Situation actuelle de la condition militaire dans l’armée de terre

COMMISSION DES AFFAIRES éTRANGèRES,
DE LA DéFENSE ET DES FORCES ARMéES

JEUDI 21 JUIN 2001SITUATION ACTUELLE DE LA CONDITION MILITAIRE
DANS L’ARMéE DE TERRE

Après que M. Xavier de Villepin, président, eut rappelé l’importance qui s’attache au suivi du moral de nos armées à la suite de la mise en oeuvre de la professionnalisation, la commission a entendu une communication de M. Serge Vinçon sur les problèmes posés par la condition militaire dans l’armée de terre.

Se référant à de récents articles de presse, ainsi qu’aux propos de plusieurs responsables du commandement, M. Serge Vinçon a tout d’abord souligné que la question du moral et de la condition des armées devenait aujourd’hui de plus en plus souvent directement abordée.

Il a rappelé les inquiétudes exprimées, sur ce point, lors de la discussion de la loi de finances pour 2001, par la commission. Celle-ci avait en effet souligné, au-delà des problèmes liés à la réalisation des effectifs, à l’insuffisance des crédits de fonctionnement et à la dégradation de la disponibilité des matériels, le risque d’une évolution divergente, voire d’une rupture entre l’évolution des rémunérations et des conditions de vie dans les armées et dans le secteur civil.

Il a précisé que depuis lors, en sa qualité de rapporteur des crédits de l’armée de terre, il s’était attaché à porter une attention soutenue aux problèmes de la condition militaire. Il a notamment assisté à une réunion régionale de préparation du Conseil de la Fonction Militaire Terre (CFMT) et s’est rendu à l’inspection de l’armée de terre qui, au travers de ses multiples investigations, suit au jour le jour la situation et l’état d’esprit dans l’armée de terre.

Selon M. Serge Vinçon, les armées, et en particulier l’armée de terre, ont le sentiment que les considérables efforts de transformation imposés par la professionnalisation et les restructurations ne sont pas suffisamment connus et reconnus et ont été menés à bien dans une grande indifférence de la part de la communauté nationale.

Il a souligné que la motivation des personnels restait le métier de soldat, ajoutant que les actions d’aide à la population étaient bien acceptées, à condition qu’elles restent limitées dans la durée. Il a estimé que les personnels voulaient disposer des moyens matériels pour exercer leur mission.

Il a considéré que les sous-effectifs encore très importants influaient directement sur le fléchissement du moral. Il manquera, fin 2002, environ 2.000 personnels civils par rapport aux effectifs prévus et leurs emplois seront tenus par des militaires engagées volontaires, ce qui obligera l’armée de terre à mettre 70 unités élémentaires en sommeil. Au-delà de ses conséquences opérationnelles, cette mesure temporaire aura, selon M. Serge Vinçon, un impact psychologique fort, et bien entendu très négatif sur le moral.

M. Serge Vinçon a également souligné la lenteur de l’avancement du plan de modernisation des logements pour les engagés, le nombre élevé de matériels indisponibles, qui crée un véritable sentiment de paupérisation et, d’une manière générale, les insuffisances touchant aux moyens matériels, qui n’apparaissent pas à la hauteur des missions confiées, laissant aux militaires le sentiment que les arbitrages financiers sont systématiquement défavorables aux armées, parent pauvre des choix budgétaires.

M. Serge Vinçon a insisté sur les sujétions croissantes pesant sur la condition militaire, du fait de la réduction du format des armées, des opérations extérieures et des interventions sur le territoire national, qui ne sont pas suivies des compensations nécessaires au plan de la rémunération, des aides au logement ou de la prise en compte du célibat géographique. II a évoqué les états d’âme suscités par l’application des 35 heures dans le secteur civil, alors que la charge horaire des militaires de l’armée de terre reste beaucoup plus élevée.

Quant à la révision de la rémunération en opération extérieure, qui s’est traduite par une diminution du montant des indemnités, elle constitue, avec la limitation de la couverture invalidité-décès lors de ces missions, un autre motif d’insatisfaction, donnant l’impression que l’on cherche à tout prix à  » rogner  » systématiquement les compensations liées à ces missions pourtant très contraignantes. Constatant que l’absence de progrès sur une multitude de points de détails crée un sentiment d’injustice et d’irritation, M. Serge Vinçon, rappelant la discipline et la discrétion propres aux militaires, s’est demandé si certains d’entre eux ne viendraient pas à conclure qu’il faut  » faire du bruit  » pour être entendus. Il a estimé que l’incertitude sur la prochaine loi de programmation militaire renforçait ce climat de morosité dont on pouvait craindre qu’il provoque deux types de réactions : un abattement, néfaste pour la dynamique de l’engagement et la fidélisation des engagés, ou le départ des meilleurs éléments vers le secteur civil.

M. Serge Vinçon a apporté les précisions suivantes :

le sous-effectif en personnels civils provient pour une large part de la volonté de pourvoir les postes par redéploiement de personnels des arsenaux, alors que ceux-ci ne sont guère disposés à opérer une mobilité interne au sein du ministère de la défense ; au-delà du niveau global des rémunérations se pose un problème particulier d’écrasement de la hiérarchie entre les rémunérations des engagés volontaires et celles des sous-officiers en début de carrière ; l’armée de l’air et la Marine ont arrêté les incorporations, l’armée de terre s’étant pour sa part préparée à fonctionner sans appelés dès 2002.

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