Examen pour avis, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à leur coopération dans le domaine de la mobilité terrestre (n° 1825)

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 21 mai 2019

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 36

Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président

— Examen pour avis, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à leur coopération dans le domaine de la mobilité terrestre (n° 1825)

La séance est ouverte à dix-sept heures.

M. le président Jean-Jacques Bridey. L’ordre du jour de notre commission appelle l’examen pour avis, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à leur coopération dans le domaine de la mobilité terrestre (n° 1825).

Je vous propose d’entendre immédiatement l’avis de notre rapporteur, M. Jean-Charles Larsonneur, sur ce contrat dit CaMo qui ouvre une phase extrêmement intéressante d’approfondissement de la coopération de défense entre la France et la Belgique.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avant tout, je tiens à vous remercier de m’avoir désigné, mardi dernier, rapporteur pour avis de ce projet de loi d’approbation de l’accord franco-belge de coopération dans le domaine de la mobilité terrestre. La semaine dernière, j’ai procédé aux auditions du délégué général à l’armement, du sous-chef « plans programmes » de l’état-major de l’armée de terre, des trois industriels français les plus impliqués dans le programme SCORPION, du chef du bureau compétent de l’état-major des armées, ainsi que du sous-directeur compétent de la direction du Budget. Par souci d’efficacité, j’ai conduit l’ensemble de ces auditions conjointement avec le rapporteur de la commission des Affaires étrangères, saisie au fond, notre collègue Jacques Maire. J’ouvre ici une parenthèse pour souligner devant vous que ce travail en commun m’a confirmé dans la conviction que les approches « défense » et « affaires étrangères » ont chacune leur utilité, leur plus-value ; elles sont complémentaires, mais bel et bien différentes, et également utiles.

Surtout, j’avais eu l’occasion de me rendre à Bruxelles avec notre collègue Thomas Gassilloud, au titre de nos fonctions de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances, et ce déplacement a été très instructif. Ainsi, je me suis attaché, dans des délais contraints, à faire le tour d’horizon le plus complet possible des enjeux de l’accord intergouvernemental qui est soumis à notre approbation.

Ces enjeux vont bien au-delà d’une exportation d’armements, c’est-à-dire de l’acquisition par la Belgique de 442 engins blindés multi-rôles, dont 382 Griffon et 60 Jaguar, des modèles développés par la France dans le cadre du programme SCORPION.

Bien entendu, on ne peut que se féliciter de ce succès de notre BITD, qui enregistre ainsi une commande d’un milliard et demi d’euros, ce qui est loin d’être négligeable. Ce succès intervient remarquablement tôt dans la vie du programme SCORPION. Je rappelle en effet que les premières livraisons de série ne sont attendues pour la France que cette année et que, par conséquent, les matériels choisis par la Belgique ne sont pas encore en dotation dans nos forces. Cette exportation, en elle-même, représente donc déjà un très beau succès.

Néanmoins, à mes yeux, la portée de ce succès va beaucoup plus loin, à deux égards au moins. D’une part, c’est la première fois que l’État agira comme mandataire d’un État étranger acquéreur d’armements français. Le recours à cette formule de vente d’État à État, que l’on appelle souvent « G2G » pour l’anglais Government to Government, est une première pour nous. On ne peut pas vraiment parler de « Foreign Military Sale “à la française” », j’y reviendrai, mais avec CaMo, la France s’est dotée d’un nouvel outil de soutien aux exportations qui pourrait servir de support à d’autres partenariats. D’autre part, l’accord institue un dispositif de coopération militaire, d’une intensité à ce jour inégalée, entre la « composante “terre” » de l’armée belge et notre armée de terre. Les deux forces utiliseront les mêmes matériels, appliqueront la même doctrine, suivront les mêmes formations et, tout cela, afin de permettre la plus grande interopérabilité possible entre elles.

L’interopérabilité maximale, c’était vraiment la première demande de la Partie belge, et c’est ce qui justifie un partenariat stratégique entre États plutôt qu’un simple contrat commercial de fourniture de matériels.

En effet, les Belges étaient placés devant un défi de taille : remettre sur pied une brigade mécanisée moderne, conformément aux engagements qu’ils ont souscrits auprès de l’OTAN, alors qu’ils partaient d’une situation très dégradée par des années de sous-investissement sous couvert de « dividendes de la paix ». Les militaires belges nous l’ont dit très clairement : sans l’effort de réarmement programmé en 2016 par l’équivalent belge de la Revue stratégique, appelé Vision stratégique, la composante « terre » allait au-devant des plus grandes difficultés. Son commandement a estimé que l’option la plus réaliste pour reconstruire une capacité militaire résidait dans une association étroite avec une puissance voisine, à l’instar de ce que font déjà les Belges avec les Néerlandais pour leur marine.

Ainsi, le recours à un partenariat stratégique, portant non seulement sur la fourniture de matériels mais aussi sur le pilotage des programmes d’armement, la formation, l’organisation des forces et la doctrine résulte de la demande des Belges eux-mêmes ; c’est là un point important à relever. Pour eux, il ne s’agit pas seulement d’acquérir du matériel, il s’agit surtout de construire une capacité militaire au sens plein, qui soit de premier plan. Et, pour cela, il ne faut pas seulement trouver un fournisseur, il faut surtout s’associer à un partenaire.

Élément intéressant à noter : parmi les partenaires potentiels que les Belges avaient envisagés, ils ont retenu la France pour deux principales raisons : d’une part, l’avancement technologique de la gamme SCORPION, qu’ils ont jugé comme étant ce qui se fait de mieux au monde en la matière et, d’autre part, les liens tissés entre nos armées au fil de deux décennies d’engagements opérationnels conjoints sur différents théâtres.

Venons-en à l’économie générale de l’accord soumis à notre approbation, qui s’explique par les enjeux que je viens d’exposer. Cet accord établit à la fois un partenariat dans la conduite des programmes d’armement, et un partenariat dans le développement d’une capacité.

Pour le premier point, le partenariat d’armement, cet accord intergouvernemental n’est pas un contrat d’acquisition de matériels militaires ; le contrat industriel viendra dans un second temps. L’accord, lui, établit un mécanisme original, que l’on appelle « schéma mandant/mandataire” », par lequel la Belgique confie un mandat à la France pour que celle-ci passe, au nom de la Belgique et pour le compte de celle-ci, un contrat d’acquisition de Griffon et de Jaguar. C’est donc la DGA qui négociera ce contrat et en pilotera l’exécution au nom et pour le compte de son homologue belge. Elle percevra d’ailleurs pour cela une juste rémunération, dont la part ferme est fixée à 40 millions d’euros. J’ajoute que l’accord prévoit même la mise en place d’un bureau de programme conjoint, dont le chef est français mais dont le « numéro deux » est belge ; c’est dire le niveau d’intégration que prévoit cet accord.

Les termes de celui-ci ont été pesés au trébuchet pour minimiser les risques juridiques et financiers que pourrait comporter pour la France une vente d’État à État. D’abord, la Belgique ouvrira un compte à la Caisse des dépôts et consignations, afin que la DGA dispose toujours des crédits nécessaires pour régler l’industriel ; ensuite, le régime de responsabilité défini dans le cadre du mandat exclut toute garantie de bonne fin ou engagement de résultat pour la Partie française, et s’en tient à une obligation de moyens ; enfin, les règles de recours fixées par l’accord excluent toute mise en cause de la responsabilité de l’État et, en cas de différend avec la Belgique, prévoient le règlement des litiges par voie de consultation. Voilà pour ce qui concerne le partenariat d’armement.

J’en viens au partenariat capacitaire. Comme je vous le disais tout à l’heure, il est orienté par un objectif d’interopérabilité poussée. Là où les normes d’interopérabilité de l’OTAN ne s’appliquent pas en dessous de l’échelon de la brigade, avec le partenariat franco-belge, l’objectif est qu’une compagnie française et une compagnie belge soient, comme le disent nos interlocuteurs, « nativement pluggables » dans un bataillon belge ou une brigade française, c’est-à-dire parfaitement interopérables sans préparation spécifique. Pour cela, l’accord prévoit notamment la mise en place d’une doctrine et d’un système de formation communs. Jamais nous n’avons poussé si loin la coopération avec un de nos alliés.

Pour soutenir les Belges dans la construction de leur capacité motorisée moderne, l’accord met aussi en place un dispositif de coopération centré autour d’un plan de développement capacitaire élaboré conjointement et avec pour objectif de rechercher un maximum de synergies dans tous les domaines.

De surcroît, et c’est l’un des grands intérêts de cet accord intergouvernemental, non seulement il établit une coopération très approfondie dans certains champs, mais il ouvre aussi la voie à de nouvelles coopérations dans d’autres domaines que les Griffon et Jaguar. En effet, son dispositif comprend en lui-même les bases d’un approfondissement de notre coopération, et c’est peut-être là son originalité. Il met ainsi en place un système de gouvernance conjointe dont les organes, c’est-à-dire un comité directeur et des comités de pilotage, sont chargés d’étudier de nouveaux domaines de partenariat auxquels pourraient s’appliquer les règles fixées par l’accord intergouvernemental pour la fourniture de Griffon et de Jaguar ou pour l’élaboration d’une doctrine et d’une formation communes.

Concrètement, cela permettrait par exemple d’étendre notre partenariat franco-belge au maintien en condition opérationnelle ou, de façon encore plus emblématique, à utiliser la même procédure « mandant/mandataire » pour fournir à la Belgique de nouveaux matériels terrestres.

D’ailleurs, cette perspective est loin d’être théorique. Les ambitions capacitaires belges supposent en effet de nouvelles acquisitions, d’ailleurs programmées par la « Vision stratégique ». Posséder une brigade mécanisée complète suppose en effet de se doter non seulement de blindés médians, mais aussi de tout ce qui va autour, comme l’artillerie, les équipements de fantassin ou les véhicules plus légers. En cela, l’accord ouvre des perspectives de coopération autour de canons CAESAr, de matériels FELIN, de véhicules Serval ou de VBAE.

Ces perspectives sont d’autant plus réalistes que l’architecture même de SCORPION, et donc de CaMo, y conduit. Elle est en effet conçue de façon holistique, globale : l’intérêt de SCORPION tient à l’interconnexion de tous les armements au sein d’une « bulle » qui exploite l’infovalorisation pour permettre le combat collaboratif. Dès lors, un État qui se dote de certains matériels SCORPION ne peut en tirer pleinement parti qu’en intégrant l’ensemble de ses blindés et autres équipements terrestres dans cette « bulle » qu’a développée notre BITD. À tout le moins doit-il y connecter ses autres équipements, via le système d’information de SCORPION et la radio CONTACT, exportée sous le nom de Synapse.

C’est en cela que l’accord, qui met en œuvre une coopération franco-belge déjà ambitieuse, ouvre lui-même la voie à l’approfondissement de celle-ci.

J’aimerais souligner, pour conclure, que cet accord peut aussi être vu comme ouvrant des perspectives ambitieuses de consolidation de l’Europe de la défense. En effet, s’il fallait comparer cette formule de contrat de partenariat gouvernemental à un autre instrument, ce ne serait pas tant avec les Foreign Military Sales américaines, car celles-ci ne recèlent pas la même dimension partenariale dans le champ opérationnel. La comparaison la plus pertinente me semble être avec le concept de nation-cadre que les Allemands ont promu au sein de l’OTAN. Ce cadre consiste à atteindre un niveau d’interopérabilité élevé, et à intégrer ensemble les capacités de plusieurs partenaires autour de celles d’un État. Certes, notre formule de partenariat stratégique ne peut pas être répliquée dans tous les domaines et avec tous les pays, ne serait-ce que pour des raisons de cohérence stratégique et de limites des moyens de la DGA et de nos armées. Mais cette formule de contrat de partenariat gouvernemental peut constituer une offre de partenariat attractive pour des pays d’Europe qui, comme nous, ont pour ambition des engagements opérationnels plus exigeants et plus soutenus que d’autres, qui partagent notre doctrine et notre vision du monde, et dont les armées se sentent plus proches des nôtres. Dans cette optique, de tels partenariats constitueraient un outil concret allant dans le même sens que l’initiative européenne d’intervention et, à ce titre, dans celui de la consolidation de l’Europe de la défense. Tel est d’ores et déjà le choix des Belges.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable à l’adoption du projet de loi qui nous est soumis.

M. le président. Merci monsieur le rapporteur pour cet exposé. J’ai sept voire huit questions. Je vous propose de commencer par nos deux collègues qui ont accompagné le rapporteur pour avis en Belgique.

Mme Sereine Mauborgne. Je souhaiterais faire quelques observations complémentaires. L’acquisition de 382 véhicules blindés multi rôle Griffon et de 60 véhicules Jaguar, pour un montant d’1,5 milliard d’euros, confirme à la fois la justesse et la pertinence des choix opérés par l’état-major de l’armée de terre dans la définition des besoins capacitaires futurs de l’armée de terre, traduite dans le cadre du programme SCORPION, et la reconnaissance de la qualité, du savoir-faire et de la fiabilité de notre BITD terrestre, qui a su se positionner et présenter un ensemble de garanties au gouvernement belge. Mais l’acquisition de ces matériels, si elle constitue le point saillant de cet accord intergouvernemental, n’en est pas l’alpha et l’oméga : il faut souligner les nombreuses conséquences opérationnelles de ces acquisitions, qui constituent un atout indéniable pour l’interopérabilité pour nos deux armées de terre, comme l’a développé notre collègue Jean-Charles Larsonneur, une interopérabilité qui sera supérieure aux standards de l’OTAN et dont le potentiel se révélera à l’occasion d’exercices conjoints. La possibilité de croiser des retours d’expériences (RETEX) nourrira une appréhension commune de l’entraînement opérationnel. Il est à noter que les primo-formateurs belges sur les véhicules Griffon et Jaguar recevront leur instruction au 1er régiment de chasseurs d’Afrique (RCA) de Canjuers. Le calendrier de livraison à la Belgique des 442 véhicules blindés du programme SCORPION débuteront en 2025, de sorte que le calendrier et le rythme de livraison des véhicules du segment SCORPION, très attendus par nos forces, ne sont pas remis en cause. Rappelons par ailleurs que dans le cadre de l’accélération du programme SCORPION actée par la loi de programmation militaire 2019-2015, 50 % des nouveaux blindés médians – Griffon, Jaguar et VBMR légers – seront livrés d’ici 2025, avec 150 chars Jaguar et 936 Griffon en 2025 et 300 Jaguar et 1 872 Griffon en 2030.

Se posera la question de la maintenance des équipements. À ce stade, le volet « maintenance » de l’accord devrait reposer sur un rapprochement entre les écoles du matériel de Bourges, côté français, et le centre de compétences de la formation appui de Tournai, dans le nord du Hainaut, pour la partie belge. Certains aspects devront être consolidés et affinés. Par exemple, un équilibre devra être trouvé entre les industriels français et belges. Mais comment et dans quelles proportions ? Voici ma question, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Thomas Gassilloud. Je tiens avant tout à remercier notre collègue Larsonneur pour son brillant exposé et son investissement au profit de l’armement terrestre, lequel est parfaitement cohérent avec le travail qu’il poursuit par ailleurs sur le programme 146, relatif à l’équipement des forces. En complément de ce qu’ont dit nos deux collègues, je tiens à souligner le caractère massif de ce programme « CaMo », pour « capacités motorisées » : il est question de 500 engins blindés pour environ 1,5 milliard d’euros. Mais au-delà de cette masse, c’est également un partenariat plus profond, qui illustre, à mon sens, la parfaite confiance que nous témoigne notre partenaire belge ; confiance, parce que cette commande de matériel a lieu avant même les livraisons dans nos forces ; confiance, aussi, parce que ce programme implique un alignement des doctrines et des formations des Belges sur les Français, pour permettre une interopérabilité des systèmes et des hommes au niveau d’une compagnie. C’est donc un programme massif, un programme profond, et également un programme prometteur, puisqu’il est le prélude à une composante terrestre commune, ce dont nous pouvons être fiers. Il nous permettra aussi de développer les futures versions de SCORPION avec davantage d’économies d’échelle. Enfin, comme l’a très bien dit notre collègue, ce contrat ouvre d’autres perspectives de vente, à la Belgique mais aussi à d’autres États européens dans le cadre de l’Europe de la défense. Je retiens, pour ma part, deux facteurs principaux de ce succès. Le premier réside dans la pertinence de l’innovation fondée, d’une part, sur les RETEX que la France tire de ses opérations et mise en œuvre, d’autre part, par le triptyque formé par la DGA, nos armées et notre BITD. Je rappelle que nos armées travaillent sur SCORPION depuis plus de dix ans. En second lieu, j’ai été frappé, pendant notre déplacement en Belgique, de ce que la confiance des Belges tenait en grande partie à l’intégration de certains de leurs officiers dans nos écoles militaires, en particulier à l’école de guerre. C’est sur ce lien entre les hommes que se fonde la confiance, au-delà du lien avec les industriels.

Ma question porte sur la compatibilité des calendriers de livraison français et belges. Dès 2017, ma collègue Sereine Mauborgne et moi-même avions proposé une accélération du programme SCORPION, qui a été par la suite entérinée par la loi de programmation militaire. L’armée de terre s’est organisée autour de ce programme structurant. En tant que rapporteurs, nous sommes attentifs à la fois à l’activité que génère ce partenariat avec les Belges mais également inquiets de tout retard dans le calendrier de livraison au profit de nos forces. Des retards sont malheureusement déjà à déplorer, en particulier en ce qui concerne les tourelleaux téléopérés et la vétronique. Monsieur le rapporteur pour avis, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que la livraison de matériel aux Belges ne retardera pas les livraisons de matériel à notre armée de terre ?

M. Claude de Ganay. Plutôt qu’une question, je me permettrai de faire une ou deux observations. Après le choix malheureux des avions de chasse F-35, je pense qu’il faut se féliciter de cet accord dont les qualités ont été brillamment rappelées par notre rapporteur. Il s’agit, à n’en pas douter, d’une coopération ambitieuse et d’ampleur inédite qui, si son succès était confirmé, pourrait véritablement servir de base pour de futures coopérations entre pays européens. Je suggère que le Gouvernement valorise davantage ce type d’accords et ces formes de coopération, qui rendent tangible une « Europe de la défense », plutôt que de faire miroiter la perspective d’une armée européenne, que tous les spécialistes des questions militaires s’accordent à qualifier d’utopie !

M. Olivier Becht. Je vais rebondir sur les propos de mon collègue pour dire que nous pouvons certes nous féliciter de ce partenariat stratégique tout en regrettant que nous n’ayons pas pu en conclure un similaire sur le Rafale, quoique je m’inscrive en divergence avec ses conclusions sur l’armée européenne. Au-delà même de la question des livraisons, je vois dans ce partenariat stratégique de nombreux axes de coopération, en ce qui concerne la doctrine d’emploi, ou encore le maintien en condition opérationnelle. Mais chacun sait, et ce n’est pas M. Gassilloud qui dira le contraire, que ces Jaguar et ces Griffon sont d’abord et avant tout des ordinateurs avec un blindage autour. Ce sont ces ordinateurs qui revêtent le plus d’intérêt, et les briques technologiques conçues afin de parvenir au programme SCORPION. Je voudrais interroger le rapporteur pour avis sur la manière dont, à l’avenir, nous pourrions mieux associer nos partenaires au financement de la conception des programmes, très consommateurs en crédits budgétaires et essentiels pour la compétitivité des matériels. C’est à travers une politique industrielle globale au niveau européen, cher collègue Ganay, que nous arriverons progressivement à une armée européenne, dont nous avons fondamentalement besoin, même si elle implique d’importants changements institutionnels et politiques…

M. Claude de Ganay. Pas avec les Allemands, en tous cas !

M. Olivier Becht. …et pourquoi pas avec les Allemands ? Bien sûr que si ! Nous ne pourrons élaborer une défense européenne sans les grandes puissances du continent autour de la table ! C’est toutefois un autre débat que je ne vais pas ouvrir ici.

M. Joaquim Pueyo. Je félicite également le rapporteur pour avis pour la présentation de cet accord, qui permettra de partager le système SCORPION avec des armées proches de nous et avec lesquelles nous intervenons déjà sur des théâtres extérieurs. Cet accord contribue à la fois au renforcement de notre industrie de défense et à l’accroissement de l’interopérabilité entre deux armées alliées. Dans une période marquée par la contrainte budgétaire, la capacité à faire mieux, ensemble, permettra des économies substantielles. C’est le cas ici, et je salue un accord novateur sur la passation des marchés et le suivi des commandes. Au-delà d’une reconnaissance des qualités techniques de notre industrie, une confiance dans les services français, comme la direction générale de l’armement, s’est manifestée à l’occasion de la signature de ce contrat. Les économies permises bénéficieront aux différentes parties au contrat, tout en garantissant aux industriels des commandes pérennes. Il me semble que regrouper des États autour d’un système comme SCORPION pourrait avoir un effet d’entraînement. Comme l’a rappelé la ministre des Armées devant notre commission il y a quelques semaines : nous devons vendre. Autant nous réjouir lorsque nous vendons à de grandes démocraties comme la Belgique, dont nous partageons les valeurs ! Par ailleurs, du fait des caractéristiques intrinsèques du programme SCORPION, les capacités à opérer ensemble seront fortement renforcées. Le partage d’informations est un aspect essentiel dans les opérations actuelles et permettra un engagement au mieux des capacités. En ce qui concerne le but recherché, à terme, c’est-à-dire la création de groupements tactiques interarmes (GTIA) et de sous-groupements tactiques interarmes (SGTIA) franco-belges : elle devrait être facilitée. Nous restons cependant attentifs sur ce point car de nombreuses coopérations de ce genre, comme les battle groups européens, ont vu le jour. Elles sont certes opérationnelles, mais n’ont jamais été déployées en opération. J’espère que cet accord donnera lieu à des déploiements communs. C’est bien le véritable enjeu politique de ces prochaines années : régler l’épineuse question du commandement et des règles d’engagement. En tous cas, le groupe que je représente votera, bien évidemment, cet accord.

M. Jean-Michel Jacques. Je me réjouis de l’accueil réservé à ce projet d’accord, qui va amener beaucoup de synergies entre nos deux pays, à travers l’entraînement, la logistique et la formation. Avez-vous aussi abordé les synergies possibles s’agissant des munitions ? Observez-vous des prémisses d’une coopération dans ce domaine ?

M. Laurent Furst. Avant toute chose, je voudrais dire qu’on peut siéger dans l’opposition et dire que les choses vont bien ! Quand des contrats positifs et bien rédigés sont conclus, il y a tout lieu de s’en féliciter, en particulier lorsqu’il s’agit de vendre 500 engins blindés à nos voisins et amis belges, qui font confiance à notre industrie. Voici ma première question : nous avons eu des débats acharnés en ces lieux, quelques semaines auparavant, sur les exportations d’armes. Vendre à la Belgique ne pose pas de problème mais avons-nous prévu des clauses sur les reventes de ces équipements ? Ensuite, ce contrat est très positif mais je pense qu’il ne faut pas s’en enorgueillir outre mesure. Qu’on se souvienne du contrat sur les avions Rafale, finalement remplacés par des F-35 américains ! D’autres achats ont été faits par les Belges auprès de nos amis néerlandais. J’ai surtout le sentiment que nos amis belges partagent leur marché entre plusieurs partenaires et ne nous ont pas choisis comme partenaire prioritaire, hormis le présent contrat. J’aimerais donc demander à notre rapporteur si ce contrat ouvre vraiment des perspectives de coopération future et s’il est possible de mesurer auprès de quels partenaires la Belgique s’équipe majoritairement. Ensuite, dès lors que l’armée française achète les mêmes équipements, je voudrais savoir si les prix sont comparables : en d’autres termes, disposons-nous d’une base de comparaison entre le prix d’achat de l’armée française et le prix d’achat de l’armée belge ? Dernier point : je remarque que nous avons en France un deuxième constructeur d’engins – SOFRAME – et que nous oublions trop souvent de parler de ce constructeur français de grande qualité.

M. Stéphane Trompille. Ma question sera très courte puisque le sujet a déjà été abordé à plusieurs reprises. Comment étendre ce type d’accord à d’autres pays européens, comme l’Allemagne ?

Mme Marianne Dubois. Ce contrat d’armement est une première, vous l’avez rappelé. Il est important, innovant et pertinent. Mais pensez-vous que des hélicoptères pour l’appui de troupes au sol puissent compléter ultérieurement ce programme ?

Mme Natalia Pouzyreff. Merci à notre collègue Jean-Charles Larsonneur pour son travail de rapporteur pour avis sur cet accord qui est de nature à développer une culture opérationnelle commune entre deux pays et qui représente donc un pas de plus vers une armée européenne. Ma question porte plus sur la philosophie du maintien en condition opérationnelle : y a-t-il des attentes plus spécifiques de la part de la Partie belge ? des synergies ou un partage industriel ? En un mot : le MCO est-il pris en compte dans cet accord ?

M. Thibaut Bazin. Je remercie aussi le rapporteur pour avis mais j’apporterai toutefois un bémol à l’enthousiasme général : il est quelque peu dommage que vous n’ayez pas invité l’opposition à vous accompagner dans votre visite en Belgique, ce qui aurait permis d’avoir un regard contradictoire ! Nos collègues ont toutefois bien joué le jeu : leurs questions traduisent des inquiétudes légitimes. Est-ce que ce contrat ne risque pas de retarder la livraison de nos matériels SCORPION ? J’ai bien noté qu’il n’y avait pas d’engagement de délai pour nos finances publiques. Mais cela va mieux en le disant : est-ce que nos propres livraisons sont prioritaires, parce que les engagements sont antérieurs ? Je profite de cette question pour dire combien j’adhère à la démarche sous-tendue par cet accord, bien éloignée des promesses irréalistes qui fleurissent en ce moment. C’est un accord remarquable qui doit servir d’exemple. Enfin, j’ai une dernière question : est-ce que les élections fédérales, qui auront lieu dimanche prochain en Belgique, pourraient remettre en cause la signature de cet accord ?

M. le président. Avant de donner la parole à M. Philippe Chalumeau, permettez-moi de préciser à chacun les modalités du déplacement en Belgique évoqué par M. le rapporteur, et auquel M. Bazin a regretté qu’aucun membre de l’opposition n’ait été associé. En effet, en tant que président de notre commission, c’est à moi qu’il revient d’autoriser les crédits pour les déplacements des membres de la commission réalisés dans le cadre de nos travaux. Je tiens donc à préciser que la mission à laquelle vous faites référence s’est tenue avant que la commission ne décide de se saisir du présent projet de loi. C’est au titre de leurs fonctions de rapporteurs pour avis budgétaires du programme 146 et du budget de l’armée de terre que se sont rendus en Belgique MM. Larsonneur et Gassilloud, ainsi que Mme Mauborgne, qui accompagne ce dernier dans ses fonctions. C’est ce qui explique qu’aucun membre de l’opposition n’y ait participé, de la même manière que lorsqu’un rapporteur de l’opposition se déplace dans le cadre d’autres travaux, aucun rapporteur de la majorité n’y participe. Il me semblait utile d’apporter ces précisions.

M. Philippe Chalumeau. Avant tout, qu’il me soit permis de saluer notre rapporteur pour avis ainsi que Thomas Gassilloud et Sereine Mauborgne qui l’ont accompagné. Surtout, félicitons-nous de cet accord et de ce programme capacitaire européen exemplaire en termes de combat collaboratif et de complémentarité de matériels, qui augure, du moins je l’espère, un grand nombre de choses positives pour l’avenir. Ce programme important efface en partie l’épisode malheureux du F35 et nous permettra d’écrire une nouvelle page en matière de défense européenne et coopération franco-belge. C’est aussi une bonne nouvelle pour notre BITD, qui devient de plus en plus européenne, et peut-être les prémices d’un Buy European Act. Enfin, puisque certains l’ont évoquée, je crois à une armée européenne, pour laquelle le programme CaMo constitue une brique de plus. Une brique de plus en effet car, après tout, qu’est-ce qu’une armée commune si ce n’est l’addition d’une force commune – l’initiative européenne d’intervention – une doctrine commune – la coopération structurée permanente – et un budget commun. En l’espèce nous parlons d’un programme capacitaire qui va alimenter l’IEI ; il me semble donc que nous avançons dans la constitution de cette armée européenne dont nous avons besoin pour une Europe qui protège. Évidemment, je soutiendrai pleinement ce texte dont, à mon sens, nous avons besoin.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Si j’interviens tardivement sans m’être manifesté au préalable, c’est parce que je souhaitais le faire en dernier ! Nulle question mais une pleine approbation de cet accord franco-belge !

M. Laurent Furst. Le Modem restera toujours le Modem !

Mme Josy Poueyto. Et qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

M. Laurent Furst. Que je vous aime !

Mme Josy Poueyto. Les LR changent peut-être de nom mais ils restent les mêmes !

M. Olivier Becht. Allez balle au centre…

M. le président. Chers collègues, c’est finalement M. Lejeune qui posera la dernière question.

M. Christophe Lejeune. Je ne serai pas long car beaucoup de points ont déjà été abordés. Pourriez-vous nous donner quelques informations quant à l’impact de ce programme pour l’industriel, notamment en termes d’emploi ? En outre, afin de tenir les cadences de livraison au profit de la Belgique comme de la France, faudra-t-il former des personnels ? Les acteurs industriels devront-ils assumer un coût de formation ?

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Merci beaucoup pour ces nombreuses questions.

Je répondrai d’abord à Mme Mauborgne, qui a souligné le succès du programme SCORPION, c’est-à-dire un succès pour l’état-major de l’armée de terre, pour la BITD ainsi que pour la direction générale de l’armement. Au fond, c’est l’interopérabilité qui constitue le vrai plus opérationnel de ce contrat. La question du calendrier a été posée, de même que celle du partage industriel entre nos deux pays. S’agissant du calendrier, en théorie tout va bien ! Il est conforme à l’accélération du programme SCORPION prévue par la LPM. M. Gassilloud m’avait également interrogé sur ce point. Pour rappel, le calendrier de livraison de ce programme structurant a connu quelques difficultés, maîtrisées néanmoins. En effet, au départ, le programme a pris huit mois de retard, mais les premiers Griffon devraient être livrés, sauf erreur, en juillet 2019, tandis que le consortium s’est engagé à livrer les 92 Griffon prévus cette année en temps et en heure. À l’origine, il y avait eu quelques difficultés sur le volet vétronique, peut-être sous-estimé par l’industriel sur le moment, même s’il faut rappeler qu’il s’agissait d’un programme nouveau qui, de manière classique, connaît quelques difficultés de jeunesse. En matière de combat collaboratif, on dépasse aujourd’hui tout ce que l’on connaît dans le cadre otanien !

S’agissant du partage industriel entre les acteurs français et belges, je rappelle que le maître d’œuvre est Nexter, qui agit en tant que « prime » et s’appuie sur des sous-traitants. Les matériels livrés sont exactement les mêmes en France comme en Belgique – un peu comme s’il s’agissait d’acquisition sur étagère – et puisque nous restons dans le cadre européen, il n’y a pas compensation ou de d’offset au sens classique du terme. En revanche, il existe un concept – le retour sociétal – qui fait l’objet de discussions non pas dans le cadre de l’AIG mais dans celui de l’accord industriel. Dans le cadre de ces négociations, le tourelleau téléopéré qui équipera le Griffon pourrait être construit par un industriel belge.

Claude de Ganay a soulevé la question de la valorisation de l’accord. Il s’agit d’un point important. D’abord, je relèverai que l’AIG n’a pas pour objet d’avancer sur la constitution de l’armée européenne. En revanche, il s’agit de prévoir, dans certaines conditions, des moyens de coopérer ensemble. Peut-être qu’il est bon d’énumérer ces conditions parce qu’au fond, ce partenariat ne peut exister que dans des conditions très spécifiques :

‒ une demande explicite du pays client acceptée par l’État français ;

‒ l’existence d’un partenariat stratégique entre la France et ce pays ;

‒ une opération de grande ampleur, le plus possible portant sur des matériels connus et utilisés par les forces françaises – c’est le cas ici puisque nous avons développé SCORPION pour la France ;

‒ une coopération qui dépasse la fourniture de matériel de guerre ; c’est aussi le cas puisque l’on inclut des volets de formation et de doctrine, comme l’a notamment rappelé Mme Mauborgne ;

‒ enfin, un certain volume financier, important en l’espèce puisque l’on parle de 1,5 milliard d’euros. Ce n’est pas rien. Il s’agit de l’un des plus gros contrats conclu ces dernières années après les contrats égyptien et australien. Il me semble important de le souligner.

L’intérêt de ce genre de schéma est de s’affranchir de la formule de l’appel d’offres, et de respecter le droit européen au travers d’un nouveau type de contrat, le contrat de partenariat global, qui selon moi peut avoir un avenir avec d’autres partenaires.

En outre, s’agissant des remarques de nature politique portant sur les relations avec la Belgique dans d’autres secteurs de l’armement, certes nous avons eu l’expérience du contrat F-35, mais je tiens à rappeler que la France est le partenaire de la Belgique sur deux plus gros contrats qu’elle a signés : d’une part celui dont nous parlons aujourd’hui avec le programme CaMo portant sur les blindés médians, d’autre part le contrat sur la guerre des mines, l’offre présentée par Naval Group et ECA ayant été retenue par les autorités belges. Il s’agit d’un programme tout à fait structurant en matière de coopération bilatérale ainsi que pour la conduite de notre propre programme de guerre des mines.

S’agissant de la question de M. Becht sur les briques technologiques et le numérique, il convient en effet de souligner que la particularité du programme SCORPION est d’être un programme foncièrement tourné vers le numérique et les nouvelles technologies. Il s’agit de l’un de ses avantages comparatifs décisifs. Pour rappel néanmoins, comme cela me l’a été confirmé lors de mes échanges avec l’état-major belge, la Belgique n’avait initialement pas demandé de développement commun. En l’occurrence, les autorités belges étaient plutôt à la recherche de produits à acheter sur étagère. Là encore, tout dépend des conditions que nous avons établies avec le pays partenaire. Des développements communs peuvent tout à fait permettre des économies en termes de recherche et développement mais encore faut-il déterminer avec quels partenaires nous pouvons les conduire, question complexe s’il en est : il faut des retours industriels – à ce sujet certains ont évoqué nos relations avec l’Allemagne – il faut des spécifications claires et convergentes, alors qu’elles peuvent se multiplier et ne plus représenter une source d’économies. À ce sujet, je renvoie chacun vers la lecture des rapports de la Cour des comptes sur certains programmes que tous ici nous connaissons : je pense au programme FREMM ou, en leur temps, aux réflexions sur la guerre des mines menées avec le Royaume-Uni.

M. Pueyo m’a essentiellement interrogé sur les déploiements, les engagements et l’intégration à un niveau poussé – au niveau des compagnies puisque nous descendons d’un étage par rapport au cadre otanien. Vous avez raison de souligner le caractère singulier de cet accord de ce point de vue. C’est le cœur de l’accord. Vous avez également évoqué la question des exportations : oui, exporter entraîne des économies. Il me semble également important de souligner que les choses ont bien changé pour Nexter, passé d’une situation de quasi faillite il y a quinze ans à l’état de groupe florissant, notamment grâce à des exportations de ce type. Ce cadre d’exportation est parfaitement rassurant et confortant pour une telle entreprise.

Concernant les opérations conjointes, un tel programme peut faciliter leur déclenchement mais je rappelle tout de même qu’elles résultent d’une décision d’États souverains. Les autorités belges se sont engagés sous des formats divers, dans le cadre de l’Union européenne comme de l’ONU au Mali par exemple, ou de l’OTAN pour les opérations conduites dans les pays baltes. La Belgique constitue, ainsi que vous le dites, un partenaire plutôt allant en matière d’engagement opérationnel, peut-être l’un des plus allants en Europe avec la France. La Belgique est un bon partenaire, avec lequel il nous faut développer davantage d’engagements communs et, pour ce faire, l’AIG constitue le cadre idoine, précisément en raison des points que nous avons déjà évoqués : formation, doctrine, entraînements en commun.

Vous avez également évoqué la question des battle groups. Je ne crois pas qu’il faille créer une structure bureaucratique supplémentaire ! L’objectif est plutôt de conforter l’interopérabilité sur le terrain, au plus bas niveau, afin d’être prêt à envoyer des troupes franco-belges le plus rapidement possible, sans devoir se former au moment de l’éclatement de la crise. De ce point de vue, les dispositions de l’AIG me semblent tout à fait opérationnelles.

M. Jacques a évoqué le sujet des munitions. Comme je l’ai indiqué dans mon exposé liminaire, l’AIG permet d’ouvrir le champ de la coopération bilatérale à différents types de matériels alors pourquoi pas les munitions ! À mon avis, il y aurait là une forme de cohérence industrielle ! Comme vous le savez, FN Herstal, ancienne filiale de Giat, propose une offre tout à fait complémentaire de celle que l’on peut trouver en France au travers de Nexter. L’ensemble pourrait, on peut le dire, former un contrepoids intéressant par rapport à d’importants groupes allemands, comme Rheinmetall. Je n’en dirais pas plus car ces questions dépendent des acteurs industriels et des choix qui seront faits mais, selon moi, il s’agit d’une piste à considérer.

En réponse aux nombreuses interrogations de M. Furst (Sourires.), je dirais d’abord, s’agissant de l’exportation, et du ré-export en particulier, que ces questions relèvent de l’accord industriel en tant que tel et non de l’AIG dont l’approbation nous est aujourd’hui proposée. Elles feront l’objet de négociations entre les industriels et donc, par définition, seront examinées par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre. En somme, la procédure comme les garanties en la matière sont classique.

S’agissant des prix, la DGA nous a indiqué veiller à la convenance des prix mais pas forcément à leur identité exacte. Ce n’est d’ailleurs pas son rôle puisque, là aussi, une négociation intervient entre les acteurs industriels. Du reste, je me permets de rappeler que si l’exportation permet d’accroître les effets d’échelle, elle permet aussi parfois d’acquérir des matériels moins onéreux du fait d’un effet « séries ».

Concernant les perspectives d’exportation, pourquoi pas les Pays-Bas, pour ce qui concerne la cavalerie légère ? Il s’agit typiquement du genre de pays pouvant rencontrer un besoin de renouvellement de ses capacités en ce domaine. Pourquoi pas l’Espagne, sur les systèmes d’information comme le SICS, le système d’information de SCORPION, ou les radios CONTACT ? Pourquoi pas le Luxembourg ? SCORPION dispose du potentiel pour devenir une forme de standard européen. À cet égard, qu’il s’agisse du matériel complet ou une partie du programme – en particulier le système d’information et de combat connecté – des briques peuvent être exportées au profit de différents partenaires selon leurs besoins. Avec ces réponses, je pense avoir également répondu aux interrogations de M. Trompille.

En réponse à la question de Mme Dubois sur les hélicoptères, je dirais qu’à ma connaissance, il n’y a rien de prévu en la matière. Je n’ai pas évoqué ce sujet avec mes différents interlocuteurs et n’ai pas entendu de demande de la Partie belge en ce sens. Au niveau européen, la priorité me semble être davantage de se pencher sur Airbus plutôt que sur les dispositions de l’AIG.

Madame Pouzyreff, vous m’avez interrogé sur le maintien en condition opérationnelle. À l’heure actuelle, le MCO n’est pas couvert par l’AIG mais il s’agit d’une question pouvant être approfondie dans le cadre des discussions que mèneront les parties belge et française. Comme Mme Mauborgne l’a indiqué, le MCO sera pris en charge par nos deux armées, en totale coopération, des industriels des deux pays pouvant également être impliqués. On peut donc imaginer que des industriels belges deviennent partie à cette coopération en raison de leur implication dans le domaine de la maintenance.

Je ne reviendrai pas sur les modalités du déplacement que nous avons effectué à Bruxelles, évoquées par M. Bazin, puisque le président a fort bien répondu. En revanche, s’agissant de l’impact potentiel des élections à venir en Belgique, je rappellerai qu’il s’agit d’un accord inter-gouvernemental signé par l’État fédéral belge et que, du fait du principe de la continuité de l’Etat, il n’y là pas de risque majeur. En outre, la « vision stratégique pour la Défense belge » ancre de manière significative la question du renouvellement de la composante terre et, en conséquence, de l’achat de blindés médians. Il convient d’ailleurs de souligner ce qui constitue un élément intéressant au regard des discussions que nous eûmes ici-même lors de l’examen de la LPM, que l’ensemble des groupes parlementaires belges a voté en faveur de cette programmation militaire. Une belle unanimité dont on pourrait s’inspirer !

M. Laurent Furst. C’est parce que cette loi de programmation belge était excellente…

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Monsieur Chalumeau, j’ai déjà évoqué les perspectives de coopération européenne. Il nous faut bien sûr progresser. Nous le faisons avec les Allemands, en matière de développements, dans le cadre des grands programmes que vous connaissez – SCAF ou encore MGCS. Disons qu’il s’agit ici d’une formule nouvelle, qui certes dépend de certaines conditions et du niveau de confiance que nous entretenons avec nos partenaires, ainsi que de leurs besoins évidemment. À mes yeux, il s’agit d’une brique extrêmement intéressante. Par ailleurs, l’AIG ouvre la voie à de futures coopérations susceptibles d’être éligibles au Fonds européen de défense. De ce point de vue, un tel accord ne peut que renforcer des perspectives communes en matière, si ce n’est d’armée européenne, d’une intégration plus forte de nos forces au sein de l’Union européenne.

Enfin, je remercie M. Cubertafon pour sa vibrante déclaration, et, pour conclure, répondrai à M. Lejeune sur l’emploi et la charge que représente ce programme pour les industriels français. Il s’agit d’un point intéressant dont nous avons discuté avec l’ensemble des acteurs auditionnés. Nous nous situons de nouveau en dehors du champ de l’AIG. Concernant les embauches, tout dépend de la nature du montage industriel. Ce que l’on sait, c’est que les Belges achètent presque sur étagère, ce qui suppose, comme je l’ai dit, que nous ayons quasiment les mêmes matériels. De ce point de vue, l’interopérabilité est assurée. 1,5 milliard, le montant de la commande n’est pas négligeable et, à la clé, c’est un nombre important d’embauches. Surtout, le calendrier permet d’enchaîner correctement les commandes. Ainsi, les premières livraisons à la Belgique interviendront en 2025, avec un horizon s’étalant jusqu’en 2030. Nous allons donc d’abord connaître une montée en charge due à l’accélération du programme SCORPION, qui se poursuivra ensuite avec la montée en charge liée aux exportations vers la Belgique. Nous n’en sommes pas encore à entamer la phase de recrutement à Roanne sur la partie 2025-2030 mais on peut estimer que le plan de charge et les embauches seront substantiels.

Voilà ce qu’il me semblait important d’évoquer.

M. le président. Merci, Monsieur le rapporteur pour avis, pour toutes ces précisions. Notre commission ayant été éclairée, je vais mettre aux voix le présent projet de loi.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi, à l’unanimité.

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La séance est levée à dix-huit heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Christophe Lejeune, Mme Sereine Mauborgne, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson

Excusés. – M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, M. Sylvain Brial, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, M. Jacques Marilossian, M. Franck Marlin, M. Joachim Son-Forget, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

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