Difficultés de fonctionnement des tribunaux d’instance et de grande instance

Question orale n° 0549S de Mme Pascale Bories (Gard – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 06/12/2018 – page 6103

Mme Pascale Bories attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés de fonctionnement des tribunaux d’instance et de grande instance.

Son département a de grandes difficultés à recruter. Le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance de Nîmes ont trois postes non pourvus alors que le nombre de postes dédiés à leurs juridictions n’est déjà pas suffisant. Face à ces difficultés, ils se retrouvent dans une situation de blocage dans laquelle les dossiers ne peuvent pas être traités dans des délais raisonnables et les délibérés ne peuvent pas être rendus en temps et en heure.
Depuis le 23 octobre 2018, le Sénat a adopté le projet de loi (n° 463, 2018-2019) de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Il prévoit une augmentation de 24 % du budget du ministère de la justice pour la période 2018-2022. Ainsi, 6 500 emplois seront créés et 530 millions d’euros seront consacrés à la transformation numérique du ministère. En matière de justice administrative, le projet de loi prévoit d’élargir les possibilités de recours à des magistrats honoraires et d’autoriser le recrutement de juristes assistants. Les premiers effets du plan de transformation numérique et de la simplification des procédures permettront de résorber les vacances de postes et de renforcer les emplois de correspondants informatiques dans les juridictions. Le projet de loi (AN, n° 1255, XVe leg) de finances pour l’année 2019 prévoit une hausse des moyens alloués à la justice et par conséquent la création de 1 300 postes supplémentaires pour 2019.
Cependant, le Gouvernement a choisi de mettre l’accent sur l’administration pénitentiaire qui mobilise à elle seule 75 % de la totalité des emplois qu’il compte créer dans le secteur de la justice pour l’année 2019. Le Gouvernement semble néanmoins avoir essayé de répondre aux revendications des magistrats et des greffiers puisqu’il a budgétisé une hausse des moyens des juridictions françaises. Le budget prévisionnel pour 2019 prévoit 192 emplois pour les juridictions, soit 100 magistrats et 92 au titre du personnel travaillant auprès du magistrat.
Un autre problème doit être également souligné : le maillage territorial des lieux de justice est de plus en plus menacé. Le Gouvernement a affirmé ne pas vouloir départementaliser les tribunaux de grande instance. Or, la rapporteure du projet de loi de programmation pour la justice à l’Assemblée nationale a fait adopter un amendement qui prévoit d’étendre le concept des spécialisations aux tribunaux limitrophes même s’ils ne font pas partie du même département. Cela contribue à la départementalisation des tribunaux de grande instance. De plus, l’encadrement du périmètre des spécialisations des tribunaux de grande instance est inexistant. Il est primordial de défendre une justice de proximité, humaine, accessible à tous et attentive aux plus faibles.
La situation de son département est préoccupante et elle souhaiterait avoir des réponses concrètes et rapides quant aux difficultés de fonctionnement des tribunaux d’instance et de grande instance de Nîmes. Comment venir en aide à ces tribunaux qui n’arrivent pas à pourvoir leurs postes vacants ? Le traitement des dossiers et la lourdeur des tâches administratives nécessitent que tous les postes soient pourvus. Aussi, elle lui demande quel avenir elle compte donner à un tribunal couvrant un territoire qui s’étend au-delà du département, avec l’Ardèche, mais aussi au-delà de la région Occitanie avec le département du Vaucluse.

Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 23/01/2019 – page 174

Mme Pascale Bories. Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance de Nîmes, qui ont trois postes non pourvus, alors que le nombre de postes dédiés à leurs juridictions n’est déjà pas suffisant.

Face à ces difficultés, ils se retrouvent dans une situation de blocage, dans laquelle les dossiers ne peuvent pas être traités dans des délais raisonnables et les délibérés ne peuvent pas être rendus en temps et en heure.

Le projet de loi de finances pour l’année 2019 prévoit une hausse des moyens alloués à la justice, dont la création de 1 300 postes supplémentaires. Cependant, le Gouvernement a choisi de mettre l’accent sur l’administration pénitentiaire, qui mobilise à elle seule 75 % de la totalité des emplois qu’il compte créer dans le secteur de la justice cette même année.

Le Gouvernement semble néanmoins avoir essayé de répondre aux revendications des magistrats et des greffiers, puisqu’il a budgétisé une hausse des moyens des juridictions françaises. En attendant ces mesures et les premiers effets du plan de transformation numérique et de simplification des procédures, la situation dans mon département demeure préoccupante et réclame une solution d’urgence, notamment pour permettre le remplacement des personnes qui sont en arrêt maladie – ce sont des postes comptés comme pourvus, mais pas occupés dans les faits.

Je tiens à aborder un autre problème : le maillage territorial des lieux de justice est de plus en plus menacé. Vous avez affirmé ne pas vouloir départementaliser les tribunaux de grande instance. Or la nouvelle lecture du projet de loi adopté à l’Assemblée nationale confirme l’extension du concept de spécialisation aux tribunaux limitrophes, même s’ils ne font pas partie du même département. Cela contribue à la départementalisation des tribunaux de grande instance. De plus, l’encadrement du périmètre des spécialisations des tribunaux de grande instance me semble particulièrement illusoire.

La situation de mon département est préoccupante. Je voudrais avoir des réponses concrètes quant aux difficultés de fonctionnement de ses tribunaux, difficultés qui concernent plusieurs communes. Comment venir en aide à des tribunaux locaux qui n’arrivent pas à pourvoir leurs postes vacants ou ceux qui sont non occupés en raison d’arrêts maladie ? Le traitement des dossiers et la lourdeur des tâches administratives nécessitent que tous les postes soient pourvus. Enfin, comment comptez-vous assurer une justice de proximité tout en spécialisant les tribunaux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Pascale Bories, je voudrais souligner en premier lieu que les moyens mobilisés pour la justice, tels qu’ils sont inscrits dans le projet de loi de programmation 2018–2022 que je reviendrai défendre devant vous prochainement, sont tout à fait considérables.

Pour l’année 2018, le budget de la justice est en augmentation de 3,9 %, ce qui est une première étape de la programmation que je mentionnais à l’instant qui prévoit une progression de près de 25 % de ce budget sur la période considérée.

Je rappelle en outre que, en 2019, le budget de la justice judiciaire représente 38 % du budget global et l’administration pénitentiaire, 39 %. L’écart que vous indiquez n’existe donc pas.

En 2018, 148 créations de postes dans les services judiciaires, dont 100 postes de magistrats, sont venues compléter les vacances de postes en juridiction et développer les équipes autour du magistrat. Cet effort se poursuit en 2019 avec la création de 192 emplois dans les juridictions.

S’agissant du tribunal de grande instance de Nîmes, seuls deux postes sont actuellement vacants, et non pas trois, en tout cas par rapport à la clef. Il y a peut-être des arrêts maladie, mais nous ne les connaissons pas au niveau national et il appartient alors à la Cour d’appel de répondre à cette situation par des postes placés.

Le projet de loi de programmation pour la justice renforce également l’implantation judiciaire existante. Je l’ai dit à plusieurs reprises, nous ne fermerons aucun tribunal.

La spécialisation, que vous évoquez et qui ne peut provenir que d’un projet territorial, ne concernera en aucun cas les contentieux de masse, qui sont traités par l’ensemble des juridictions et qui le demeureront. Elle ne pourra concerner que des contentieux très techniques, hautement spécialisés et de faible volume, comme cela est écrit dans le projet de loi en discussion. Cette spécialisation devra être organisée de manière équilibrée sur l’ensemble des tribunaux d’un même département.

En ce qui concerne la spécialisation interdépartementale que vous mentionnez, elle a été introduite dans le projet de loi pour répondre, à titre exceptionnel, à des demandes précises qui émanent de certains tribunaux – je pense notamment à ceux de Belfort et de Montbéliard. Il s’agit donc, je le répète, de cas tout à fait exceptionnels, qui ne visent pas tous les départements.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que je n’ai qu’une ambition : conforter l’ensemble des tribunaux existants. Les dispositions inscrites dans le projet de loi y pourvoient.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories, pour répondre à Mme la garde des sceaux.

Mme Pascale Bories. Je vous remercie des réponses que vous m’avez apportées, madame la garde des sceaux. Il est vrai que, lorsque j’ai préparé cette question orale, trois postes étaient non pourvus et qu’ils sont aujourd’hui au nombre de deux. Je rappelle toutefois que ce problème est aggravé par les arrêts maladie, car les postes concernés sont de facto vacants.

Je crois qu’il est important de rassurer les magistrats et la population, en particulier dans les départements ruraux, où la problématique de la proximité est essentielle. Une attention particulière doit être portée sur ce sujet.

Source: JO Sénat du 23/01/2019 – page 174

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