JUSTICE MILITAIRE : VERS L’ABROGATION DU DÉLIT DE VIOLATION DE CONSIGNE ? (ARTICLE L 324-1 DU CODE DE JUSTICE MILITAIRE) (Par Me Elodie MAUMONT, avocat associé)

La 10ème chambre section 1, chambre spécialisée en affaires pénales militaires, du Tribunal de grande instance de Paris a renvoyé mardi dernier, 12 mars  2019, à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité portée par MDMH AVOCATS et relative à la constitutionnalité des dispositions de l’article L 324-1 du Code de justice militaire qui énoncent en leur alinéa 1er :

« Le fait pour tout militaire de violer une consigne générale donnée à la troupe ou une consigne qu’il a personnellement reçu mission de faire exécuter ou de forcer une consigne donnée à un autre militaire est puni d’un emprisonnement de deux ans. »

Après avoir constaté sa recevabilité formelle, le tribunal a considéré que la question était sérieuse et ce faisant qu’elle méritait d’être transmise.

En substance, il est soutenu que, faute d’une définition précise des autorités susceptibles de pouvoir donner des consignes, des formes desdites consignes (écrites, verbales …) et de leur publicité (notification, publication …), le texte tel qu’il est rédigé à ce jour porte atteinte :

  • au principe de légalité des délits et des peines et de clarté de la loi prévu et garanti à l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et à l’article 34 de notre Constitution,
  • au principe d’égalité prévu et garanti à l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
  • et au droit de ne pas être détenu arbitrairement prévu et garanti par l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen

Chose rare et qui mérite dès lors d’être soulignée, si Monsieur le Procureur de la République a considéré dans ses réquisitions écrites que le texte ne posait pas, selon lui, de difficulté au visa des 1ère et 3ème violations invoquées, il a en revanche considéré, par réquisitions écrites, que la QPC présentait un caractère sérieux s’agissant de la violation du principe d’égalité en relevant :

« que la création des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire (JDCS) a permis la concentration des poursuites devant neuf juridictions spécialisées de droit commun et d’écarter ainsi l’éventuel arbitraire de juridictions d’exceptions ;

Que, néanmoins, ces juridictions spécialisées de droit commun restent tributaires des consignes données en différents lieux et par différentes autorités hiérarchiques, de nature à interroger sur l’égalité de traitement entre militaires confrontés à des situations analogues.

Qu’en conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée n’est pas dépourvue de « caractère sérieux ». »

De ce chef,  nous soulevions en effet, cas concrets à l’appui, que les consignes sont susceptibles d’évoluer d’une caserne à une autre, d’un régiment à l’autre, d’un chef à l’autre, et du militaire concerné à un autre selon l’autorité hiérarchique qui l’a émise.

La question a ainsi été transmise dans le délai de 8 jours à la Cour de cassation qui va devoir se prononcer dans un délai de 3 mois à réception du dossier de transmission pour un renvoi au Conseil constitutionnel.

Evidemment, nous appelons de nos vœux que cette question puisse être soumise au Conseil constitutionnel.

Mais d’ores et déjà et s’agissant de militaires poursuivis pour un délit de violation de consignes se pose la question de sursis à statuer à solliciter devant les juridictions de jugement au fond ou a minima de renvois des affaires en instance dans l’attente des décisions à intervenir de la Cour de cassation et nous l’espérons du Conseil constitutionnel.

C’est d’ailleurs ce qu’a décidé la 10ème chambre section 1 du Tribunal de Grande Instance de Paris en renvoyant mardi dernier à une prochaine audience fixée le 9 juillet 2019 une autre affaire d’un militaire également poursuivi pour violation de consigne.

© MDMH – Publié le 20 mars 2019

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