TÉMOIGNAGE. «Je ne suis pas un voleur de solde» dit cet ancien militaire amiénois de l’armée de terre (Par David Vandevoorde)

Laurent* était engagé dans l’armée de Terre. Blessé par un chien en Afghanistan, il a achevé son contrat en 2011. Début 2019, l’armée a saisi 5 836 euros sur son compte.

Laurent*, 36 ans aujourd’hui, s’engage dans l’armée de terre en 2006. Un contrat de cinq ans dans l’infanterie, au 126e Régiment basé à Brive-la-Gaillarde (Corrèze). Il part en opérations extérieures (OPEX) avec son régiment en Centrafrique et en Afghanistan. Ses médailles et une lettre de félicitations rappellent son engagement total en zone de guerre.

Lors de sa seconde mission dans les montagnes afghanes, en août 2010, les choses tournent mal. La patrouille, renforcée d’une brigade cynophile, marque une pause. Le maître-chien sort du VAB (véhicule de l’avant blindé) pour un besoin pressant. Laurent est debout à l’arrière du blindé, portes ouvertes, seul et face au chien, un berger allemand croisé malinois. « Il a perdu de vue son maître, il s’est agité. Je n’ai pas eu le temps de réagir, il m’a chopé  », raconte Laurent. Il garde les traces de ce violent coup de gueule. « Ils m’ont perfusé à la morphine sur place. La douleur était atroce, j’avais la main en miettes », se souvient-il.

« On m’a déposé à la gare du Nord avec mes quatre sacs. Comme ça, tout seul, la main en vrac »

L’armée estime qu’il mettra trop de temps à se rétablir. Il est rapatrié en France. Septembre 2010, il passe une journée à l’hôpital de Percy, à Paris. « On m’a déposé à la gare du Nord avec mes quatre sacs. Comme ça, tout seul, la main en vrac, et démerde-toi. D’un seul coup, tu n’es plus grand-chose », dit-il.

Il rentre ensuite chez lui avec un arrêt maladie et des séances de kiné. Il faut du temps pour récupérer le plein usage de sa main. Il a le moral en berne. Il est paumé. « J’ai abandonné mes potes et frères d’armes restés au combat. Ça fait peut-être cliché de dire ça, mais je peux vous assurer que pour un soldat en OPEX, ça pèse », souffle-t-il, rappelant qu’il a aussi « une blessure à la con ». Revenir d’Afghanistan blessé par un chien de sa propre armée : ses oreilles sifflent, les sarcasmes fusent. « Je me suis accroché. Je suis revenu à la caserne en janvier 2011. J’ai terminé mon contrat pour repartir dans la vie civile », poursuit Laurent, aujourd’hui commerçant à Amiens. De l’armée, il garde dans une petite vitrine, comme tous les soldats, avec médailles, béret, insignes et blasons de son régiment.

Des souvenirs qui s’éloignaient… jusqu’à janvier dernier. Car l’armée a saisi sur son compte 5 836 euros pour « un trop-perçu de soldes ».

Pas de réponse à ses courriers

« J’ai reçu des alertes. J’ai voulu avoir des infos et m’expliquer, je n’ai jamais eu de réponse. Je ne suis pas un voleur de solde ! Je n’ai pas demandé à ce chien de me bouffer la main. Je n’ai pas porté plainte. Ce qui a soulagé quelque part l’armée », s’agace Laurent. « Je n’ai jamais refusé les OPEX. Et là, on me saisit comme ça, sans accepter un dialogue. J’ai même proposé un échéancier. Jamais on ne m’a répondu. Et la solde a été majorée, huit ans après ! », insiste-t-il, en nous montrant les documents en signe de sa bonne foi.

Il pense avoir l’explication : il aurait perçu sa solde OPEX alors qu’il était rentré en France. Mais ne le savait-il pas ? « On m’a laissé livré à moi-même sans rien me dire. Je suis resté longtemps en arrêt avec la honte d’une blessure peu glorieuse, une blessure conne qui fait marrer, tout seul dans mon coin, sans faire de bruit. Je n’avais pas vraiment la tête à vérifier ma solde sur des fiches de paie qui sont loin de ressembler à celle du privé, avec en plus les modifications de l’arrêt », répond-il. Le trop-perçu peut aussi venir des bugs insensés du logiciel de paie Louvois (lire par ailleurs).

« Peu importe, vous pouvez avoir fait cinq ans avec près de deux ans en opération extérieure, il faut être désolé de ne pas avoir pris une balle », poursuit-il. Laurent ne digère pas : « Il fallait que je fasse quoi ? Que je…

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