas !!! Certains engagés ont terminé leur contrat et sont retournés dans le civil sans même savoir si un jour ils seraient récompensés.

Il nous est dit : « on ne peut décorer tout le monde ». Il ne s’agit pas de décorer tout le monde, mais de récompenser des soldats qui ont risqué leur vie…pour une poignée d’euros.

A la fin de la guerre du Golfe, un soldat sur deux de la division Daguet avait été décoré. Je laisse donc aux spécialistes et aux chanceliers de l’EMA (Etat-major des armées),  le soin de comparer les statistiques des combats menés dans le Golfe et en Afghanistan, ainsi que le nombre des blessés et des tués au combat !!!

Pour justifier les délais anormalement longs des remises de récompenses on nous dit que « la chancellerie de l’EMA est débordée ! ». Ce n’est pas le problème de ceux qui ont combattu. Quand on voit le rythme soutenu de nos activités au régiment, force est de  constater que pas un seul grand chef se pose la question de savoir si on est débordés ou pas !

De plus parmi les récompenses attribuées, nombreuses sont celles qui ne correspondent pas au niveau demandé  par les commandants d’unités ou le chef de corps: peu de croix de la valeur militaire et beaucoup de médailles de la défense nationale ! Motifs ? Les demandes de récompenses auraient été « mal rédigées » ! Mais de quel droit des administratifs de l’EMA se permettent de ré attribuer les mérites de ceux qui se sont battus ? Si, certaines demandes ne sont pas « claires » ils n’ont qu’à interroger les rédacteurs. Cela me paraît simple.

Pour justifier la remise de médailles de la défense nationale, on nous explique qu’un groupe en appui ne prend pas les mêmes risques qu’un groupe de tête !  (Et UZbeen alors ?). Je demande aux « gardiens » de la chancellerie de l’EMA d’aller effectuer quelques patrouilles en Kapisa. Ils verront que du schéma sur la maquette à la réalité il y a un gouffre et qu’aucun groupe d’une section sur le terrain n’est à l’abri.

Voici quelques inepties qui nous sont données par la hiérarchie pour justifier une remise de médailles de la défense nationale : celui qui a reçu des coups doit passer après celui qui a tiré avec son arme ! Celui qui reconnaît est plus exposé que celui qui couvre etc…

Paradoxalement, un parachutiste du régiment qui a été conducteur de l’ancien général commandant les forces françaises en Afghanistan s’est vu remettre une croix de la valeur militaire !!!

De même, nous n’arrivons pas à comprendre que des personnels de l’état – major de Kaboul aient pu se voir décerner des croix de la valeur militaire au moment de la mission du 8°RPIMa, sans avoir mis pied sur le terrain.

Les récompenses au titre  de notre mission en Afghanistan sont devenues un sujet tabou et il est désormais impossible (comprendre interdit) d’évoquer le sujet au régiment.

Pour ma part, je constate que sans visite des autorités politiques ou sans médiatisation, les mérites des combattants ne sont pas reconnus.

Notre sentiment est que certains responsables de l’attribution des récompenses sont jaloux des missions réalisées par les plus jeunes et que les chefs opérationnels sur le terrain sont dépourvus de tout pouvoir en matière de récompenses.  C’est la haute administration militaire parisienne qui statue sur les mérites qui doivent être récompensés ou non.

Pour ma part, compte tenu de la haute considération que l’on nous porte :

  • solde opex dérisoire par rapport aux risques courus;
  • bonification pour campagne simple au lieu de double (cette dernière est justifiée par l’existence d’opérations de guerre)
  • mesquineries dans l’attribution des récompenses…

je ne suis désormais plus volontaire pour partir en Afghanistan.

Un para du 8

NB : les faits et exemples donnés sont réels. Si besoin est, le questionnement de n’importe quel ancien de la Kapisa permet de confirmer ces propos.

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INSTRUCTION N° 3900/DEF/CAB/SDBC/DECO/ A fixant les modalités d’application du décret n° 56-371 du 11 avril 1956 modifié portant création d’une croix de la Valeur militaire du 13 mars 2006.

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INSTRUCTION N° 8000/DEF/CAB/SDBC/DECO/ A fixant les modalités d’application du décret n° 2005-797 du 15 juillet 2005 (JO n°165 du 17, texte n°10 ; BOEM 300*) relatif aux récompenses pouvant être attribuées aux militaires du 23/06/2006.

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