Tableau d’avancement et comparaison des mérites : la méthode de contrôle du juge administratif (Par Maître Elodie MAUMONT)

En ce début d’année, nombre de militaires déçus s’interrogent quant à l’opportunité d’un recours à l’encontre des tableaux d’avancement ne les inscrivant pas au grade supérieur malgré la qualité de leur engagement et leurs mérites. Un rappel du degré et de la méthode de contrôle du juge administratif permet sans nul doute de les éclairer quant à leur décision, précision apportée qu’un recours, en droit des militaires, est un droit et qu’il ne saurait être fait grief à son auteur d’avoir simplement exercé un droit.

Tableau d’avancement et saisine du tribunal administratif

Il convient en tout premier lieu de rappeler qu’un militaire déçu de ne pas être inscrit au Tableau d’avancement dispose d’un délai de 2 mois à compter de la publication dudit pour exercer d’abord un recours administratif préalable et obligatoire (RAPO) devant la Commission des recours des militaires.

Par la suite et suivant la décision explicite ou implicite de rejet (cette dernière naissant suivant un délai de 4 mois après la saisine de la CRM), le militaire dispose d’un délai de 2 mois pour saisir le tribunal administratif.

En la matière et s’agissant des règles de compétence territoriale, et dérogeant à l’article R 312-12 alinéa 1 qui énonce :

« Tous les litiges d’ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l’Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d’affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne. »

le Code de justice administrative précise en son article  R 312-12 alinéa 4 :

« Si cette décision a un caractère collectif (tels notamment les tableaux d’avancement, les listes d’aptitude, les procès-verbaux de jurys d’examens ou de concours, les nominations, promotions ou mutations présentant entre elles un lien de connexité) et si elle concerne des agents affectés ou des emplois situés dans le ressort de plusieurs tribunaux administratifs, l’affaire relève de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel siège l’auteur de la décision attaquée.« 

Ainsi, et s’agissant des militaires relevant soit du Ministère de l’Intérieur, soit du Ministère des Armées et d’une décision ministérielle, compétence est attribuée au Tribunal administratif de Paris.

Degré et méthode de contrôle du juge administratif

Bien que limitant son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation, le juge administratif n’en est pas pour autant privé de tout contrôle.

C’est ainsi qu’explicitant une décision du 8 janvier 1988 (N° 76898) du Conseil d’Etat au terme de laquelle il avait été précisé que, même en exerçant un contrôle limité, le juge administratif devait examiner les mérites respectifs des candidats, la Cour administrative d’appel de VERSAILLES, bien que rejetant la requête du militaire concerné, a précisé de manière explicite dans un arrêt du 17 octobre 2019 (N°17VE02181) que :

« (…) lorsqu’il est saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une décision portant inscription au tableau d’avancement, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, qui ne saurait se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d’un candidat écarté, d’analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade. Il lui appartient de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties ».

En d’autres termes, le juge administratif ne peut se contenter de simplement analyser le seul dossier du requérant mais il doit examiner les mérites respectifs des candidats.

Ainsi, si le militaire déçu est susceptible de démontrer au moyen d’un faisceau d’indices que même un seul co concourant bénéficierait de mérites inférieurs au sien, force est de constater que son recours a toutes les chances de pouvoir prospérer, peut être pas au stade de la décision ministérielle après recours CRM mais à tout le moins devant le tribunal administratif.

Rappelons enfin que l’annulation de la décision contestée (à savoir généralement de la décision portant rejet du RAPO formé par le requérant qu’elle soit implicite ou explicite) et ce faisant de la non inscription du militaire évincé injustement et illégalement peut être assortie d’une injonction d’inscription au tableau d’avancement avec reconstitution de carrière ainsi qu’a pu le décider le tribunal administratif de Paris dans une décision définitive du 14 mars 2019 que nous avions commenté dans notre article « L’avancement de grade et le contrôle du juge administratif ».

Crédit photo Sebastian Pichler pour Unsphash

© MDMH – Publié le 29 janvier 2020

 

 

Maître Elodie MAUMONT

Maître Elodie MAUMONT

Avocat associé et fondateur
Expert en droit des militaires, Elodie MAUMONT a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux de carrière des militaires (notation, mutation, avancement …) le contentieux disciplinaire (sanction, conseil d’enquête) et pénal des militaires et anciens militaires (désertion, harcèlement, violences, outrages, voies de fait, compromission …). Elle intervient conjointement avec Aïda MOUMNIdans le cadre du contentieux médico administratif des militaires, des pensions d’invalidité et des demandes connexes (jurisprudences BRUGNOT et autres).

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