Le droit d’expression des militaires chez nos voisins européens

            Le magazine Armée d’Aujourd’hui de février 2003 évoque la question de l’expression des militaires au sein des armées en Europe. Cette liberté d’expression est diversement traitée selon qu’il s’agisse du Danemark, de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne. Mais quel que soit le traitement de cette question, force est de constater que ces Pays sont très en avance sur la France. C’est pourquoi il me paraît intéressant de comparer les avancées de ces Pays européens par rapport au statut général des militaires relevant de la loi 72-662 du 13 juillet 1972, à un moment où la ministre de la Défense met en place une commission d’étude sur la réforme de ce statut.

            En Allemagne et au Danemark, le droit d’expression n’est soumis à aucune contrainte. Le Major (commandant) T. Schackinger indique que les forces armées danoises tiennent « absolument à ce que les militaires s’expriment librement en public, surtout quand il y a un débat concernant les questions de Défense ». Au Danemark, « les militaires sont avant tout, des citoyens » tout comme en Allemagne d’ailleurs où « le concept du soldat citoyen est à la base du « Zentrum Innere Führung » ».

            Quant aux militaires britanniques, ils sont « des sujets de la Reine qui doivent lui obéir, quels que soient les ordres… »Mais « les armées sont aujourd’hui très à l’écoute du personnel » explique un officier supérieur de la Royal Navy ; d’ajouter « Maintenant, les gens qui viennent faire carrière chez nous attendent tout naturellement que l’institution soit attentive à ce qu’ils pensent. On ne peut plus dire aux militaires qu’ils n’ont qu’à se taire et accepter les choses telles qu’elles sont. Si on en était encore là, les gens quitteraient les armées. »

            Cette prise de conscience permet en fait de désamorcer bien des crises et évite une hémorragie de départs au sein de ces armées. On ne peut pas parler de telles avancées en France où le militaire est considéré comme un citoyen totalement à part!

            La liberté d’expression est limitée par un droit de réserve excessif (article 7 de la loi de 72).

            Le droit d’adhérer à des groupements ou associations à caractère syndical (Art.9) est quant à lui interdit.

            Rien de comparable avec le Danemark où le ministre de la défense maintient un bureau spécial pour discuter des questions relatives aux conditions matérielles avec les syndicats des militaires notamment dans le cadre de la préparation du budget des armées.

            Rien de comparable avec l’Allemagne où les militaires n’ont pas le droit de grève mais celui de manifester en uniforme pour des questions non politiques les concernant (matériel, soldes, …). C’est ce qui se produisit dans les années 1980.

            En France nous sommes loin des exemples Danois, Allemand ou Anglais dans l’analyse de la fidélisation des militaires !

            Même si je vois mal des militaires manifester, je me demande quelle voie le ministère de la défense va emprunter pour rétablir le militaire dans son statut de citoyen lorsque le Chef de l’Etat, dans son discours en réponse aux voeux des armées le 7 janvier 2003 réaffirme les principes intangibles du métier de militaire : « Disponibilité, neutralité, discipline qui interdit la constitution et l’adhésion à des groupements professionnels à caractère syndical » ?

            La seule chose qui pointe à l’horizon est le renforcement des pouvoirs du CSFM et des différents CFM. Mais pour leur conférer une légitimité, faudrait-il encore que leurs représentants soient élus! Une réforme en profondeur du statut de 72 alors que nous entrons dans le III° Millénaire et que la professionnalisation des armées est accomplie me paraît bien compromise !

Florence

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