Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires

Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

 

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, (nos 1278, 2880, 3099).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de remercier la rapporteure, Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le remarquable travail qu’elle a accompli afin d’améliorer le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Remarquable, en effet.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le texte que nous vous présentons aujourd’hui comporte soixante et onze articles au lieu des vingt-cinq prévus par la lettre rectificative au projet de loi déposée le 17 juin dernier. C’est en partie dû au souhait de la rapporteure de réintégrer certaines des dispositions du projet de loi initial. Cela a eu pour effet de réduire le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances – ce qui est, en général, apprécié par le Parlement.

L’examen de ce texte s’inscrit dans une actualité marquée, comme vous le savez, par des critiques adressées à nos fonctionnaires et visant, malheureusement, notre modèle de fonction publique.

M. Jean-Luc Laurent. Hélas.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’actualité, dans le sud-est de la France ou, plus récemment encore, en Seine-Saint-Denis, nous rappelle que l’engagement de tous les fonctionnaires, qu’ils soient agents de l’État, affectés aux services de secours ou de police, ou alors membres de la fonction publique hospitalière ou territoriale, est sans faille quand il faut protéger, soigner ou reconstruire la vie publique. Car, même si on l’oublie souvent quand tout va bien, on n’hésite pas à appeler la fonction publique à l’aide, parfois d’ailleurs plus que de raison, quand la situation s’aggrave.

J’aimerais compléter l’évocation de ces faits, qui parlent pourtant d’eux-mêmes, en rappelant que nos services publics produisent de la valeur, participent à la création de richesse au sein de l’économie nationale et contribuent puissamment à la préservation du lien social et de la cohésion nationale.

Mme Cécile Untermaier et M. Jean-Luc Laurent. Très juste.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je veux redire qu’un fonctionnaire doit toujours s’adapter, être mobile et porter une démarche d’amélioration permanente du service rendu. À cet égard, face aux défis immenses que doit relever notre pays, notre modèle de fonction publique, qui sait aussi donner une place aux agents qui n’ont pas le statut de fonctionnaire – comme c’est le cas, par exemple, dans notre laboratoire Etalab – conserve bien évidemment toute sa pertinence.

J’aimerais ensuite souligner que les agents publics sont bien souvent les premiers, et les plus exigeants, à revendiquer un service public de meilleure qualité. C’est pourquoi les hommes et les femmes qui assurent au quotidien les missions du service public ont droit à notre respect autant qu’à notre gratitude.

Enfin, je rappellerai, pour reprendre le titre d’un récent ouvrage de Pierre Rosanvallon, qu’il n’y a pas de bon gouvernement sans une bonne administration.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est exact. Absolument.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans tous les cas, la confiance de nos concitoyens dans la légitimité de l’action publique est fondée sur le respect de la morale publique ainsi que sur l’intégrité des élus et des agents publics.

À ce titre, le projet de loi qui vous est soumis est fondamental dans la mesure où il traduit tout à la fois l’attachement, la confiance et l’exigence du Gouvernement et de la nation envers les agents publics. Il a pour ambition de renforcer cette relation de confiance qui attache nos concitoyens à leur fonction publique et à ceux qui la portent, les fonctionnaires.

Mesdames et messieurs les députés, à travers ce texte, c’est la qualité même du service public qui se voit consolidée. C’est l’action publique unique, conduite par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics hospitaliers, qui se trouve réaffirmée à travers les agents qui la servent.

Les dispositions contenues dans ce projet de loi visent en effet à traduire la République en actes. Il n’y a pas de service public sans valeurs constitutives. Avec ce texte, nous rappelons que les agents publics, au travers des droits et des devoirs qui sont les leurs, portent et font vivre les valeurs républicaines. C’est pourquoi ce projet de loi consacre le principe de laïcité, défini à son article 1er. Ce principe est une des valeurs fondamentales de notre République. Aussi, on ne saurait transiger avec la laïcité dans les services publics et chez les fonctionnaires.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est aussi pourquoi le principe d’intégrité a été ajouté aux autres obligations et principes déontologiques de la fonction publique que sont l’impartialité, la probité et la dignité, car le crédit que nos concitoyens, qui sont aussi des usagers des services publics, accordent à l’action publique dépend de l’exemplarité même de nos agents publics. Il n’y a pas d’action publique sans exemplarité.

Le projet de loi instaure un dispositif qui vise à développer une culture de la déontologie dans nos administrations : élargissement du périmètre des agents soumis à déclaration d’intérêt et déclaration de situation patrimoniale ; élargissement du rôle de la commission de déontologie ; obligations nouvelles mises à la charge des agents publics et des employeurs. Pour que ces valeurs soient incarnées au mieux par les fonctionnaires, il faut que nos concitoyens aient la garantie et la conviction que les décisions prises par les administrations sont uniquement fondées sur l’intérêt public.

C’est pourquoi il faut anticiper les éventuels conflits d’intérêts. Le texte que nous proposons s’y attache et la rapporteure a démontré l’importance de cet objectif, qui me semble atteint. Ce texte renforce les outils de prévention des conflits d’intérêts relatifs aux agents publics. Il assigne un rôle spécifique au supérieur hiérarchique, responsable du contrôle déontologique des missions exercées par les agents placés sous son autorité. La déontologie dans la fonction publique doit devenir l’affaire de tous. En outre, il accorde aux fonctionnaires un nouveau droit statutaire : ils pourront désormais saisir des référents déontologues. Parallèlement, les pouvoirs de la commission de déontologie de la fonction publique se trouvent renforcés : elle disposera de nouveaux pouvoirs d’instruction, et tous ses avis lieront l’administration. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit bel et bien de conforter l’exemplarité de la fonction publique.

Toujours sur ce sujet, le texte améliore l’articulation des compétences entre la commission de déontologie et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – HATVP. J’ai mesuré, madame la rapporteure, la difficulté du sujet. Vous avez été quelques-uns à exprimer, pendant les débats en commission, des doutes sur l’intérêt de maintenir un dispositif propre à l’administration, alors que nous avons créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en 2013. Permettez-moi de revenir sur ce point.

La situation des élus, des ministres et de leurs collaborateurs proches, qui relèvent de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, est très différente de celle des fonctionnaires. Les élus n’ont pas de supérieur hiérarchique. Les titulaires d’emplois à la décision du gouvernement et les membres de cabinet, qui ne sont pas nécessairement des fonctionnaires, dépendent directement d’un ministre dont le mandat est provisoire – j’allais dire éphémère. Dans ces conditions, il est nécessaire de faire appel à une autorité administrative indépendante. Tel n’est pas le cas pour les fonctionnaires, qui ont un lien durable avec leur administration, sont soumis à l’autorité d’un supérieur hiérarchique et encourent des sanctions disciplinaires en cas de manquement.

De cette différence de situation résulte notre proposition de maintenir la commission de déontologie. Au cours des discussions, il est apparu que nous devions améliorer les relations entre les deux organisations et permettre à la commission de saisir la Haute Autorité. C’est le sens des amendements que nous vous proposons pour améliorer le mécanisme sans encombrer la Haute Autorité d’un certain nombre de dossiers qui peuvent être réglés en amont par la commission de déontologie.

Pour renforcer l’exemplarité de la fonction publique, j’ai tenu à ce que la procédure disciplinaire soit la même pour tous les fonctionnaires, quel que soit le versant – État, collectivités territoriales ou établissements hospitaliers – dont ils relèvent. Les propositions que vous avez faites au Gouvernement s’inscrivent dans l’esprit du texte et nous les approuvons, à une nuance près toutefois : votre commission a prévu, pour les trois fonctions publiques, l’exclusion temporaire de fonctions de trois jours, lesquels ne seront donc pas rémunérés. Le sujet est délicat. Là encore, nous aurons des débats et j’espère que nous trouverons un consensus, car il s’agit d’une sanction très forte mais classée parmi les sanctions très faibles.

Par ailleurs, à l’heure actuelle, il n’existe pas de délai de prescription des fautes des agents publics. Le texte qui vous est proposé prévoit, sur votre initiative, d’instaurer un délai de prescription de trois ans. En outre, ce texte consolidera la protection des fonctionnaires – j’y tiens particulièrement – et notamment de ceux qui, lanceurs d’alerte, relateront des faits pouvant être qualifiés de conflit d’intérêts, après avoir alerté en vain leur hiérarchie.

Exemplarité des agents publics encore avec l’encadrement des possibilités de cumuls d’emplois. Ce projet de loi rappelle que les agents publics doivent consacrer leur temps de travail exclusivement à l’exercice de leur mission. La restriction des possibilités de cumul ayant fait débat, le Gouvernement a déposé des amendements de manière à revenir à un plus juste équilibre et à permettre notamment aux agents de catégorie C de bénéficier d’un complément de rémunération. On sait que beaucoup d’agents de catégorie A et A+ peuvent s’assurer des revenus complémentaires par exemple en donnant des cours ou des conférences, et il serait injuste de priver les autres catégories de cette possibilité. Je me montrerai donc ouverte à une discussion sur le cumul d’activités, dans la mesure où sera maintenu l’équilibre entre le principe d’exercice exclusif des fonctions, la stricte application des règles déontologiques et de non-conflit d’intérêts et enfin les souplesses nécessaires. L’accord de la hiérarchie en responsabilité dans l’organisation des services doit aussi être préservé.

Par ailleurs, il convient de renforcer l’exemplarité des employeurs publics. À ce titre, j’ai souhaité que ce projet de loi contribue à l’amélioration de la situation des contractuels. Le dispositif de résorption de la précarité prévu par la loi du 12 mars 2012 dite loi Sauvadet sera prolongé jusqu’en mars 2018 pour les personnes éligibles à une titularisation comme agent de la fonction publique. De même, le texte étend aux agents contractuels l’essentiel des droits et obligations des fonctionnaires, ce qui traduit la reconnaissance par le Gouvernement de toute la valeur que ces agents apportent aux services publics.

Exemplarité, enfin, en donnant une traduction concrète au principe d’égalité d’accès à la fonction publique. Dans les trois versants, le recrutement direct dans la catégorie C sera ainsi encadré afin de garantir l’objectivité et la transparence des décisions de recrutement, ce qui soulagera également, disons-le, certains jurys qui subissent trop de pression, comme cela arrive fréquemment en période de fort chômage.

Voici, résumées à grands traits, les ambitions de ce projet de loi. Avant de céder la place à vos interventions, permettez-moi d’évoquer l’actualité de la fonction publique. Comme vous le savez, le Gouvernement a choisi de mettre en application le protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations – PPCR. J’ai conduit une longue négociation avec l’ensemble des employeurs publics, dont je salue la présence à de si nombreuses réunions, et l’ensemble des partenaires sociaux, qui ont beaucoup travaillé. Le projet de protocole a recueilli presque autant de signataires – six organisations syndicales : CFDT, UNSA, FSU, CFTC, CGC et FAFP, représentant 49 % des voix – que de non-signataires – trois organisations. À situation inédite, réponse exceptionnelle : le Gouvernement a décidé d’honorer l’intégralité des engagements qu’il a pris afin de donner des perspectives de carrière à nos fonctionnaires.

Pourquoi cette décision ? Parce qu’il n’y a pas, j’en reviens à mon introduction, de « bonne administration », de service public efficace, sans des agents publics motivés, investis et responsables. De ce fait, l’État, et les employeurs publics en général, s’ils veulent attirer les talents et les compétences dont les services publics ont besoin, doivent proposer aux agents publics des parcours professionnels et aussi des rémunérations attractives. C’est l’objet de l’accord PPCR, dont je dois rappeler que s’il n’est pas mis en œuvre, une infirmière recrutée au niveau licence se verrait, en 2017, quasiment payée au SMIC, de même qu’un professeur embauché en 2018.

L’habilitation à légiférer par ordonnances que vous demande le Gouvernement permettra d’assurer une partie de cette mise en œuvre. Entre autres, elle facilitera les mobilités professionnelles entre les différents versants de la fonction publique et permettra de réformer les dispositifs concourant à l’attractivité des territoires.

J’insiste sur la mobilité professionnelle car trop de clichés sont véhiculés à ce sujet. Le fonctionnaire bénéficie d’une garantie non pas d’emploi, mais de carrière. Si son emploi est supprimé, contrairement au salarié du privé qui peut discuter d’un licenciement économique ou, si j’ose dire, d’un licenciement à l’amiable, lui ne le peut pas. Il doit accepter un emploi ailleurs. Or nous avons constaté que des mobilités fonctionnelles étaient possibles dans les territoires, y compris dans le contexte de la réforme territoriale. Il faut les encourager, les faciliter, et donc accompagner les chefs de service dans le choix et la mobilisation des fonctionnaires, mais aussi assurer la formation. Bref, c’est un dossier extrêmement lourd mais qui est très peu évoqué car les clichés masquent trop souvent la réalité.

Enfin, ce protocole permettra également de prendre des dispositions visant à renforcer l’unité de la fonction publique. En ce sens, l’accord s’inscrit dans la droite ligne des choix opérés en 1946 et en 1983 pour le statut de nos fonctionnaires.

Mesdames, messieurs les députés, les fonctionnaires ne sont pas une charge pour la nation, mais sa chance. Ce texte est porteur d’une grande ambition pour la fonction publique parce qu’il garantit les missions des agents publics et surtout le respect des valeurs républicaines et parce qu’il assure à nos concitoyens un service public exemplaire. On l’oublie trop souvent, consciemment ou inconsciemment : la fonction publique assure non pas la solidité de l’État, mais celle de la nation, ce qui est beaucoup plus important. En ces temps difficiles, il est bon de le rappeler.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je suis ravie de vous retrouver pour l’examen de ce projet de loi qui est d’importance, non seulement pour notre fonction publique mais, au-delà, pour l’action publique au sens large, pour son exemplarité et son efficacité. Ce texte est le premier et sans doute le seul de notre législature pleinement consacré aux fonctionnaires, qui forment le corps de la République. C’est un sujet qui tient à cœur, je le sais, aux députés présents.

Déposé en juillet 2013, il y a plus de deux ans, le projet de loi s’inscrivait dans un contexte marqué à la fois par les initiatives prises en matière de transparence de la vie publique et par l’anniversaire des trente ans du « statut », dont le socle a été posé par la loi dite Le Pors du 13 juillet 1983. En conséquence, il portait principalement, mais pas exclusivement, sur la déontologie, d’une part, et sur les droits et obligations d’autre part.

Un peu plus de deux ans plus tard – deux ans qui m’ont permis de mener de nombreuses auditions et consultations – et après le dépôt d’une lettre rectificative en juin 2015, la discussion parlementaire est enfin engagée. C’est là l’occasion pour la représentation nationale d’avancer dans la sérénité et le sérieux, loin des clichés et des stratégies politiciennes qui ont trop souvent visé ces dernières années les fonctionnaires. Trop souvent, le statut a été instrumentalisé pour monter les Français contre les agents publics alors même qu’il a été conçu pour s’assurer que ces derniers étaient bien d’abord au service des citoyens et non des intérêts des uns ou des autres.

Soyons à la hauteur des enjeux qui sont ceux du quotidien des femmes et des hommes qui composent les rangs de la fonction publique avec un sens du dévouement et de l’intérêt général auquel je rends hommage. Le moment dans lequel nous nous inscrivons est important puisque nous sommes entrés, notamment avec les lois relatives à la réforme territoriale, dans une phase de très forte évolution de nos organisations. Il nous faut réussir à accompagner ce mouvement qui s’opère sous le regard vigilant et exigeant de nos concitoyens.

Les membres de la commission des lois ont considérablement amélioré le projet de loi afin, notamment, de faire progresser la justice sociale, dans le respect des prérogatives du Parlement. Je salue à cet égard le Gouvernement, et particulièrement la ministre, pour la qualité d’écoute et de dialogue dont elle a fait preuve vis-à-vis de nos propositions.

Sans revenir sur le détail du texte, je souhaiterais concentrer mon propos sur les apports de la commission des lois, qui a adopté 151 amendements, dont 46 articles additionnels, portant le texte de vingt-cinq à soixante et onze articles.

La commission a tout d’abord réaffirmé et précisé les exigences déontologiques incombant aux fonctionnaires. Elle a renforcé la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte, en facilitant le signalement d’un conflit d’intérêts touchant le supérieur hiérarchique direct et en ajoutant les futurs référents déontologues parmi ses possibles destinataires. Sur proposition des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, elle a confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique plutôt qu’à la commission de déontologie de la fonction publique le soin d’apprécier la réalité d’une éventuelle situation de conflit d’intérêts touchant un fonctionnaire, sur saisine de l’autorité hiérarchique.

Sur ma proposition, la commission a également prévu des sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère des intérêts ou du patrimoine d’un fonctionnaire et renforcé les moyens de contrôle de la Haute Autorité sur les déclarations de situation patrimoniale des fonctionnaires. Elle a permis les échanges d’informations entre la commission de déontologie et la Haute Autorité et rétabli la présence des deux membres représentant chacune des fonctions publiques au sein de la commission de déontologie.

La commission des lois a étendu l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de patrimoine aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet de l’ensemble des exécutifs locaux déjà soumis à la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Le seuil des collectivités concernées, qui était prévu initialement à 80 000 habitants, a été abaissé à 20 000. Ce sont ainsi 419 communes, au lieu de 52, et 622 EPCI à fiscalité propre, au lieu de 156, qui se verraient appliquer ces dispositions.

Enfin, la commission des lois a défini le cadre déontologique applicable aux membres des juridictions administratives et financières, qui devait normalement faire l’objet d’ordonnances.

La déontologie est loin d’être le seul objet du projet de loi. Sa portée est bien plus large : le texte adopté par la commission des lois propose plusieurs avancées statutaires importantes que je tiens à souligner.

Le projet de loi initial prévoyait déjà d’améliorer la situation des agents non titulaires, en renforçant notamment l’encadrement du recours au contrat et en prenant mieux en compte leur ancienneté. Il proposait aussi d’étendre la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles et d’instaurer des mesures concrètes pour améliorer les garanties des agents en matière disciplinaire, en instaurant un délai de prescription là où l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire était la règle.

Le travail de la commission des lois sur le volet statutaire a permis d’améliorer très largement le statut des agents de la fonction publique.

À mon initiative, la commission a réintroduit les dispositions du projet de loi initial relatives à la mobilité des fonctionnaires. Elle a donc clarifié les positions statutaires pour les rendre communes aux trois fonctions publiques et simplifié la structure des corps et cadres d’emplois autour de trois mêmes catégories hiérarchiques – A, B et C. Elle a en outre encadré et sécurisé les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire.

En conséquence, le champ de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur ces sujets a été sensiblement restreint, tout en laissant une marge de manœuvre au Gouvernement pour traduire dans la loi les mesures issues du dialogue social.

À mon initiative, la commission a également tiré les conséquences de la loi du 12 mars 2012 en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les différentes instances de la fonction publique. Elle a donc actualisé les dispositions statutaires pour y introduire l’obligation de respecter une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe dans toute une série d’instances de niveau territorial ou national, que je n’ai pas le temps de vous citer. Elle a également réformé le congé pour maternité ou pour adoption et le congé de paternité et d’accueil de l’enfant des agents publics afin de favoriser l’exercice conjoint de la parentalité entre les hommes et les femmes au moment de la naissance ou de l’adoption.

À mon initiative et à celle du Gouvernement, la commission a par ailleurs renforcé les obligations des employeurs publics vis-à-vis de leurs agents. Elle a permis de mieux protéger l’identité des membres des forces spéciales et de leur appliquer certains bénéfices du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Elle a aussi étendu le champ d’application de l’action sociale aux établissements publics de coopération intercommunale et permis aux médecins de prévention qui le souhaitent de poursuivre leur activité jusqu’à l’âge de soixante-treize ans.

Par ailleurs, la commission a adopté plusieurs amendements visant à renforcer l’efficacité de la procédure disciplinaire. Elle a précisé le point de départ du délai de prescription de l’action disciplinaire et l’a aligné sur celui de l’action publique pour les crimes et les délits. Elle a généralisé au sein des sanctions du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions, pour une durée maximale de trois jours, et supprimé la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale, à l’identique des deux autres fonctions publiques.

À mon initiative ou à celle du Gouvernement, la commission a renforcé les droits syndicaux des agents publics. Elle a étendu le périmètre de la mutualisation des droits syndicaux dans la fonction publique territoriale. Elle a modifié les modalités de calcul de la règle de l’accord majoritaire dans la fonction publique afin de ne prendre en compte que les suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales habilitées à négocier et à signer un accord. Elle a amélioré les garanties de carrière des agents exerçant une activité syndicale dans la fonction publique et introduit un nouveau congé de formation de deux jours au profit des représentants du personnel membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Sur proposition de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la commission a amélioré la situation des lauréats dits « reçus collés » en ne décomptant plus les missions de remplacement effectuées par des agents non titulaires, lauréats des concours de la fonction publique territoriale, de la période d’inscription sur liste d’aptitude et en prolongeant d’un an la validité de cette durée d’inscription. Je veux saluer à cette occasion le travail mené depuis plusieurs mois sur cette question par notre collègue Chantal Guittet.

Sur ma proposition ou celle du Gouvernement, la commission a adopté plusieurs amendements visant à améliorer la situation des agents non titulaires en adaptant aux agents contractuels les mesures de protection des lanceurs d’alerte introduites au titre Ier du présent projet de loi, en abrogeant la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale, en généralisant le primo-recrutement en contrat à durée indéterminée pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires, et en prolongeant de deux ans le plan de titularisation des agents non titulaires mis en place dans le cadre de la loi Sauvadet.

Enfin, à mon initiative, la commission a réintroduit la plupart des dispositions figurant dans la version initiale du projet de loi et relatives aux évolutions statutaires des membres des juridictions administratives et financières. Elle a également adopté quelques mesures nouvelles, en instaurant une nouvelle procédure de référé en formation collégiale pour permettre aux juridictions administratives de juger en urgence les affaires les plus complexes, comme l’affaire « Lambert », en rendant plus accessible aux agents contractuels employés par la Cour des comptes la fonction de rapporteur extérieur ou celle de conseiller référendaire au tour extérieur à la Cour, et en supprimant une incompatibilité de fonction qui n’apparaissait plus justifiée.

En conséquence, le champ de l’habilitation prévu à l’article 25 pour faire évoluer l’organisation des juridictions administratives et financières ainsi que le statut de leurs membres a été restreint, tout en laissant la possibilité au Gouvernement de tirer les conséquences des accords pouvant survenir du fait des avancées du dialogue social au sein de ces juridictions.

Enfin, sur une initiative du Gouvernement dont je me réjouis, la commission a adopté une nouvelle habilitation de codification du droit de la fonction publique, pour le rendre plus accessible.

Je souhaite que nos travaux, aujourd’hui et vendredi, permettent d’améliorer encore ce texte. C’est dans cet esprit que je vous proposerai un certain nombre d’amendements sur les points encore en débat. Je pense ainsi au cumul d’activités. Si je souscris pleinement à la proposition du Gouvernement de mettre un terme à un certain nombre de dispositions et de pratiques, il me semble indispensable de ne pas interdire les activités tout à fait acceptables sur le plan déontologique, ce qui pourrait pénaliser les agents publics aux revenus les plus modestes.

Au-delà de cette question, je tiens à attirer votre attention, madame la ministre, sur un certain nombre de sujets plus spécifiques qui, tout en s’inscrivant dans le champ de la fonction publique, relèvent de cas particuliers qui n’entrent pas dans le périmètre de ce projet de loi. Je pense en particulier aux agents de Pôle Emploi ou de l’administration pénitentiaire, et aux agents dits reclassés de La Poste et de France Télécom. Nous devrons répondre à ces situations.

Si, à titre personnel, j’aurais souhaité que le présent texte de loi nous permette d’aborder plus largement les sujets relatifs la fonction publique, je suis convaincue qu’il fera date. Il permettra que les règles de déontologie irriguent l’action publique et que le dialogue social progresse, ainsi que l’égalité entre les hommes et les femmes et l’exemplarité des employeurs.

Ce projet de loi est une marque de confiance à l’endroit des fonctionnaires pour qu’ils fassent vivre les principes de notre République et l’efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens. À nous de leur fournir les outils leur permettant d’assumer cette belle mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce projet de loi représente l’unique occasion, sous cette législature, d’évoquer les droits et obligations des quelque 5,6 millions de fonctionnaires et agents publics que compte notre pays.

En abandonnant, il y a plus de cinquante ans, le concept de fonction publique d’emploi au profit d’une fonction publique statutaire, le législateur a clairement établi les bases de ce qui fait aujourd’hui la spécificité de notre service public. L’accomplissement de missions d’intérêt général n’est pas une activité professionnelle comme les autres. Cette spécificité exige de nos agents exemplarité et respect de la déontologie.

Ainsi, madame la ministre vous attribuez à ce projet de loi plusieurs objectifs : réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique, actualiser les obligations et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires et renforcer l’exemplarité des employeurs publics. Ce projet de loi est aussi présenté comme la transposition à la fonction publique des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, avec le même objectif, pour le moins ambitieux, de restaurer la confiance des citoyens dans la puissance publique.

Le Gouvernement semble retomber sur les mêmes écueils que pour les lois relatives à la transparence, à savoir la publication des déclarations et la protection des lanceurs d’alerte. Ces lois présentaient en effet, aux yeux du groupe UDI, deux défauts principaux : considérer, d’une part, que les déclarations pouvaient dissuader le fraudeur et instaurer, d’autre part, des lanceurs d’alerte qui s’apparentent parfois davantage à des délateurs en puissance qu’à des défenseurs du bien commun. C’est avec regret que nous retrouvons ces défauts dans le présent texte.

Au-delà de ces réserves, le projet de loi qui prévoit, trente après la loi Le Pors de 1983, de rénover les conditions de l’action publique en modernisant le statut général des fonctionnaires va globalement dans le bon sens.

Dans la lettre rectificative, un grand nombre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi initial étaient absentes, remplacées par de nombreux renvois à des ordonnances. Nous nous félicitons que la commission ait permis, à l’initiative de Mme la rapporteure, de réintroduire la plupart de ces mesures dans le texte.

En premier lieu, le projet de loi veut donner à l’exigence déontologique toute sa place dans le statut général des fonctionnaires. L’article 1er inscrit donc dans la loi les principes de neutralité et de laïcité ainsi que les obligations d’impartialité, de probité et de dignité. Ne devrions-nous pas y ajouter le devoir de réserve, qui est reconnu par la jurisprudence mais ne figure pas dans la loi ? Il s’agit pourtant de l’un des principes fondateurs de la fonction publique.

En second lieu, le projet de loi s’intéresse à la prévention et au traitement des conflits d’intérêts. Sur ce sujet, le texte a été amélioré en commission et permet de répondre à un certain nombre de nos interrogations. Dans un souci de parallélisme avec les lois sur la transparence de la vie publique, le contenu des déclarations a été précisé et une incrimination a été prévue en cas de fausse déclaration.

La commission a également permis de doter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de moyens de contrôle suffisants, sur lesquels repose l’efficience du système de déclarations.

En outre, nous approuvons, dans un souci de rationalisation, le choix de la commission de confier à la Haute Autorité le soin d’apprécier les déclarations d’intérêts quand l’autorité hiérarchique n’est pas en mesure de le faire. L’un des enjeux du projet de loi est de promouvoir la déontologie des fonctionnaires et de favoriser l’émergence d’une culture déontologique. Dans cette perspective, il est contre-productif de multiplier les structures chargées du respect des obligations déontologiques. Aussi, nous espérons que cette avancée ne sera pas remise en cause en séance.

Nous devrons aussi régler la question des moyens. Le texte prévoit à la fois un élargissement du champ de compétence de la Haute Autorité et des attributions de la commission de déontologie de la fonction publique. Ces institutions disposeront-elles des moyens leur permettant d’assumer ce nouveau rôle ?

Une autre question demeure, s’agissant de la prévention et du traitement des conflits d’intérêts : la définition du périmètre des agents qui seront tenus de déclarer leurs intérêts et leur patrimoine est renvoyée à des décrets en Conseil d’État. Nous savons désormais, à la suite des précisions apportées en commission par Mme la ministre, que la liste des personnes qui devront déposer des déclarations d’intérêts ne sera pas identique à celle des agents soumis à une obligation de déclaration de situation patrimoniale. Néanmoins, nous ignorons quels agents seront réellement concernés par ces deux types d’obligations. Les termes « emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » restent très imprécis.

J’évoquerai ensuite les dispositions relatives au cumul d’activité. Ces dispositions reposent sur un principe auquel nous souscrivons : l’agent public, parce qu’il est au service de l’intérêt général, consacre l’intégralité de son activité professionnelle à l’exercice de ses fonctions.

Pour autant, nous devons veiller, ainsi que l’a indiqué la rapporteure, à ne pas déstabiliser le cadre juridique qui s’applique aujourd’hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie. Une modification de l’article 6 visant à ce que les fonctionnaires restent autorisés à exercer à titre accessoire certaines activités sous le régime de l’auto-entrepreneur a été évoquée. Nous resterons vigilants sur ce point. Renforcer la déontologie au sein de la fonction publique signifie aussi contrôler la compatibilité des activités lucratives avec les fonctions exercées par les agents. Le projet de loi prévoit ainsi de rendre obligatoire la saisine de la commission de déontologie pour apprécier cette compatibilité.

Enfin, nous saluons les différentes mesures introduites en commission sur la modernisation des droits et obligations des fonctionnaires et des garanties disciplinaires des agents publics, ainsi que sur l’amélioration de la situation des agents non titulaires. Phénomène grandissant de notre société, la précarisation des agents contractuels est la conséquence inévitable d’un recours de plus en plus fréquent aux contrats temporaires. Cette question avait été largement traitée par la loi Sauvadet.

La loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire avait pour objectif de mettre fin à ces situations que chacun considère comme inadmissibles. Nous saluons la prolongation de deux ans du plan de titularisation des agents non titulaires. Il en est de même de la généralisation du primo-recrutement en CDI pour pourvoir des emplois correspondants à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires.

Mes chers collègues, ce projet de loi comporte un certain nombre d’avancées, mais également des défauts, que j’ai évoqués. Pour ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. À l’heure d’examiner enfin ce projet de loi dans l’hémicycle, on ne pourra sûrement pas lui opposer la maxime « Qui trop se hâte, se perd en chemin » ! (Sourires.) Comme il a été rappelé, il a été déposé sur le bureau de notre assemblée en juillet 2013, et il est heureux qu’il ne se soit effectivement pas perdu dans les limbes de l’Assemblée nationale ou du Gouvernement. Il a été déposé à nouveau cet été, et l’urgence a été déclarée. Je regrette que, sur un texte relativement court, après une telle attente, nous n’ayons eu que trois jours pour déposer des amendements.

M. Marc Dolez. Tout à fait !

M. Paul Molac. Ce texte était initialement présenté comme le pendant du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique. Il serait néanmoins réducteur de ne le considérer que comme tel, tant certaines de ses dispositions vont au-delà de la déontologie des fonctionnaires.

Alors qu’à intervalles réguliers, le statut des fonctionnaires est remis en cause par des déclarations à l’emporte-pièce, sans fondement et, bien souvent, d’une mauvaise foi confondante, il nous incombe de souligner l’importance de leur rôle dans le maintien d’un service public de qualité. Un paradoxe de notre époque voit l’opprobre jeté sur celles et ceux dont on voudrait que le rôle ne se délite pas, notamment en milieu rural, où le sentiment d’abandon du service public s’exprime le plus : écoles, gendarmeries, hôpitaux ou administrations. D’ailleurs, pour faire écho aux questions d’actualité de cet après-midi, je note que l’on ne peut pas reprocher au Gouvernement de faire des économies sur ces postes-là.

Nous estimons donc que ce projet de loi va globalement dans le bon sens. En plus des efforts de déontologie auxquels devront s’astreindre de nombreux fonctionnaires, il propose diverses mesures pour améliorer leur statut, clarifier leurs obligations et favoriser leur titularisation, dans le prolongement de la loi Sauvadet. Il étend également la protection fonctionnelle à tous les agents faisant l’objet de condamnations civiles ou de poursuites pénales en relation avec l’exercice de leurs fonctions, ainsi qu’à leurs familles.

De grands principes censés régir le statut des fonctionnaires sont également consacrés dans la loi. Ainsi, le principe de laïcité qui s’applique aux fonctionnaires est affirmé, de même que l’objectif de lutte contre les conflits d’intérêts. Toutes ces mesures sont les bienvenues.

Nous aborderons quant à nous l’examen de ce projet de loi par trois biais principaux : la question des lanceurs d’alertes, celle des conflits d’intérêts et de la déontologie et celle du statut des fonctionnaires et des procédures disciplinaires.

S’agissant des lanceurs d’alerte, notre position sera sans doute différente de celle de la majorité des groupes et du Gouvernement. Cette question préoccupe plusieurs de mes collègues, comme Jean-Louis Roumegas pour ce qui est du domaine de la santé et de l’environnement ou Éric Alauzet pour les questions de fraude fiscale.

Ce projet de loi crée un statut de lanceur d’alerte pour les fonctionnaires qui auraient connaissance d’un conflit d’intérêts. Il existe plusieurs statuts de lanceur d’alerte, ce qui paraît logique : alerter de l’existence d’un risque environnemental n’est pas la même chose qu’avoir connaissance d’une infraction pénale. Toutefois, les différences entre ces statuts devraient être clarifiées. Il est nécessaire d’apporter plus de cohérence, car une véritable insécurité juridique est créée. C’est ce que nous avons proposé en commission et proposerons de nouveau en séance. Nous craignons fort de ne pas être entendus sur ce point qui est pourtant crucial.

Concernant ce nouveau statut de lanceur d’alerte, nous avons hésité à déposer un amendement de suppression de l’article 3, tant il concentre tout ce qui ne faut pas faire en la matière. De nombreuses incohérences existent dans le texte. Rien n’est en effet prévu pour protéger la révélation de faits à la commission de déontologie de la fonction publique, qui, contrairement à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ne peut être considérée comme une autorité administrative. De même, rien ne permet la révélation de l’alerte à une association agrée de lutte contre la corruption, comme le prévoit l’article 25 de la loi sur la transparence de la vie publique.

Par ailleurs, rien ne justifie qu’un fonctionnaire puisse être sanctionné pour avoir témoigné, de bonne foi, de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts, sous prétexte qu’il aurait appris ces faits en dehors de l’exercice de ses fonctions. Cette précision affaiblit grandement l’intérêt de ce nouveau statut, car elle ne prend pas en compte l’idée que la révélation d’un conflit d’intérêts n’est pas toujours faite dans l’exercice des fonctions.

Un autre exemple des manquements de ce projet de loi à la protection des lanceurs d’alerte consiste en la limitation de la protection aux seuls cas où le fonctionnaire aurait alerté d’abord en vain sa hiérarchie. Il s’agit, à notre sens, d’une limitation grave à l’article 40 du code de procédure pénale. Sous prétexte de protéger des lanceurs d’alerte, on permet au contraire d’enterrer des affaires. Cette obligation d’alerter en premier lieu le supérieur hiérarchique est d’ailleurs absente de la plupart des statuts de lanceurs d’alerte prévus dans la loi Le Pors de 1983.

Enfin, il est à notre sens contre-productif de créer un nouveau délit qui constituera une exception au délit de dénonciation calomnieuse. Contrairement à ce dernier, le délit introduit par l’article 3 prend en compte des éléments, comme la mauvaise foi ou l’intention de nuire, qui sont contestables et difficilement prouvables. Seule la connaissance de l’inexactitude totale ou partielle des faits doit être l’élément à l’origine de la poursuite de la dénonciation calomnieuse.

Notre deuxième point d’intérêt concerne la question du meilleur partage des tâches entre la commission de déontologie et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Certains fonctionnaires devront envoyer une déclaration d’intérêts à l’une et une déclaration de patrimoine à l’autre, ce qui nous semble assez incohérent. Plusieurs amendements ont été adoptés à l’initiative de notre rapporteure sur le sujet. Nous devons toutefois aller plus loin dans la coopération entre ces deux institutions.

Ainsi, nous proposerons qu’à la déclaration de situation patrimoniale soit systématiquement jointe la déclaration d’intérêts, indispensable pour juger de la pertinence de l’évolution du patrimoine. Il ne s’agit pas de faire de la Haute Autorité l’autorité compétente en matière de déontologie des fonctionnaires, mais de lui donner les éléments indispensables pour juger de la pertinence d’une déclaration de situation patrimoniale.

Troisième point, enfin : le statut général des fonctionnaires et les procédures disciplinaires. En liaison avec les syndicats, nous vous proposerons des amendements portant sur la gestion des conflits disciplinaires, dont l’un notamment vise à créer un droit à l’expression directe et collective, facteur très efficace de prévention de la souffrance au travail et d’amélioration de ses conditions.

Nous défendrons par ailleurs une solution visant à permettre le don de congés payés aux salariés et aux fonctionnaires dont le conjoint serait gravement malade. En effet, si la loi du 9 mai 2014 permet le don de jours de repos au parent d’un enfant gravement malade, cette disposition n’est applicable que pour un enfant de moins de vingt ans. Des cas de fonctionnaires dont le conjoint serait gravement malade ont été rapportés, auxquels la loi n’apporte pour l’instant pas de réponse.

Telles sont les raisons qui nous poussent à voir dans ce projet de loi un certain nombre d’avancées pour le statut des fonctionnaires, non négligeables et qu’il serait dommage de ne pas acter. Néanmoins, nous demeurons inquiets sur d’autres points, et plus particulièrement sur le sujet des lanceurs d’alerte qui nous tient très à cœur. C’est donc à l’aune des discussions et des ouvertures obtenues en séance que nous saurons si le verre est à moitié vide ou à moitié plein.

Mme Florence Delaunay. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Ce texte n’est pas récent. Une première version, déposée en juillet 2013 sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, portait sur les règles déontologiques mais aussi statutaires des fonctionnaires de toutes catégories.

Ce texte a ensuite été amputé d’une partie de ses dispositions par la lettre rectificative déposée en juin 2015 par Manuel Valls, se limitant alors en grande partie aux seules dispositions relatives à la déontologie des fonctionnaires.

En commission, Mme la rapporteure a introduit des dispositions nouvelles, relatives à la déontologie des membres des juridictions administratives et financières, mais aussi à la mobilité des fonctionnaires, telles qu’elles figuraient dans le texte initial du Gouvernement.

À ce stade du débat, je tiens à rappeler notre attachement à notre modèle de recrutement des agents du service public, fondé sur le concours et le mérite. Égalitaire, ouvert et multiple, notre modèle de fonction publique, dont les agents sont tournés vers la satisfaction de l’intérêt général, au service du public et de la préservation des intérêts de la République, est à louer.

Mais afin d’enrichir le texte nécessaire et équilibré que vous nous proposez, madame la ministre, nous tenons à revenir sur certains amendements déposés par notre collègue Alain Tourret. Je m’arrêterai notamment sur la suppression de l’interdiction du cumul d’un poste de fonctionnaire avec une activité privée. En effet, il apparaît nécessaire de permettre aux fonctionnaires, notamment de catégorie C, d’exercer un cumul d’activités et de disposer ainsi d’un traitement suffisant.

En effet, certains fonctionnaires sont peu payés. Si les pouvoirs publics estiment ne pas pouvoir se permettre de leur accorder un traitement plus important, il est pertinent de leur laisser la possibilité de cumuler l’exercice de leur fonction publique avec la création d’une entreprise dans le privé, tout en encadrant davantage les incompatibilités prévues par le droit en vigueur.

La reconnaissance de cette possibilité de cumul d’activités a aussi pour objectif de conserver, au sein de la fonction publique, des agents motivés par leurs missions professionnelles et restant en fonction par choix et envie, ce qui est déterminant pour pérenniser une fonction publique de qualité, efficace, performante, efficiente et adaptable.

Mais, afin d’éviter tout conflit d’intérêts, il est important en parallèle de renforcer les pouvoirs de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans le cadre du développement et de la promotion d’une culture déontologique des fonctionnaires. Afin de centraliser la jurisprudence et les référents hiérarchiques en matière de déontologie, la prise de décision doit être centralisée auprès d’une structure pérenne et unique, pour lutter efficacement contre les conflits d’intérêts et apporter cohérence et lisibilité à la transparence de la vie publique.

L’article 40 de la Constitution ne nous a pas permis de transférer tous les pouvoirs adéquats de la commission de déontologie à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Nous devons néanmoins réfléchir à cette possibilité. Est-il pertinent d’avoir deux instances chargées peu ou prou des mêmes fonctions ? Pour autant, il nous apparaît important de renforcer en parallèle les pouvoirs de l’autorité hiérarchique dans le cas où une faute est commise par un agent public. Le service public doit encore pouvoir compter sur des agents exerçant leurs missions avec compétence et honnêteté.

En revanche, je tiens à revenir sur certains points importants pour les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur lesquels nous nous étions déjà exprimés. Il en va ainsi de la différence de situation entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé concernant le jour de carence. Nous aurions souhaité aborder la question d’une harmonisation des règles en la matière. Il en va ainsi également du problème urgent de la différence de traitement injustifiable entre les différentes catégories de fonctionnaires, ainsi qu’entre les hommes et les femmes, tant en termes de déroulement de carrière que de salaire.

Enfin, je tiens à signaler les efforts qui ont été entrepris, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, afin de baisser le nombre de fonctionnaires et de mettre fin à la hausse régulière des effectifs au sein des fonctions publiques territoriale, d’État et hospitalière, ainsi que ceux entrepris en matière de modernisation de la gestion des ressources humaines, de cohérence statutaire et de modernisation de la formation professionnelle.

Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Depuis les grandes lois de 1983, 1984 et 1986, le statut général de la fonction publique n’a cessé d’évoluer : plus de deux cents modifications législatives et trois cents modifications réglementaires. Il a subi d’importantes régressions. C’est ainsi que dès 1987, la loi Galland a élargi les possibilités de recours aux contractuels et permis, dans la fonction publique territoriale, de choisir les agents discrétionnairement sans tenir compte des classements aux concours, tandis que le trop célèbre amendement Lamassoure remettait profondément en cause les conditions d’exercice du droit de grève dans la fonction publique d’État.

M. Jean-Luc Laurent. Bon rappel !

M. Marc Dolez. Sous la précédente majorité, la loi « mobilité » de 2009 a introduit l’intérim dans la fonction publique, étendu encore la possibilité de faire appel à des contractuels et créé, à travers la position de réorientation professionnelle, la possibilité de licencier un fonctionnaire pour motif économique. La même année ont été instaurés les groupements d’intérêt public comme nouvelle forme d’administration, recrutant, quelle que soit la nature de l’activité, des salariés régis par le code du travail.

Malgré tous ces reculs, le statut a fait la preuve de sa capacité d’adaptation pour répondre au quotidien à l’exigence d’exemplarité de la puissance publique et au respect de notre modèle de service public.

C’est dans ce cadre que le groupe GDR avait accueilli favorablement l’engagement du Gouvernement, à l’occasion du trentième anniversaire du statut, de réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique, de répondre aux besoins des agents et des citoyens et de redonner du sens au service public. Malheureusement, la grande loi annoncée n’est pas au rendez-vous : les objectifs du texte qui nous est présenté aujourd’hui ont finalement été revus à la baisse. Nous regrettons également, et nous ne sommes pas les seuls, les conditions d’examen du texte car le recours à la procédure accélérée ne permet pas de tenir le débat approfondi que mérite le sujet. Cette procédure est d’autant moins justifiée que, rappelons-le, la première version de ce projet de loi avait été déposée à l’Assemblée dès le mois de juillet 2013.

Sur le fond, la nouvelle version présentée en avril 2015 visait, en premier lieu, à mettre en cohérence les dispositions du texte avec les lois sur la transparence de 2013, et prévoyait de nombreux renvois à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance. Sur ce dernier point, nous relevons avec satisfaction que le champ de l’habilitation a été sensiblement restreint par la commission des lois, avec la réintroduction dans le texte des articles relatifs à la mobilité des fonctionnaires, aux obligations déontologiques et aux évolutions statutaires des membres des juridictions administratives et financières. En revanche, nous ne soutenons pas l’extension de l’habilitation autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance à la codification du droit de la fonction publique.

Cela étant précisé, plusieurs dispositions du texte nous apparaissent positives.

Sur le volet déontologique, nous saluons les dispositions destinées à prévenir les risques de conflits d’intérêts et à renforcer des instances de contrôle, dans la lignée de la loi organique et de la loi ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Si la répartition des compétences entre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la commission de déontologie pouvait sembler complexe et source d’insécurité juridique, la commission des lois a heureusement clarifié la situation et octroyé les moyens nécessaires à ces instances pour remplir efficacement leurs missions. Ainsi, la possibilité pour la commission de déontologie et pour la Haute Autorité d’échanger les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives, y compris les informations couvertes par le secret professionnel, nous paraît indispensable au regard de la proximité de leurs compétences et de l’interférence des champs soumis à leur contrôle.

Constitue également un progrès notable le renforcement de la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte, obtenu en facilitant le signalement d’un conflit d’intérêts touchant le supérieur hiérarchique direct et en ajoutant les futurs référents déontologues parmi ses possibles destinataires.

S’agissant des avancées statutaires du texte, nous nous félicitons de l’abrogation de la possibilité de recourir à l’intérim dans les fonctions publiques de l’État et territoriale, même si le texte ne va pas jusqu’au bout de la logique puisqu’elle n’est pas étendue à la fonction publique hospitalière. Nous défendrons des amendements sur ce point. Il convient également de souligner l’extension de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles, qui répond à une réelle inquiétude des fonctionnaires.

Concernant le resserrement des possibilités de cumul d’activités, l’objectif vise à redonner toute sa force au principe selon lequel, parce qu’il est au service de l’intérêt général, l’agent public consacre l’intégralité de son activité professionnelle à l’exercice de ses fonctions. Pour autant, comme notre rapporteure l’a souligné, il ne faudrait pas que ce texte déstabilise le cadre juridique qui s’applique aujourd’hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie, notamment pour ce qui concerne les catégories d’agents les plus modestes.

Pour ce qui est des sanctions disciplinaires, nous tenons fermement à affirmer notre opposition à l’amendement, adopté en commission, réinstaurant la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours, et la généralisant à l’ensemble la fonction publique.

Nous sommes assez dubitatifs s’agissant de l’introduction de valeurs – dignité, probité, laïcité, neutralité – dans le texte même du statut. En effet, comme le souligne Anicet Le Pors, père des lois de 1983 et de 1984, si l’affirmation de principes ancrés dans l’histoire – l’égalité, l’indépendance, la responsabilité – est nécessaire, l’affirmation de valeurs qui, contrairement aux principes, n’ont pas vocation à se traduire directement en règles de droit n’apparaît pas indispensable,…

M. Pascal Popelin. Si, tout de même !

M. Marc Dolez. …d’autant qu’au regard de la jurisprudence, étoffée en la matière, on perçoit mal quelle serait la valeur ajoutée de l’article 1er pour le statut des fonctionnaires. Alors même que nos services publics sont de plus en plus fragilisés et que les attaques contre le statut des fonctionnaires se multiplient, il aurait été plus opportun de réaffirmer les valeurs et les principes du service public et de la fonction publique.

Enfin, nous déplorons l’absence de plusieurs modifications majeures attendues par les agents et qui auraient permis de revenir sur les graves atteintes statutaires que je soulignais au début de mon propos, à commencer par la loi Galland du 13 juillet 1987 concernant la fonction publique territoriale et, par-là, le recrutement sur liste d’aptitude caractéristique du système dit des « reçus collés », ou encore la règle de la retenue du trentième indivisible en cas de grève. Nous avions sur ce dernier point déposé un amendement qui, malheureusement, a été déclaré irrecevable.

Comme je l’ai indiqué, madame la ministre, notre groupe portait sur le texte initial du projet de loi une appréciation en demi-teinte. Après les modifications apportées par la commission des lois, je qualifie désormais notre appréciation de « globalement positive ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Luc Laurent. C’est daté, cher collègue ! (Sourires.)

M. Marc Dolez. Les députés du Front de gauche voteront par conséquent ce texte, en souhaitant toutefois qu’il puisse être encore amélioré par les amendements qu’ils ont déposés.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Pascal Popelin. Le rassemblement est en marche !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Je voudrais remercier le Gouvernement, et en particulier vous, madame la ministre, pour la présentation de cet important projet de loi, souvent évoqué depuis deux ans. Je vous remercie également, monsieur le président de la commission des lois, de tenir votre engagement de nous laisser disposer d’un temps suffisant pour examiner les textes de loi, et donc aussi celui-ci : il en va du respect du Parlement et plus encore de la garantie d’une contribution de qualité à la fabrique de la loi.

Ce projet de loi s’inscrit dans le profond réformisme que notre majorité politique manifeste depuis 2012 dans le souci de moderniser la France, de l’adapter aux évolutions de la société et de rendre son droit toujours plus efficace et plus juste. Il ne remet bien évidemment pas en cause le statut général des fonctionnaires et notre système de fonction publique, qui constituent le cadre le plus adapté pour garantir continuité et cohésion au service des collectivités publiques et des citoyens. En revanche, il réaffirme les valeurs guidant l’action publique et l’éthique des fonctionnaires, consacre leur exigence d’exemplarité et renforce l’unité du statut général. Même si le calendrier n’en fait pas une évidence, il s’inscrit dans la suite des grandes lois sur la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013, un certain nombre de ses articles étant d’ailleurs la réplique pure et simple de ceux adoptés alors.

Au rang des remarques que je voudrais faire, tout d’abord, un constat : notre société pluraliste est menacée dans sa cohésion par des tendances à l’exclusion, à l’opposition et à la discrimination. La fonction publique est, elle aussi, remise en cause. Je déplore, comme vous, les propos blessants parfois tenus sur la fonction publique, oubliant le dévouement des hommes et des femmes qui se mettent au service de l’intérêt général.

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme Cécile Untermaier. Par ailleurs, Il ne faut pas non plus ignorer le malaise et le désarroi qui sévit dans la fonction publique.

M. Marc Dolez. C’est vrai.

Mme Cécile Untermaier. La remise en cause du désintéressement dans une société consumériste, la perte de prestige des valeurs collectives, le poids croissant des cabinets ministériels, la décentralisation, le rejet de la réglementation et de la norme, le sentiment de n’être pas récompensé au mérite, et enfin des conditions matérielles difficiles expliquent en partie ce malaise. Aussi, plus que jamais, il importe de conforter le caractère irréprochable de la fonction publique et de se pencher sur elle.

Ce projet de loi consacre, en son article 1er, les valeurs entourant le service public, valeurs qui doivent susciter de la part de nous tous, en tant que citoyens, une reconnaissance pour tous ceux qui les font vivre scrupuleusement au bénéfice des usagers de l’administration. La jurisprudence administrative a depuis longtemps dégagé des obligations s’imposant aux fonctionnaires, telles que l’impartialité, la probité et la dignité, aux côtés des principes constitutionnels tels que la neutralité et la laïcité. Les agents publics connaissent bien sûr ces règles de conduite, les pratiquent pour répondre à l’intérêt général et à l’exigence de service public qui les habitent, mais il est essentiel aujourd’hui d’asseoir les textes déontologiques sur un fondement législatif. L’affirmation de ces valeurs, auxquelles s’ajoute l’intégrité, ne doit pas laisser penser que l’administration serait à la dérive, bien au contraire : dans son ensemble, elle est intègre et c’est elle qui a contribué au fil des ans, en développant le sens de l’État et de l’intérêt général, à une éthique du service public et de la fonction publique.

Ma deuxième observation porte sur le dispositif de la déclaration de patrimoine et de la déclaration d’intérêts. D’ores et déjà opérationnel pour les élus et les membres du Gouvernement, il est désormais étendu aux fonctionnaires. Néanmoins, au contraire de la loi sur la transparence de la vie publique, nous ne disposons pas de la liste des postes ou emplois soumis à ces deux déclarations. Je comprends qu’il soit difficile de dresser une telle liste, mais le débat qui va suivre permettra d’éclairer la représentation nationale sur le périmètre de chacune d’entre elles, sachant que nous le souhaitons le plus large possible, en particulier pour la déclaration d’intérêts.

Le texte prévoit la transmission de toutes les déclarations de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en parfaite cohérence avec les lois du 11 octobre 2013 et le statut d’autorité administrative indépendante de ladite Haute Autorité, laquelle contrôle déjà des centaines de déclaration de patrimoine et d’intérêts.

Elle a acquis une qualité d’expertise logiquement mise au service de la fonction publique. En revanche, toutes les déclarations d’intérêts évoquées par le projet de loi sont conservées par le supérieur hiérarchique. Leur nombre, que nous supposons très grand, et leur utilité au quotidien, fonde, à mon sens, la conservation de ces déclarations au sein de l’administration considérée.

Mais, contrairement à ce que prévoyait le projet de loi, c’est-à-dire la possibilité pour le supérieur hiérarchique de saisir la commission de déontologie, la commission des lois a préféré donner à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la maîtrise des déclarations d’intérêt des fonctionnaires, lorsque celles-ci posent problème.

Il nous semble que la solution à de nombreuses questions réside bien dans le supérieur hiérarchique. Toutefois, en cas de difficultés réelles, il nous apparaît cohérent que le supérieur hiérarchique saisisse alors la Haute Autorité, expert juridique et technique sur les questions déontologiques et de conflit d’intérêts. Ses compétences actuelles, définies par les lois de 2013, ainsi que son action irréprochable jusqu’ici, incitent à recourir à son expertise et à en étendre le champ.

Le recours à la Haute Autorité se justifie aussi afin d’éviter des analyses et des jurisprudences distinctes. Cette disposition répond donc à un objectif de simplification et d’intelligibilité du droit.

Je vous remercie également, madame la ministre, d’avoir accueilli favorablement notre demande de remplacer les ordonnances sur les juridictions administratives et financières par des dispositions que vous aviez d’ailleurs vous-même écrites. Comme je l’ai dit en commission des lois, s’agissant d’un texte emblématique de la prévention du conflit d’intérêts, il aurait été malvenu de confier l’examen de ces dispositions au seul Gouvernement, en lien avec le Conseil d’État et la Cour des comptes. Les magistrats administratifs et financiers sont donc également soumis à ces mêmes mécanismes déontologiques, avec, là encore, un collège de déontologie dédié, disposant de moyens d’investigation et de contrôle.

Les magistrats de l’ordre judiciaire devraient prochainement bénéficier de ce mécanisme déontologique – le contraire serait indéfendable – puisqu’un projet de loi organique sur cette question devrait être discuté prochainement. De même, le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIsiècle devrait comporter des dispositions similaires pour les juges consulaires et prud’homaux. Ainsi, cette culture déontologique s’étendra à toutes les fonctions publiques et aux diverses juridictions, avec au quotidien le recours possible à un déontologue référent pour tout conseil s’agissant de la prévention des conflits d’intérêts.

La lutte contre le pantouflage, telle qu’en dispose l’article 8, a aussi suscité des débats. Nous nous réjouissons de ces dispositions, dont nous souhaitons une application efficace de la part de la commission de déontologie. Les fonctionnaires ne peuvent servir l’intérêt général que s’ils remplissent leur mission pour le compte de la collectivité tout entière et non en vue d’un futur profit personnel. Aussi, la commission de déontologie sera désormais saisie de façon systématique des cas de passage du public dans le privé. Elle pourra également s’auto-saisir et aller chercher l’information. Ses prérogatives renforcées lui permettront donc de remplir enfin l’objectif d’une prévention efficace de situations que nous avons déplorées par le passé. C’est ce que nous souhaitons et que nous espérons.

Je n’évoquerai pas les autres points du texte, tout aussi importants, qui harmonisent le dispositif des sanctions dans la fonction publique, clarifient les conditions du cumul d’activités, dénouent des situations complexes grâce à des droits nouveaux, améliorent le temps de validité d’un concours de la fonction publique territoriale, précisent et renforcent la protection fonctionnelle et d’autres droits et obligations majeures dont mes collègues se feront l’écho.

La déontologie, les droits et obligations des fonctionnaires participent de l’exemplarité de la fonction publique. Les conditions matérielles doivent aussi être au rendez-vous…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

Mme Cécile Untermaier. Je sais, madame la ministre, que c’est votre souci constant, comme celui de la représentation nationale. Comme vous l’avez affirmé dans votre propos introductif, les fonctionnaires ne sont pas une charge mais une chance pour la République. Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je vous remercie d’avoir porté un texte exigeant, très important, confortant dans l’exemplarité et l’unité le statut de la fonction publique et répondant à la volonté que nous exprimons d’une république irréprochable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Pascal Popelin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Tout parlementaire ayant, comme moi, passé trente-cinq années de sa vie au service de la fonction publique en tant que fonctionnaire est forcément très attentif à tout ce qui peut concerner ce sujet essentiel, souvent mal traité et parfois maltraité. Quand on est à la tête – c’est mon cas et celui de nombre d’entre nous ici – de cette formidable communauté humaine que l’on appelle commune, on est également confronté, au sens très positif du terme, à une réalité que beaucoup ignorent dans notre pays, celle de la fonction publique territoriale.

C’est la raison pour laquelle, en abordant ce texte au nom du groupe Les Républicains, je suis à la fois très attentif à ce que tout et n’importe quoi ne soit pas dit à propos des fonctionnaires de notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen),…

M. Pascal Popelin. Bonne nouvelle !

M. Guy Geoffroy. …mais également très désireux que nous soyons en phase avec notre pays, tel qu’il est aujourd’hui, que nous ne refusions a priori aucune évolution, quelle qu’elle soit, et que nous n’acceptions aucun tabou sur l’ensemble de ces sujets. C’est pour cela, madame la ministre, que je regrette, au nom de mon groupe que vous ayez cru bon de dire en commission…

M. Pascal Popelin. Il faudrait d’abord venir en commission !

M. Guy Geoffroy. …que la droite, lorsqu’elle était intervenue sur le sujet, avait « écorné » l’image et la conception traditionnelle que la France se fait de sa fonction publique.

Mme Cécile Untermaier. Toute la droite était absente des réunions de commission !

M. Guy Geoffroy. Vous auriez pu vous en priver, d’autant que la loi Sauvadet, qui a été trop peu citée alors qu’elle constitue encore une référence de ce que nous voulons pour la fonction publique dans notre pays, a fait beaucoup pour les fonctionnaires. Citons notamment ses dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les discriminations et à la mobilité des agents ou, sujet plus technique mais tout aussi important, ses mesures concernant les centres de gestion.

Nous retrouvons ces thèmes dans votre projet de loi, madame la ministre. Cela n’est pas une surprise, et nous n’avons pas pour autant l’impression que vous écornez l’image de la fonction publique en les reprenant à votre compte.

De même, et cela suscitera peut-être moins de remarques de la part de la majorité, je ne crois pas que M. le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, lorsqu’il ouvre un débat en affirmant que « le statut des fonctionnaires n’est plus adéquat », méprise pour autant les fonctionnaires. C’est dans ce cadre qu’il faut engager le débat.

Monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, j’ai beaucoup regretté de ne pas pouvoir participer, pour des raisons personnelles, aux travaux de la commission, la semaine passée. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Mais j’ai veillé à prendre en compte tout ce qui s’y était dit, ainsi que les amendements adoptés. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs nous n’aurons pas eu l’impudeur de solliciter sur ce texte un renvoi en commission, ce qui vous prive du reste d’un certain nombre de réactions.

Sur le fond, vous prétendez consacrer le statut des fonctionnaires. Votre article 1er, pourtant,…

Mme Cécile Untermaier et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous n’étiez pas en commission !

M. Thierry Mariani. Écoutez l’orateur !

M. Guy Geoffroy. …ne fait rien d’autre que de tenter de consacrer la jurisprudence,…

Mme la présidente. Chers collègues, seul l’orateur à la tribune a la parole.

M. Guy Geoffroy. …et encore il n’y parvient pas tout à fait. Il entend consacrer certaines valeurs, déjà reconnues par la jurisprudence, qui fondent la spécificité de l’action des agents publics. Pourquoi pas ? Notons cependant que la lettre rectificative à laquelle il a été fait allusion revenait déjà sur la copie initiale du Gouvernement, laquelle ne datait pourtant que de 2013.

Depuis cet été, le projet de loi précise donc qu’un fonctionnaire « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité » et qu’il doit à ce titre « s’abstenir de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses ». En pratique, qu’apporte cet article au statut ou aux fonctionnaires ? Nous ne sommes pas les seuls à poser cette question. Ainsi, Anne-Yvonne Le Dain a émis quelques observations, en forme de critiques, sur le fait que l’obligation de réserve, consacrée par la jurisprudence du Conseil d’État depuis 1935, ne figure pas dans ce texte. Nous pourrons probablement revenir sur ce point

Madame la ministre, vous avez également envisagé dans ce texte l’extension de la protection fonctionnelle, qui n’est pas inutile. Cet article figure d’ailleurs parmi les mesures que nous tenons à saluer. Le renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leur famille introduit un progrès qui mérite d’être noté. L’article 10 est éloquent à cet égard, puisqu’il concerne non seulement les fonctionnaires mais également leurs ayants droit, qui pourront bénéficier de cette protection s’ils sont eux-mêmes victimes de violences.

Dans ce même article, vous introduisez, madame la ministre, une protection de l’agent faisant l’objet de poursuites judiciaires, alors que le droit actuel ne vise que des poursuites pénales. Or, parfois, les poursuites en dehors du cadre pénal peuvent être plus pénibles que celles menées dans ce cadre. Mais introduire ce dispositif ne suffit pas. Mme la rapporteure et vous-même, madame la ministre, avez souligné que l’essentiel était de faire connaître la protection fonctionnelle, qui ne l’est peut-être pas assez. À ce titre, un important travail de communication en direction des agents trop peu informés devra être mené.

La prise en compte de la situation particulière des praticiens hospitaliers constitue un autre motif de satisfaction. Mais à côté de ces mesures positives, auxquelles j’ajouterai l’amélioration de la situation des contractuels, vous n’avez hélas pas pu vous empêcher – le pourrez-vous un jour ? – de recourir à des symboles et à des discours dommageables. Ainsi, au prétexte d’aligner les principes déontologiques des fonctionnaires sur ceux votés pour les publics visés par les fameuses lois d’octobre 2013, vous n’avez pas résisté à étendre le champ de ces lois aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet d’autorités territoriales. En outre, pour d’obscures raisons, le seuil définissant les collectivités concernées est passé de 70 000, à l’origine, à 20 000 habitants. Ainsi, une quantité incroyable de fonctionnaires devront déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique tout ce que déclarent les élus. Pourrez-vous nous dire, madame la ministre, à combien vous estimez le nombre de personnes concernées par ces dispositions ? À ce jour, nous n’avons pas d’information sur ce sujet.

L’article 18 bis constitue un autre sujet sur lequel vous auriez pu éviter de commettre ce que j’estime être une erreur inutile. Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour le retirer. Il vise à abroger le recours à l’intérim. Nous sommes contre, non parce qu’il faudrait confier au privé certaines activités des fonctionnaires mais parce qu’en réalité, d’après le rapport rédigé en 2013 par la direction générale de l’administration et de la fonction publique, seules 1,5 % des collectivités ont recours à ce dispositif. Vous avez d’ailleurs veillé, madame la ministre, à ce que ces dispositions ne s’appliquent pas à la fonction publique hospitalière, mesure excessive qui aurait posé un vrai problème.

Mais, selon mon expérience, il n’est probablement pas inutile qu’un chef d’établissement professionnel qui doit remplacer du jour au lendemain un professeur de plomberie ou de structures métalliques puisse faire appel à une société d’intérim, laquelle connaît les professionnels disponibles à un moment donné. De même, les services techniques des collectivités territoriales peuvent avoir besoin d’un spécialiste au pied levé. L’intérim, utilisé avec pragmatisme, peut être utile. Je souhaite donc que vous renonciez à cette abrogation.

Voilà pour le fond : nous y reviendrons lors de l’examen des articles. Quant à la forme, vraiment, ce projet de loi, c’est du Feydeau ! En juillet 2013, le Gouvernement présente en conseil des ministres un premier projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui contient alors 59 articles. Deux ans après, en juin 2015, il décide de « recentrer le projet de loi sur l’essentiel » et revient à 25 articles. Afin qu’il soit examiné rapidement, il adresse une lettre rectificative au Parlement et demande naturellement l’engagement de la procédure accélérée. Tout cela n’est pas sérieux.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si, c’est sérieux !

M. Guy Geoffroy. C’est même très dommage. Quoi qu’il en soit, si l’histoire s’arrêtait là, on pourrait dire que l’opposition cherche à chipoter par plaisir. Mais non ! Le travail en commission rend la situation digne non seulement de Feydeau, mais aussi du Père Ubu : la veille de l’examen en commission, notre rapporteure présente 135 amendements !

Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure. Oui, c’est le débat parlementaire !

M. Guy Geoffroy. On y retrouve les fameux articles que le Gouvernement a décidé de supprimer, relatifs à la mobilité, au congé parental, à l’égalité professionnelle ou à la prévention des conflits d’intérêts dans les juridictions administratives et financières.

Bref, la lettre rectificative supprime des dispositions, Mme la rapporteure les réintroduit, une procédure accélérée est en cours et pourtant, nous avons perdu deux ans. Le constat est sans appel : entre le retour du projet de loi initial et les idées neuves, le projet de loi, suivant la démarche de « simplification » que vous affectionnez tant, s’est enrichi de quarante-cinq articles additionnels – s’agissant d’un texte qui n’est pas si révolutionnaire que cela et dont les conditions d’examen et de présentation sont difficiles à accepter !

Nous restons cependant ouverts et j’espère que le débat permettra de faire évoluer notre jugement. Toutefois, je ne vous surprendrai pas en annonçant qu’à ce stade, le groupe Les Républicains entend s’abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Trente ans après la loi du 13 juillet 1983, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires entend adapter le statut général de la fonction publique afin, d’une part, d’appliquer les dispositifs de prévention des conflits d’intérêts définis par le projet de loi sur la transparence de la vie publique, et d’autre part de renforcer le pouvoir de contrôle de la commission de déontologie de la fonction publique. Le texte prévoit aussi de consacrer certaines valeurs qui fondent l’action des fonctionnaires : neutralité, impartialité, probité et laïcité.

Mais n’est-ce pas aussi une mission noble du service public que d’œuvrer à l’équité territoriale ? À ce titre, nous devons, sans porter atteinte au principe d’égalité – un de nos piliers républicains, mais qui ne doit pas rimer avec exil perpétuel – permettre le retour au pays des fonctionnaires ultramarins, dans l’intérêt des familles et de la stabilité du tissu social de ces territoires déjà durement frappés. En effet, la précarité économique impose bien trop souvent à nos jeunes le choix entre un chômage endémique ou un voyage qui, bien que constituant théoriquement une opportunité, se révèle souvent sans retour. Certes, la confrontation des expériences et l’ouverture sur l’autre sont bien entendu une source de richesse ; encore faudrait-il, pour que cela bénéficie à nos territoires et à nos populations, qu’il y ait un jour – si possible avant l’heure de la retraite ! – un retour au pays.

J’ai mentionné nos jeunes qui partent vers la France métropolitaine pour se former ou rechercher un emploi, mais que dire de ceux qui sont formés sur place, dans les départements ou territoires d’outre-mer, et qui, ayant réussi à un concours, se voient affectés en France métropolitaine – ainsi ces enseignants néo-titulaires, jeunes diplômés ou contractuels, affectés dans des académies de la France continentale, à plusieurs milliers de kilomètres de leur territoire d’origine ? Pourtant, ils constituent pour nos régions un atout considérable : les contractuels pour leur expérience déjà acquise, tous pour leur connaissance intime du territoire et de sa population.

J’ai eu récemment l’occasion d’appeler l’attention du Gouvernement sur la situation d’une dizaine de nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais, enseignants néo-titulaires qui, à l’issue du mouvement inter-académique de 2015, furent contraints de quitter nos régions pour aller enseigner à plus de 7 000 kilomètres, dans d’autres académies de la France hexagonale. S’il est vrai que le recrutement au concours dont ils sont lauréats est national, il n’en demeure pas moins que nous ne pouvons laisser, sans rien dire, nos territoires se vider de manière irréversible d’une partie de nos forces vives. Faciliter la mutation en outre-mer des fonctionnaires qui le souhaitent et qui ont un lien avec ces territoires permettrait de briser cette fatalité.

C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement, sensibilisé sur ce sujet, avait, fin 2013, commandé à M. Patrick Lebreton, député de La Réunion, un rapport destiné à identifier les moyens susceptibles de mieux faire profiter les ressortissants ultramarins des emplois créés dans leurs territoires, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Parmi les recommandations de ce rapport se trouvaient plusieurs mesures phare qui, si elles avaient été mises en œuvre, auraient fluidifié grandement le système, parfois un peu rigide, il faut bien le reconnaître, des mutations des agents publics dans les départements et collectivités d’outre-mer. M. Lebreton proposait ainsi de donner une assise juridique au concept de centre des intérêts matériels et moraux – CIMM – et d’en faire le pivot pour les mutations outre-mer, de manière, par exemple, à mettre fin au dysfonctionnement des carrières des gardiens de la paix originaires d’outre-mer. Si trente-cinq gendarmes ont récemment été envoyés en renfort dans les zones de sécurité prioritaires du centre de la Guadeloupe, c’est bien qu’il y a un besoin : alors, pourquoi ne pas permettre aux gardiens de la paix ultramarins d’être affectés chez eux ?

Je voudrais aussi remercier Mme Ericka Bareigts, qui travaille sur le sujet depuis le début de son mandat de député et qui n’a eu de cesse de rappeler qu’il s’agissait d’un combat pour une fonction publique plus représentative des bassins de vie qu’elle administre et pour une réponse aux déchirements familiaux et aux drames humains liés aux agents séparés de leurs racines.

Nous avons l’occasion, aujourd’hui, d’apporter une contribution décisive au règlement de ces situations en inscrivant dans la loi la prise en compte des centres des intérêts matériels et moraux des fonctionnaires à l’occasion de leur demande de mutation en outre-mer. Aussi, mon collègue Thierry Robert et moi-même avons déposé deux amendements et, avec nos collègues du groupe RRDP et les députés ultramarins, soutiendrons toutes les initiatives qui iront dans le même sens. Le premier amendement entend donner des outils en vue d’établir un classement des demandes de mutation à partir de barèmes plus équitables et sécurisés juridiquement ; le second vise à apporter une réponse plus efficace aux difficultés rencontrées lors du traitement des demandes de mutation dans les corps de la fonction publique à fort effectif.

Chers collègues, nous pouvons, dans le respect scrupuleux des principes fondateurs de notre République, lever cet obstacle, pour un développement plus harmonieux de la France d’outre-mer. Le groupe RRDP votera ce texte de loi, et j’espère que tous les autres groupes en feront autant.

Mme Florence Delaunay. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Je suis, comme les orateurs précédents, très heureux que nous puissions enfin examiner le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Deux ans après les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, ce texte en transpose les grands principes et les principales dispositions à la fonction publique, notamment pour ce qui est de la prévention des conflits d’intérêts. Trente ans après la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le Gouvernement a souhaité actualiser et compléter les principes fondamentaux du statut général des fonctionnaires, alors même que ce dernier fait régulièrement l’objet d’attaques et de remises en cause. Le Gouvernement exprime ainsi, collectivement et avec force, son attachement à notre système de fonction publique. Nous considérons en effet que le statut général des fonctionnaires, héritier des grandes réformes engagées à la Libération, est fondé sur un réel équilibre entre les droits et les obligations de ces fonctionnaires, ce qui constitue un gage de continuité et de cohésion au service des citoyens et des collectivités publiques.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui repose sur trois grands axes.

Le premier est la consécration de principes déontologiques dans le statut général des fonctionnaires. L’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 reconnaîtra désormais explicitement des obligations déjà dégagées par la jurisprudence. Les fonctionnaires devront exercer leurs fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Ils seront également tenus à l’obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité. Tout cela figurait déjà dans la jurisprudence, mais méritait d’être affirmé en droit. L’article 1er du projet de loi précise aussi qu’il reviendra à tout chef de service de s’assurer du respect de ces principes par les agents placés sous son autorité.

Le texte introduit aussi, c’est à noter, la notion de conflit d’intérêts dans le statut général des fonctionnaires. En outre, il étend à d’autres fonctionnaires trois dispositifs déjà instaurés par les lois du 11 octobre 2013 à destination des plus hauts responsables publics : la déclaration d’intérêts, la déclaration de situation patrimoniale et la gestion sous mandat de certains instruments financiers, les deux derniers étant contrôlés par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

La réforme modifie également les règles de cumul d’activités applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de droit public selon deux principes fondamentaux, le respect de l’intérêt du service et la satisfaction de l’intérêt général, l’objectif étant de limiter les risques de conflits d’intérêts.

Le deuxième axe du texte relève de la modernisation des droits et obligations des fonctionnaires. Le projet de loi élargit le champ des personnes susceptibles de bénéficier de la protection fonctionnelle et celui des événements ouvrant droit à cette protection. En matière disciplinaire, la création d’un délai de prescription de l’action disciplinaire est actée – ce qui était attendu – tout comme l’harmonisation de l’échelle des sanctions entre les trois fonctions publiques.

Le troisième et dernier axe a trait à la volonté du Gouvernement de faire de l’État un employeur exemplaire. Concernant la situation des agents non titulaires, qui, comme le rappelait Françoise Descamps-Crosnier, occupent environ 17 % des emplois publics, le projet de loi œuvre pour améliorer de manière concrète leur situation. Je ne retiendrai que deux points : le fait qu’un employeur public qui emploie un agent satisfaisant à la condition d’ancienneté requise du fait d’une succession d’emplois auprès de différents employeurs publics devra lui proposer la transformation de son contrat en CDI ; et le fait que la notion d’effectivité des services publics pour la transformation d’un CDD en CDI est supprimée. Tout cela participe, avec d’autres dispositions, à la résorption de la précarité dans la fonction publique et nous ne pouvons que nous en féliciter.

La commission des lois a considérablement étoffé et amélioré ce projet de loi, en particulier à l’initiative de notre rapporteure, François Descamps-Crosnier, dont je tiens à saluer le travail et la persévérance. Grâce à elle ont pu être intégrées dans le texte les dispositions issues d’une vingtaine d’articles de la première version du projet de loi qui avaient été supprimés par la lettre rectificative du Gouvernement. Pour être synthétique, ces évolutions portent surtout sur les questions de déontologie. À l’initiative de la rapporteure, nous avons notamment favorisé les échanges d’informations entre la commission de déontologie et la Haute Autorité et aussi renforcé les moyens de contrôle de cette dernière sur les déclarations de situation patrimoniale, tout en étendant l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et de patrimoine aux directeurs, à leurs adjoints et aux chefs de cabinet des exécutifs locaux.

S’agissant des droits et obligations des fonctionnaires, nous avons, encore à l’initiative de la rapporteure, réintroduit des dispositions relatives à la mobilité des fonctionnaires, notamment afin de simplifier la structuration des corps et cadres d’emplois autour des trois mêmes catégories hiérarchiques et de sécuriser les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire. Nous avons aussi généralisé au sein des sanctions du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours, qui n’existait que dans la fonction publique territoriale. Enfin, à l’initiative du groupe socialiste, nous avons amélioré la situation des lauréats dits « reçus collés » en prolongeant d’un an la durée de validité du concours et en mettant en place deux périodes de deux années reconductibles.

Enfin, s’agissant du devoir d’exemplarité de l’État, nous avons, comme cela a déjà été dit, abrogé la possibilité de recourir à l’intérim dans les fonctions publiques de l’État et territoriale et réintroduit les dispositions visant à améliorer les garanties de carrière des agents exerçant une activité syndicale dans la fonction publique. Je souligne, par parenthèse, que l’amélioration des garanties et la préservation des carrières sont une constante de l’action du Gouvernement : dans tous les textes relatifs à la décentralisation, les avantages acquis et les carrières ont été protégés par des articles spécifiques, de manière à éviter aux agents d’éventuelles mutations forcées dans le cadre de la réorganisation des collectivités territoriales.

Je terminerai en appelant l’attention de l’Assemblée et du Gouvernement sur un point : le principe d’égalité entre les membres coopérateurs dans les mutuelles et les sociétés mutualistes. En effet, en l’état actuel du projet de loi, il n’est pas respecté, puisque les fonctionnaires ne peuvent participer à un organe non exécutif d’une structure coopérative au nom de l’interdiction de cumul d’activités. Or, ce type de mandat n’est ni une activité professionnelle ni une activité lucrative. Les amendements que j’ai déposés, ainsi que ceux présentés par mes collègues Carrey-Conte et Juanico, permettront peut-être de revenir sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Pascal Popelin. Très bien !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. J’avoue, madame la ministre, avoir quelques difficultés à comprendre la logique de ce texte, et cela d’autant plus que, comme vous le savez, j’ai eu l’honneur de servir dans la fonction publique durant de nombreuses années, que j’ai bien connu la fonction publique territoriale pour y avoir exercé notamment la fonction de maire d’une grande ville, et que, s’agissant de la fonction publique hospitalière, j’ai eu, pendant une quinzaine d’années, le plaisir de présider le conseil d’administration, puis le conseil de surveillance d’un hôpital.

Vous auriez pu adopter deux approches bien différentes sur ce texte. La première, que je qualifierais de plutôt technique, aurait consisté à prendre un certain nombre de dispositions utiles, relatives en particulier aux aspects concrets de la déontologie et surtout à la question du conflit d’intérêts, ainsi qu’à actualiser ou à lisser les dispositions existantes relatives au statut et à la situation des agents des trois fonctions publiques. L’autre approche aurait été de nous proposer un débat, un vrai débat de fond, sans tabou, sur la fonction publique dans son ensemble.

M. Guy Geoffroy. Ce serait une très bonne chose !

M. Serge Grouard. Au-delà de la question de la fonction publique, je regrette, en tant que parlementaire, que nous ne débattions jamais de la gouvernance de l’État et, de manière plus large, de la gouvernance de toute la sphère publique, de son organisation générale. Évidemment, ces questions dérangent, dans notre pays, mais pourquoi les refuser ici alors que, me semble-t-il, nous représentons la nation ?

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Serge Grouard. L’une de ces questions qui dérange est celle du temps de travail. Certains parmi vous ont posé de nouveau il y a quelque temps la question des 35 heures dans le secteur privé. Mais par expérience, je sais que la question des 35 heures dans les fonctions publiques mérite, elle aussi, d’être posée, sans tabou ! De grâce, ne frappons pas d’anathème ceux qui évoquent ces sujets, les accusant de ne pas aimer la fonction publique et de vouloir casser les statuts des fonctionnaires.

Loin de moi l’idée de casser le statut des fonctionnaires ! Mais je peux vous dire, par expérience, que les 35 heures ont profondément désorganisé la fonction publique, surtout hospitalière et territoriale. C’est là un fait que nombre de responsables, y compris d’une autre sensibilité politique que la nôtre, constatent chaque jour. Au début des années 2000, j’ai moi-même constaté, dans la fonction publique hospitalière, quel casse-tête cela a été, et à quelle catastrophe cela a conduit.

M. Guy Geoffroy. Et conduit encore !

M. Serge Grouard. Ces questions sont aussi liées aux finances publiques, osons le dire. Quand on sait quel pourcentage de la dépense publique est consacré à la rémunération des personnels des fonctions publiques et que l’on est un responsable politique, on ne peut pas ne pas se poser ces questions. Je reconnais qu’elles peuvent déranger, mais enfin, nous sommes là pour ça, me semble-t-il !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ces questions ne me dérangent aucunement.

M. Serge Grouard. Je vous rappelle que le projet de loi de finances prévoit d’augmenter le nombre de fonctionnaires.

M. Pascal Popelin. Notamment au ministère de la défense, comme vous l’avez réclamé à cor et à cri !

M. Serge Grouard. Mais, chers collègues, nous savons tous qu’en l’état actuel de la dette et du solde budgétaire français, il faudra bien avoir un jour ou l’autre le courage de revenir sur les déficits et, pour cela, de poser les questions que je pose aujourd’hui. Bien sûr, tout ne relève pas du domaine de la loi, mais ce texte aurait pu être l’occasion d’un tel débat. Je regrette que ce ne soit pas le cas.

Madame la présidente, je terminerai en abordant un point précis du texte : l’article 1er, qui dénote me semble-t-il un certain embarras. Il énonce le principe de laïcité, et il me semble que cela devait être fait. C’est opportun, et il sera peut-être encore plus important de le rappeler à l’avenir. Mais pourquoi énoncer – car la loi ne « rappelle » pas un principe, elle l’énonce – d’autres principes qui relèvent de l’évidence ? Pourquoi dire que le fonctionnaire doit exercer ses fonctions avec probité !

M. Guy Geoffroy. C’est l’évidence même !

Mme Chantal Guittet. Rien n’est évident !

M. Serge Grouard. Mais si, madame, dans la fonction publique, c’est évident !

Mme la présidente. Monsieur Grouard, merci de conclure.

M. Serge Grouard. L’intégrité est au cœur même de la fonction publique et du comportement des fonctionnaires. Je suis sûr qu’il n’est pas dans votre intention, je ne vous ferai pas ce procès, de mettre en doute leur intégrité. Mais involontairement, simplement en énonçant des principes qui relevaient jusqu’alors de la simple évidence, et ce depuis des décennies – j’allais dire depuis des siècles, tant ils sont constitutifs de la fonction publique, et même de la France elle-même – vous nourrissez une forme de suspicion : puisqu’il faut rappeler ces principes, c’est peut-être qu’ils ne sont pas respectés ?

Mme la présidente. Merci, monsieur le député…

M. Serge Grouard. Je préférerais, madame la ministre, que nous nous dispensions de rappeler ces principes qui sont évidents et qui font l’honneur de notre fonction publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. Il est étonnant de constater qu’à chaque fois qu’une société entre réellement en crise, elle s’attache à redéfinir la déontologie des fonctionnaires. La destruction de la démocratie à Athènes nous fournit un exemple historique très intéressant. À cette époque, l’on inventa la docimasie, dont l’origine vient du mot « épreuve » : les fonctionnaires devaient, lorsqu’ils descendaient de charge, passer un examen déontologique. Parce que la démocratie allait mal, parce qu’elle était en crise, on s’est tourné vers les fonctionnaires, les édiles et les responsables politiques pour leur demander des comptes, comme l’on fait aujourd’hui. Je trouve que c’est un signe clinique intéressant.

Ceci pour dire que ce projet de loi m’intéresse, et que je n’y oppose pas un rejet de principe. Le texte comporte des avancées et des éléments plus critiquables. L’avancée principale, de mon point de vue, est la prescription de trois ans qui enferme dans un délai les actes que l’on pourrait reprocher aux fonctionnaires – étant précisé que, d’un point de vue déontologique, dans les professions libérales, les fautes disciplinaires demeurent imprescriptibles.

Mais ce qui fait le cœur de la difficulté de ce texte, c’est d’une part son imprécision quant aux personnes concernées, et d’autre part – et sur ce point je vous rejoins, chers collègues du groupe Les Républicains, même si cela doit vous faire du mal ! – le fait qu’il conduit à escamoter le débat. Or nous avons besoin de ce débat sur la fonction publique, Nous avons besoin d’une discussion franche, ouverte, libre sur des points tels que la durée du travail, la réalité de la relation hiérarchique, la mobilité, l’appréciation des travaux effectués… Il faut ouvrir le grand débat sur la fonction publique ! Ce n’est pas ce que nous faisons là, et c’est bien dommage.

Ce qui est préoccupant, c’est que ce texte peut être analysé comme un catalogue de la méfiance publique à l’égard des fonctionnaires. Quand on dit que la probité et l’intégrité sont des objectifs que le fonctionnaire doit atteindre, c’est qu’on présuppose que ces qualités ne sont pas acquises. D’une certaine manière, si on lui assigne de tels objectifs, c’est qu’on ne le considère pas capable, spontanément, de les atteindre.

La prétention des hommes politiques passe, voire trépasse, mais si nous n’avions pas de fonctionnaires, où serait la pérennité de l’État ? C’est eux qui permettent à la machine administrative, quoi qu’il arrive, quelles que soient les vicissitudes de l’Histoire, de fonctionner. C’est peut-être pour cela qu’on les appelle « fonctionnaires » : parce qu’ils font en sorte que cela fonctionne !

Ce texte est né des conséquences de l’affaire Cahuzac, ayons l’honnêteté de le reconnaître. Ces conséquences ont d’abord atteint les hommes politiques, par le biais des lois relatives à la transparence de la vie publique, auxquelles nous nous sommes soumis. Certains en ont souffert, d’autres s’en sont très bien tirés : tant pis, ou tant mieux. Et voilà qu’aujourd’hui l’onde de choc atteint les fonctionnaires. Ceux-ci devront affronter, à mon avis, un sentiment de réprobation dont il faut dire qu’il est injuste et injustifié.

On voit, par ailleurs, que certains fonctionnaires échappent à cette réprobation : les magistrats de l’ordre judiciaire, par exemple. Pourquoi cela ? Nous devrions très rapidement adopter une loi organique pour leur demander de passer sous les fourches caudines des exigences de la transparence ! C’est un débat général qu’il faut ouvrir, alors que ce texte, malheureusement, le limite, l’enferme.

Je ne serai pas systématiquement opposé aux dispositions de ce projet de loi : certaines sont bonnes, utiles. Malgré cela il a des aspects essentiellement négatifs en ce qu’il jette sur les fonctionnaires un opprobre qu’ils ne méritent pas et que le débat sur la fonction publique sera censuré, ce qui est très dommage.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Le chœur des critiques et des caricatures grossières qu’il est de bon ton de déverser sur les fonctionnaires est parvenu à faire oublier à bon nombre de nos concitoyens qu’ils constituent l’un des piliers de la cohésion sociale et du fonctionnement démocratique de nos institutions. Parce qu’ils sont régis par un cadre légal clair, cohérent et solide qui s’applique à tous ; parce qu’ils sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, à un socle commun de valeurs, conforme aux principes de la République et respectueux de son idéal d’égalité et de solidarité, ils protègent contre l’arbitraire et sont garants de l’impartialité de l’État tout autant que des droits et des libertés de chacun.

Notre société serait bien mal inspirée, me semble-t-il, de minimiser l’importance de ce rôle, à l’heure où des pays, parfois proches de nous, peinent à se redresser par manque d’administration fiable, à l’heure où tant de peuples dans les zones instables de ce monde, nous envient ces fonctionnaires qui incarnent la réalité de ce qu’est un État. Des gouvernants responsables se doivent de conforter, en l’adaptant aux réalités et aux enjeux nouveaux, leur fonction publique, avec les femmes et les hommes qui la composent. Telle est la finalité du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, qui tend à moderniser le statut général de la fonction publique, resté intact depuis plus de trente ans, si l’on excepte les ajustements à la marge introduits au moyen de la jurisprudence.

En inscrivant dans la loi les valeurs fondamentales qui doivent être respectées par tout détenteur d’un emploi public : la neutralité, l’impartialité, la probité et la laïcité , en approfondissant le régime déontologique des fonctionnaires, en continuité et en cohérence avec les dispositions de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, ce texte répond aux exigences croissantes et légitimes de nos concitoyens à l’égard d’une fonction publique qu’ils veulent irréprochable, efficace et de qualité.

En faisant progresser les droits des agents publics, qu’il s’agisse de l’élargissement de la protection fonctionnelle mise à leur disposition, ainsi qu’à celle de leur famille, ou encore des avancées portées par ce gouvernement en matière d’exemplarité des employeurs publics, ce projet répond aux besoins nouveaux des fonctionnaires, qui n’ont été épargnés ni par la précarité, ni – chacun d’entre nous le sait et s’en émeut régulièrement – par les risques et les dangers croissants qu’ils encourent quotidiennement. Des représentants de l’ordre disparaissent ou sont blessés chaque année. L’actualité de cette semaine nous en fournit encore un terrible exemple et je veux à mon tour saluer leur courage.

Mais au-delà de ces faits, qui demeurent heureusement l’exception, combien d’agents sont régulièrement victimes de comportements inciviques, de menaces, de violences verbales ou physiques traumatisantes ? Consacrer le statut des fonctionnaires en le rénovant, c’est aussi battre en brèche la stratégie du dénigrement élaborée à leur encontre par ceux qui ont l’ambition, vieille comme la République, d’affaiblir ou de démanteler le service public français.

Durant les deux précédents quinquennats, des dégâts significatifs ont été causés à la fonction publique, n’en déplaise à notre estimé collègue Guy Geoffroy dont je salue néanmoins la présence dans notre hémicycle. Compris dans une catégorie prétendument homogène et uniforme, les agents du secteur public ont été ciblés par des décisions trop générales, qui n’ont pris en compte ni la spécificité, ni les besoins des différents corps professionnels. Ainsi la révision générale des politiques publique a-t-elle indistinctement été appliquée aux employés administratifs, aux fonctionnaires de police, aux personnels hospitaliers et aux enseignants.

On pensait nos collègues de l’opposition instruits par les erreurs du passé, que la France paye encore aujourd’hui avec les conséquences désastreuses de cette hémorragie d’effectifs qui ne s’est d’ailleurs absolument pas traduite par la réduction de la dépense publique qui en était espérée.

La lecture des récentes déclarations du président du parti Les Républicains dans le journal Les Échos laisse à craindre que la leçon n’ait pas été tirée. Les vieilles recettes du passé, qui ont démontré leurs capacités à affaiblir le service public sans produire aucun des effets budgétaires escomptés, sont de nouveau sur la table : le rétablissement du principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite semble de nouveau constituer l’alpha et l’oméga de la réflexion de la droite dès lors qu’il s’agit de penser à l’avenir du service public. Cela ne l’empêche pas de réclamer plus de postes de policiers, de militaires et de gendarmes après en avoir supprimé à tour de bras, ni de critiquer la création de postes d’enseignants après en avoir supprimé bien davantage encore – mais au moins, sur ce point, la droite fait-elle preuve de constance et de cohérence puisqu’elle n’en veut pas davantage.

M. Serge Grouard. Quelle finesse ! On n’est pas dans la caricature…

M. Pascal Popelin. Le projet de loi dont nous débattons marque une véritable différence d’approche et d’ambition. Voilà pourquoi il a le soutien des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, avant tout chose, permettez-moi une remarque sur les conditions dans lesquelles nous sommes appelés à débattre. Alors que nous abordons une question majeure, une fois de plus, le Gouvernement a choisi d’engager une procédure accélérée qui biaise profondément le débat parlementaire. Le projet de loi relatif à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires est ainsi discuté dans la précipitation malgré l’enjeu.

Par ailleurs, j’avoue ne pas m’expliquer votre tour de passe-passe : l’utilité d’une lettre rectificative paraît limitée puisque, en commission, il vous a semblé bon de reconstituer le texte d’origine par le biais d’amendements.

En juin dernier, le Gouvernement avait ramené le texte de cinquante-neuf articles à vingt-quatre, renvoyant de nombreux sujets à des ordonnances ; mais la commission des lois de l’Assemblée nationale, lors de sa réunion du jeudi 1er octobre, est revenue sur un certain nombre d’entre eux, si bien que la version que nous étudions aujourd’hui en comporte soixante-dix. Avec la procédure accélérée, le moins que l’on puisse dire est que les conditions pour étudier ce texte sont précaires.

Mais j’en viens à son contenu, d’abord pour déplorer qu’il ne soit pas à la hauteur des objectifs. Alors qu’Emmanuel Macron a récemment remis en question l’intérêt d’un statut de la fonction publique pour certaines missions, le projet de loi vient rappeler la spécificité déontologique du métier de fonctionnaire. Lors de ses vœux aux corps constitués le 8 janvier dernier, le Président de la République a formulé le souhait d’une consécration des règles déontologiques s’appliquant aux agents publics à l’occasion du trentième anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Ce texte a donc deux buts : d’une part, prouver l’attachement du Gouvernement au statut de la fonction publique ; de l’autre, consacrer dans la loi « les valeurs fondamentales communes aux agents publics », renforcer les règles de déontologie dans la fonction publique et mieux garantir les droits des agents. Les dispositions du projet de loi visent donc à mieux prévenir les situations de conflit d’intérêts dans l’administration et, au-delà, à rénover le cadre statutaire de l’exercice des fonctions publiques.

Voilà un peu plus de deux ans que ce texte attend d’être débattu puisque, si ma mémoire est bonne, madame la ministre, vous l’aviez présenté en Conseil des ministres le 17 juillet 2013. Cependant, comme on aurait pu le deviner, il manque d’ambition au regard des objectifs annoncés. La déception est donc à la hauteur de l’attente qu’il avait suscitée. Force est de constater qu’il ne rassure pas vraiment les fonctionnaires sur la préservation de leur statut, pourtant au cœur de l’actualité.

Sur le fond, ce projet de loi est aussi l’occasion de graver noir sur blanc un grand principe, celui de la laïcité ; dans son chapitre IV, les valeurs de « probité », d’« impartialité » et de « neutralité », auxquelles sont déjà astreints les fonctionnaires, sont désormais inscrites en toutes lettres. Il est ainsi précisé qu’un fonctionnaire « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité ». Cependant, je me demande pourquoi a été retirée du texte la mention qui précisait que « le fait pour un fonctionnaire de manifester ses croyances religieuses, dans l’exercice de ces fonctions, constitue un manquement à ses obligations professionnelles ». Je soutiendrai donc l’amendement de mon collègue Dominique Bussereau tendant à rétablir cette mention, afin de rendre opérationnel le respect du principe de laïcité.

Le texte s’attaque également à la prévention du conflit d’intérêts. Il était temps que les fonctionnaires soient aussi soumis à l’obligation de déposer une déclaration patrimoniale à la Haute Autorité de transparence de la vie publique. Cependant, le dispositif est encore largement perfectible. Si je me félicite que les sanctions soient de nouveau explicitement mentionnées en cas de déclaration incomplète, mensongère ou de non-respect de l’obligation de se déporter ou de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts, je constate que le Gouvernement, en multipliant les structures, a rendu le dispositif moins lisible.

La commission de déontologie de la fonction publique a certes des missions renforcées, notamment en matière de contrôle du cumul d’activités et du pantouflage, mais elle ne dispose toujours pas de véritables moyens d’investigation, et se voit même concurrencée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

En conclusion, je retiendrai surtout la déception que nous inspire ce texte, qui sera, je le crains, le seul texte majeur de la législature sur la fonction publique. Celle-ci avait pourtant besoin d’une réforme de fond, car il est grand temps de la repenser. On ne voit pas, à cet égard, où mènent les déclarations de M. Macron. Le temps des demi-mesures doit cesser : il faut mettre en œuvre des mesures fortes si l’on veut inverser la tendance. Même si la France a énormément d’atouts, elle a besoin de grandes réformes structurelles. Oui, la France a besoin d’une fonction publique ; oui, la fonction publique doit perdurer, mais elle doit aussi se réformer ; or ce texte nous laisse sur notre faim. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je suis très heureuse que ce projet de loi nous donne l’occasion de parler de la fonction publique et des fonctionnaires autrement qu’à travers des caricatures et des déclarations intempestives, qui ne font que stigmatiser celles et ceux qui, au quotidien, apportent un service de qualité à nos concitoyens.

Une façon moderne d’ouvrir le débat, ce n’est pas de favoriser la polémique mais de mener une réflexion concertée sur les nouveaux besoins de l’action publique afin de proposer des solutions qui garantissent l’adaptation des administrations à l’évolution de notre société. Ce projet de loi y contribue et je m’en félicite.

Il contient de grandes avancées, que beaucoup d’orateurs ont soulignées : elles modernisent notre fonction publique en institutionnalisant les principes déontologiques et en inscrivant dans la loi leurs modalités d’application ; en consacrant dans la loi les valeurs de la fonction publique que sont la probité, l’impartialité, la neutralité, la laïcité et le service de l’intérêt général ; en actualisant les droits et obligations des fonctionnaires ; en promouvant, enfin, l’exemplarité des employeurs publics.

Le statut de la fonction publique se trouve ainsi conforté et modernisé, preuve, s’il en était besoin, que le modèle statutaire, loin d’être synonyme d’immobilisme, comme on l’entend souvent dire, garantit l’adaptation de nos administrations au changement de la société.

Le statut est porteur de valeurs républicaines et il constitue, ce me semble, le meilleur moyen de répondre à l’exigence fondamentale d’exemplarité de la puissance publique et de garantir le respect de notre modèle de service public.

Pourtant, dans notre pays, les discours sur les fonctionnaires sont parfois marqués au coin de la schizophrénie. On entend souvent dire que les fonctionnaires sont trop nombreux ou qu’ils coûtent trop cher : de fait, ils servent souvent de boucs émissaires. Pourtant, au quotidien, les gens ne parlent pas de « fonctionnaires » mais de travailleurs sociaux, d’employés de mairie, d’enseignants, de policiers, de juges et d’infirmiers, bref, de ceux qui font vivre nos territoires en permettant à tous d’avoir accès aux services publics. Ces fonctionnaires-là, nous les plébiscitons : ils ne sont jamais assez nombreux, jamais assez présents.

Posons-nous la question : les entreprises privées investiraient-elles dans nos communes rurales pour assurer tous ces services ? Assurément non. Au risque d’être accusée de plagiat, je dirai que, lorsque que l’on a des fonctionnaires talentueux, qui œuvrent pour l’intérêt général, il faut les soutenir jusqu’au bout.

Je conclurai en évoquant mes amendements qui tendent à réduire le nombre de ceux qu’on appelle les « reçus-collés ». Curieusement, des jeunes peuvent avoir réussi un concours difficile dans la fonction publique territoriale et perdre, au bout de trois ans, le bénéfice de ce résultat faute d’avoir été recrutés par une collectivité. Les intéressés n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour trouver un poste,…

M. Thierry Mariani. C’est vrai.

Mme Chantal Guittet. …et beaucoup d’entre eux, au cours de ces trois années, ont assuré des remplacements au sein de collectivités. Je propose de porter pour tous les candidats à quatre ans la période d’inscription sur les listes d’aptitude. Cette modification apporterait, si je puis m’exprimer ainsi, un certain confort aux lauréats dans leur recherche d’emploi. Pour valoriser l’expérience acquise pendant les remplacements qu’ils auraient effectués, je propose aussi que chaque période travaillée dans une collectivité donne lieu à une suspension du décompte de la « période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude ».

Les membres de la commission des lois, sensibles au sort de ces jeunes lauréats et au gâchis intellectuel et financier que représente le phénomène des reçus-collés, ont adopté ces amendements, ce dont je les remercie. Je suis néanmoins consciente que ces mesures n’apporteront pas de solution définitive au phénomène : l’idéal serait bien entendu que chaque lauréat soit immédiatement affecté à un poste, comme c’est le cas dans la fonction publique d’État : c’est là, peut-être, un grand chantier à ouvrir dans un proche avenir.

Ce projet de loi traduit l’attachement de l’État à sa fonction publique en donnant à celle-ci plus de moyens pour que les fonctionnaires assurent leurs missions. Il a donc tout mon soutien.

M. Pascal Popelin. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je serai brève, la plupart des interventions ayant été de grande qualité. Je remercie, à cet égard, les parlementaires d’être entrés dans le détail du texte, et leur répondrai au fil des amendements, auxquels beaucoup d’orateurs, notamment ceux qui ont émis des critiques, ont fait référence.

Si vous estimez, monsieur Geoffroy, que j’ai tenu en commission des propos inappropriés sur Les Républicains, je vous prie de m’en excuser, même si M. Mariani semble avoir une perception un peu différente de la vôtre. Quoi qu’il en soit, je ne visais pas les parlementaires mais les propos que l’on entend en permanence à la radio ou à la télévision.

M. Ary Chalus. Exactement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les fonctionnaires que j’ai rencontrés au cours de mes deux cent cinquante-trois déplacements m’ont confié avoir l’impression, en écoutant la radio et la télévision, ou en lisant les journaux, d’être tenus pour responsables de la situation des finances publiques et des problèmes des Français, alors même qu’ils contribuent à la solidité de la nation. Ce n’est certes pas en les plaçant dans cette situation délicate, y compris à leurs propres yeux, que l’on fera avancer le service public.

J’ajoute que les fonctionnaires ont toujours voulu et veulent faire avancer les choses et qu’ils formulent des propositions. Le protocole d’accord que j’ai négocié avec eux témoigne ainsi d’un souci d’améliorer la gestion des ressources humaines, la mobilité et les parcours professionnels. Les fonctionnaires ne constituent pas un corps figé dans l’immobilisme : ils sont aussi des citoyens et, à ce titre, ils ont le souci de leur pays et de son bon fonctionnement. Bref, il faut sortir des clichés.

On a évoqué la jurisprudence relative au devoir de réserve et, en commission, les députés socialistes m’ont interpellée, à travers un amendement, sur les centres d’intérêts moraux et matériels ; mais le mieux est d’en débattre en entrant dès à présent dans le vif du sujet. Veillons, en tout cas, à ce que nos fonctionnaires se sentent soutenus.

Si j’ai confié, à la demande du Premier ministre, une mission sur les 35 heures dans la fonction publique à M. Philippe Laurent, qui n’est pas de notre bord politique, c’est pour mettre les choses à plat. Les 35 heures, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, ont effectivement eu un effet déstabilisateur dans les hôpitaux, les 45 000 postes promis n’ayant pu être créés tout de suite. Le problème n’est pas nouveau : pourquoi n’y a-t-on pas porté remède plus tôt ? Pourquoi devrait-il être réglé sur-le-champ ? Cela appelle bien sûr une nouvelle réflexion. Au reste, les syndicalistes eux-mêmes nous avaient interrogés sur le sujet : alors ministre en charge de l’administration pénitentiaire, je n’avais pu y appliquer les 35 heures, faute d’une formation suffisante des personnels. En tout état de cause, il y a eu un décalage entre le besoin de fonctionnaires dans les hôpitaux et la mise en œuvre des 35 heures. Ne restons pas figés sur le sujet : réfléchissons-y avec clarté et lucidité.

Je dis simplement que les commentaires sont parfois faits à l’emporte-pièce : demander dans un article, dans un livre ou à la radio que les fonctionnaires passent immédiatement de 35 heures à 39 heures, cela représente quatre heures de plus et a donc un coût : il faut bien tout examiner.

De même, pourquoi exiger que l’on aligne le régime des cotisations retraite des salariés du public sur celui du privé ? C’est fait ! Depuis quelques années, les cotisations retraite augmentent tous les mois afin qu’en 2020, le taux de cotisation soit exactement le même dans les deux régimes. Pourtant, un certain nombre de personnalités politiques – je ne citerai personne – continuent à dire à la radio ou à la télévision qu’il faut les aligner : or c’est fait !

C’est cette ambiance générale qui pose problème ; mais nous y reviendrons dans le détail par la suite. Je retiens que l’ensemble des parlementaires ici présents ont soutenu notre fonction publique comme élément fondamental de la République : je tenais à souligner ce bon moment.

Source: Assemblée nationale compte rendu du mercredi 07 octobre 2015

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