Discours de Jean-Yves Le Drian – Adresse aux soldats du 1er Régiment de chasseurs de Thierville-sur-Meuse – 23 février 2016

M. Jean-Yves Le Drian,
Ministre de la défense

Adresse aux soldats du 1er Régiment de chasseurs

Thierville-sur-Meuse, le 23 février 2016

– Seul le prononcé fait foi –

Monsieur le chef d’état-major de l’armée de Terre,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Officiers, sous-officiers, brigadiers chefs, brigadiers et chasseurs du 1er Régiment de chasseurs,
Mesdames et Messieurs,

Je dois dire, au moment de prendre la parole devant vous, qu’on ne peut être que saisi d’une grande émotion lorsque l’on arrive sur une terre chargée d’histoire comme peut l’être la vôtre. Je viens de me recueillir, ce matin, à la nécropole de Douaumont, dans ce lieu émouvant, qui porte le souvenir des centaines de milliers de vies qui se sont brisées au cours de la bataille de Verdun, dans le plus terrible affrontement que la Grande Guerre ait porté sur notre continent. C’était il y a cent ans, quasiment jour pour jour.

De plusieurs façons, l’Histoire nous ramène au présent, et je suis très heureux d’être avec vous aujourd’hui, à Thierville-sur-Meuse, au sein du 1er Régiment de Chasseurs. Tout ce que j’ai vu au cours de ma visite comme les différents échanges que j’ai pu avoir avec vous, m’ont laissé de fortes impressions – à commencer par le parcours en char Leclerc que je viens d’effectuer ! Une fois de plus, à votre contact, j’ai pris la mesure de l’excellence qui est la vôtre, mais aussi de votre engagement de tous les instants pour être au rendez-vous des grands défis de notre Défense.

*

Aujourd’hui, le premier de ces défis, c’est naturellement celui que nous pose le terrorisme d’inspiration djihadiste et qui suscite, depuis plus d’un an, la mobilisation de toutes nos forces, à la mesure de la situation exceptionnelle que nous connaissons.

Cela, vous le savez mieux que personne, car je n’oublie pas qu’une partie d’entre vous étiez, le 13 novembre au soir, directement engagés en appui des forces de sécurité intérieures pour réagir, en première ligne, aux attentats perpétrés à Paris.

Sentinelles, vous êtes engagés dans votre mission, celle de protéger le territoire et la population, quand surviennent des tirs à proximité de la zone où vous êtes déployés, à ce moment-là rue de Charonne mais également le Bataclan.

Rue de Charonne, vous apportez immédiatement et spontanément votre concours aux forces de sécurité intérieure et vous établissez un premier périmètre de sécurité salutaire. Un mode d’action éprouvé en opérations extérieures, qui montre le lien et la continuité. Un mode d’action qui protège et rassure la population, et permet de sécuriser l’intervention des services de secours – sapeurs-pompiers et urgentistes. Certains d’entre vous appuient l’action de ces derniers, en dispensant ponctuellement des soins et en participant à l’évacuation de blessés.

Au Bataclan, avec le même courage et une réactivité également exemplaire, vous déployez un dispositif de sécurité identique. A cette différence près, qu’une prise d’otages est toujours en cours. Durant ces heures dramatiques, en liaison avec le RAID, vous tenez la position et sécurisez la mise en place des forces d’intervention, jusqu’au déclenchement de l’assaut.

Enfin, et c’est non moins admirable, dès le lendemain matin, malgré une nuit éprouvante, vous reprenez, avec le plus grand professionnalisme – et je peux directement en témoigner – votre mission de protection dans les rues de la capitale.

Votre bravoure, votre sang-froid et votre dévouement ont été particulièrement remarqués à cette occasion. Pour cela, je tenais, comme je l’avais fait le 20 novembre dernier, lorsque j’avais rencontré le 3e escadron à la mairie du 11e arrondissement, à vous féliciter, personnellement et chaleureusement, devant vos élus et devant vos chefs.

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Je retiens de ma visite que votre régiment, aujourd’hui, est parfaitement opérationnel. J’ai vu aussi que c’est un régiment fier de son histoire. Je sais que vous êtes animé par des valeurs collectives qui font toute votre force.

Car votre régiment possède des racines anciennes. Créé en 1651, c’est l’un des plus anciens que comptent nos armées. Il s’est illustré dans de nombreuses batailles, parmi les plus belles : à Valmy fondatrice de la République en armes, mais aussi à Austerlitz, comme le rappelle le soleil de votre insigne, ou encore à Wagram et à la Moskova. Il a connu les deux Guerres mondiales, Diên Biên Phu et l’Afrique du Nord.

Equipé de chars Leclerc depuis 2005, votre régiment a participé à toutes les opérations extérieures dans lesquelles l’armée de Terre a été engagée. Hier, c’était en Bosnie, au Kosovo, au Liban, au Tchad, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan et au Mali. Belle liste ! Aujourd’hui, c’est au Niger, en Centrafrique mais aussi de nouveau au Liban, dans le cadre des opérations Barkhane et Sangaris. J’ai eu l’occasion, je crois, de croiser certains d’entre vous sur ces différents théâtres.

Aujourd’hui, vous accomplissez votre devoir sur le territoire national, dans l’opération Sentinelle, comme vous le faites quand vous êtes projetés en opérations extérieures. Vous avez ainsi effectué plus de vingt détachements entre janvier 2015 et maintenant. Et à l’instar de vos frères et soeurs d’armes des autres régiments de l’armée de terre, en 2016, vous serez de nouveau massivement engagés.

Pour répondre à la hausse de cet engagement durable qui est la continuité de l’engagement en opération extérieure. Je le redis à chaque intervention parce qu’il importe que chacun s’en rende bien compte, c’est la même armée qui agit à l’extérieur et à l’intérieur parce que c’est le même adversaire et c’est la même sécurité. C’est dans cet esprit, qu’à la demande du Président de la République, j’ai décidé de porter la force opérationnelle à 77 000 hommes, elle était à 66 000. Cette mesure a été traduite par votre chef d’état-major, le général Jean-Pierre Bosser, par une densification des régiments. Pour votre régiment, le traduction concrète c’est la création d’un nouvel escadron de combat, le 15 janvier dernier. Je me félicite de cette évolution, qui est aussi une marque de confiance de la Nation à l’égard de ceux qui la défendent si bien.

*

En soulignant avec force l’engagement qui est le vôtre, je tiens à souligner combien la sécurité de la France se joue à la fois sur le théâtre national et à l’extérieur de nos frontières. Je sais les sacrifices qui peuvent être imposés, les déséquilibres qui ont en été les conséquences. L’armée de Terre, aujourd’hui, doit provisoirement accepter certains renoncements, qui ont pour conséquence une érosion relative et momentanée de sa préparation opérationnelle. La montée en puissance de la FOT qui va se prolonger jusqu’au milieu de l’année 2017 permettra d’y remédier mais la phase est difficile et contraignante.

A cela, je suis particulièrement attentif, comme je le suis à l’égard du moral des soldats, le vôtre, et celui de vos familles. Vos conditions de travail font l’objet de toute mon attention : c’est la raison pour laquelle des mesures d’amélioration des conditions de déploiement et d’indemnisation de l’opération Sentinelle ont d’ores et déjà été prises, au cours de ces derniers mois. D’autres vont être prises parce que nous sommes dans une nouvelle donne, une donne qui est inscrite dans la durée. Sentinelle n’est pas une opération pour une année parce que l’adversaire est là et il est là, malheureusement, pour encore du temps. Je sais combien cela peut engendrer de contraintes pour vous.

Avec l’accroissement du rythme et de l’intensité de ces opérations, le régiment a acquis la culture du développement de nouvelles capacités. Dans sa mission, il possède et combine en permanence puissance de feu, mobilité et protection. Ses maîtres mots sont polyvalence et réversibilité. Ce séjour parmi vous m’a permis de découvrir le centre de simulation extrêmement moderne dont vous êtes doté. Il contribue de manière intelligente à la préparation opérationnelle des équipages, d’autant que le génie français a su l’adapter pour en tirer des ressources inattendues. Cette efficacité plus grande est, à la mesure des enjeux actuels, un gain de temps précieux et une source du maintien de votre qualification.

En saluant votre efficacité professionnelle, je veux aussi remercier tous les corps de métiers qui concourent, ensemble, à ce même objectif. Je pense en particulier au personnel de maintenance ; mais aussi et plus largement à l’ensemble du personnel qui agit dans les domaines de la logistique, de la sécurité et de l’administration. Tous contribuent à la réussite des missions, quelles qu’en soient les conditions souvent difficiles et exigeantes.

Pour remporter les succès qui nous attendent encore, votre régiment doit impérativement préserver cette main d’œuvre très qualifiée de spécialistes, dont la rigueur et le professionnalisme contribuent de manière capitale à une préparation opérationnelle de qualité. Tous, vous avez l’amour du matériel sur lequel vous servez. C’est ainsi que votre unité est un régiment solide dans les défis qu’il a dû relever, déterminé dans les missions qui lui sont assignées, et toujours prêt à innover pour faire face à celles qui se présentent.

*

Vous me permettrez de conclure en revenant à l’Histoire. Il y a cent ans presque jour pour jour, la France et l’Allemagne s’engageaient dans la plus dramatique épreuve de leur histoire commune. Pour notre pays, c’est le lieutenant-colonel Driant et ses chasseurs à pied, tombés au bois des Caures, et ensevelis sur les lieux de leur trépas, qui ont marqué le début de la bataille de Verdun, sous un orage d’acier qui a d’abord écrasé nos défenses. Mais comme le souligne votre devise, « Nec terrent, nec morantur », ni peur, ni trépas, cet orage n’a pas entamé la volonté de résister de nos valeureux poilus.

Cent ans après, nous devons nous souvenir de leurs combats. Au cours de cette année 2016, le centenaire de la Première Guerre mondiale permettra d’honorer le souvenir de ces millions de Français et d’Européens, nos aînés, dont les vies ont été à jamais bouleversés par la guerre, mais aussi d’entendre à nouveau leurs voix, d’écouter les messages qu’elles portent au présent. Celui de la paix et de la sécurité, celui de la solidarité européenne, s’imposent plus que jamais à nous. Ils guident notre action.

Ils doivent aussi guider la vôtre, parce que vous êtes à l’avant-garde des combats que nous menons.

*

A chaque fois que je me rends sur le terrain au contact de nos forces, je repars encore plus fier d’être votre ministre, et je peux vous dire que je le suis tout particulièrement aujourd’hui.

Je veux conclure en vous disant une nouvelle fois mon admiration et mon soutien devant l’engagement qui est le vôtre. Bravo à vous, vous avez ma confiance et vous pouvez plus que jamais compter sur moi.

Vive la République ! Vive la France !

Source: Ministère de la défense.

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