Noisy-le-Roi. Gendarmerie : le dossier épineux de Seaade Besbiss (François Desserre)

Seeade Besbiss a 28 ans. Dans un ouvrage publié chez Fayard, elle vient de dénoncer un harcèlement sexuel et moral, alors qu’elle était affectée à la brigade de Noisy-le-Roi.

Seeade Besbiss a 28 ans. Dans un ouvrage publié chez Fayard, elle vient de dénoncer un harcèlement sexuel et moral, alors qu’elle était affectée à la brigade de Noisy-le-Roi. Son pesant récit a fait la une des journaux. Ce mardi 28 juin, la justice doit se prononcer suite à une plainte pour diffamation, déposée contre elle.

Enquête. Je voulais juste être gendarme. S’il y a bien une chose dont on ne peut douter, c’est la volonté de Seeade Besbiss d’intégrer la gendarmerie. Elle en a fait le titre de son livre. Sur la couverture, les mots en blanc frappent sur le fond rouge : Abus de pouvoir, sexisme, racisme : omerta dans la gendarmerie.

Au fil des 148 pages de son ouvrage, la jeune femme dénonce des actes dont elle aurait été victime, depuis son entrée à l’école de la gendarmerie, jusqu’à l’événement qui va tout faire basculer. Elle raconte qu’une nuit, en 2014, son supérieur hiérarchique lui aurait fait des propositions au cours d’une patrouille nocturne. « Comment ça se fait-il qu’une jolie fille comme vous soit célibataire ? » (…) « Une histoire d’un soir avec un officier, ça ne vous intéresse pas ? » Seeade Besbiss décline la proposition du lieutenant. Elle se décide à dénoncer les faits via la plate-forme interne de la gendarmerie Stop discrimination. Dans les mois qui suivront, elle rapportera d’autres déconvenues : insultes raciales, humiliations, rabaissement, voiture endommagée, intrusions dans sa vie privée…

Quel crédit porter au témoignage de Seeade Besbiss ? Est-il entièrement empreint de vérité ? Les faits de harcèlement sexuel qu’elle allègue ont fait l’objet de trois mois d’enquête, d’une soixantaine de pièces de procédure. Les deux protagonistes ont été entendus. Le dossier a été classé sans suite.

Via une source, dont nous préserverons l’anonymat absolu, il n’est même pas certain que la jeune gendarme soit partie en patrouille avec le lieutenant. « Rien dans l’informatique ne montre que tous les deux sont sortis cette nuit-là pour le service. Chaque départ et chaque retour d’un équipage sont toujours enregistrés. »

Beaucoup de questions…

Depuis l’été 2015, Seeade Besbiss est en arrêt longue maladie. Officiellement, elle ne faisait alors plus partie des effectifs de Noisy-le-Roi. « Elle a été placée pour gestion auprès de la Région. Elle est payée. Normalement, elle devait libérer son logement, ce qu’elle n’a pas fait. » Et de poursuivre : « Elle n’est plus gendarme d’active depuis la fin de son contrat, en janvier 2016. Elle occupe donc gratuitement, sans droit ni titre, un logement de l’Etat, un appartement de deux chambres. Elle prend la place d’effectifs qui pourraient renforcer la brigade de Noisy-le-Roi ». Notre source s’interroge : « Elle est harcelée, dénigrée et elle continue à vivre près de l’homme accusé… Pourquoi ne part-elle pas comme toute personne sensée ? Pourquoi ne dit-elle pas qu’une plainte a été déposée contre elle pour diffamation? Et il n’y a pas que le logement qui pose problème. Elle a toujours sa carte de gendarmerie et sa tenue officielle. Elle aurait dû rendre tout cela. Elle a trouvé une faille et a empêché quelqu’un de prendre sa place. »

Au cours d’une longue interview qu’elle nous a accordée, Seeade Besbiss s’est défendue de tout acharnement contre la gendarmerie.

Pourquoi, selon vous, n’existe-t-il aucune trace informatique de la patrouille de cette fameuse nuit ?

On a fait des recherches, mais rien n’a été trouvé. Je sais que les informations du système sont modifiables par un gradé. Tout le monde savait que j’étais partie en patrouille avec lui.

Pourquoi avoir fait publier ce livre ?

Au départ, je voulais régler cela en interne, car je voulais continuer à être gendarme. Je ne voulais pas entrer dans un conflit, d’autant que j’avais déjà reçu des lettres de félicitations. Mon avocat m’avait conseillé de porter plainte pour agression sexuelle. J’ai refusé. J’ai été surprise par la tournure que les choses ont prise.

Sur votre profil Facebook, vous avez publié des photographies et des vidéos. On vous y voit dans des tenues très sexy. Cela semble avoir posé problème.

Il est vrai que j’ai posé comme modèle photo pour un calendrier de voitures, entre autres choses. C’est quelque chose que j’aime bien faire. De plus, je suis passionnée par les sports mécaniques. En gendarmerie, tout ce qui est artistique est autorisé. J’avais signalé cette activité, comme il se doit. Il est vrai que ce sont des tenues très féminines. Peut-être est-ce une façon de me libérer de mon passé… Mon ex-mari m’interdisait cela et m’obligeait à porter des vêtements trop larges.

Et concernant les vidéos en boîte de nuit ?

J’aime bien aller danser, m’amuser comme tout le monde. On m’a accusé de travailler pour cette fameuse boîte de nuit car je portais des T-shirts ou des shorts à son nom. C’est faux. Ce sont des cadeaux qui étaient offerts à tout le monde, dès lors que l’on respecte le thème d’une soirée.

Dans votre dossier, on évoque également une activité de danseuse du ventre…

C’est une activité artistique pour m’amuser. Je ne touche jamais d’argent pour cela. On m’a même proposé de participer à une émission de télé. J’avais fait un rapport. Finalement, le tournage n’a pas eu lieu. Tout cela était au second plan de ma vie. C’était un exutoire. Et je ne faisais rien de mal.

La gendarmerie nationale vous avait choisie comme égérie pour illustrer une campagne de communication. Les images ont été retirées. Pensez-vous que c’est à cause de ces photos, ces vidéos, de toute cette histoire ?

A partir du moment où j’ai dénoncé, on m’a cherché des noises. En tenue, j’étais irréprochable. C’est une belle institution qui m’a honorée et que j’ai honorée. Je n’ai pas sali l’uniforme. Je n’ai rien fait de mal. Je n’avais pas à être jugée sur ma vie privée.

Vous affichez un certain train de vie : belle voiture, sorties, beaucoup de vêtements. Certains pourraient penser que vous avez d’autres revenus.

Pour la voiture, j’ai fait comme tout le monde. J’ai pris un crédit. Je ne gagne pas d’argent par un autre moyen. Je ne suis pas une prostituée. On cherche à me salir pour rien.

Depuis le mois de janvier, vous ne faites plus partie de la gendarmerie. Votre contrat a pris fin. Pourquoi restez-vous vivre à la brigade ? Pourquoi n’avez-vous pas encore rendu votre uniforme et votre carte de gendarmerie ?

J’ai fait une demande de sursis d’évacuation de six mois. En fait, j’attends une réponse pour un logement social à Noisy-le-Roi. J’ai vraiment envie de quitter la caserne. J’attends aussi l’attestation de mon employeur pour le chômage. Je n’ai toujours pas l’original. Et oui, je vais rendre mon paquetage, même si cela me rend triste.

Qu’allez-vous faire après tout cela ?

Si je le peux, je vais repasser le concours de la gendarmerie ou de la police. Je ne pense pas faire carrière comme modèle photo. Cela ne dure qu’un temps.

Avez-vous conscience que votre histoire n’est finalement qu’une parole contre une autre ?

Oui. Mais je n’ai pas de regret. Encore moins alors que d’autres femmes gendarmes m’ont écrit pour me dire qu’elles avaient vécu la même chose. Lorsque je serai reconnue comme victime, je tournerai la page. Cela peut prendre des années, mais je vais aller jusqu’au bout.

La gendarmerie : « Nous ne vivons pas dans l’omerta »

Pour la gendarmerie nationale, la situation est claire. Deux enquêtes ont été menées, l’une administrative, l’autre judiciaire. « Madame Besbiss a mis en avant sa vérité et ses convictions. Les deux enquêtes n’ont pas apporté la preuve qu’elle avait été victime de ce qu’elle a raconté », détaille le lieutenant-colonel Karine Lejeune, porte-parole de la gendarmerie.

Pour l’officier, l’affaire a été traitée avec le plus grand sérieux. « Le harcèlement est un sujet pour lequel nous sommes très sensibles et transparents. La gendarmerie peut avoir des problèmes, comme partout. Nous accompagnons les victimes en leur octroyant une protection, un avocat payé. Et quand les faits sont avérés, c’est tolérance zéro. Dans les cas les plus sérieux, c’est la porte. Les sanctions en interne peuvent aussi tomber. » Et l’officier de poursuivre : « Notre politique n’est pas d’étouffer les dossiers, de vivre dans l’omerta. En juin dernier, chacun des 100 000 personnels a d’ailleurs reçu un dépliant avec sa fiche de paie. Il est consacré au harcèlement, aux moyens de le dénoncer, aux risques pour les auteurs. »

Suite à ce livre, la gendarmerie a décidé de…

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