Porte-avions dans le Golfe : après le coût, l’apport capacitaire en discussion

Il y a deux semaines la révélation sur ce site du coût hebdomadaire du déploiement du porte-avions Charles-de-Gaulle dans le golfe Persique (4,5 millions d’euros) avait suscité des réactions très diverses dans les milieux dits spécialisés. Certains évoquaient notamment l’ire de certains marins à la suite des interrogations posées sur l’apport opérationnel de ce déploiement.

Une nouvelle question écrite de François Cornut-Gentille risque d’entretenir le débat. Question simple portant sur « la plus-value capacitaire apportée par le groupe aéronaval (GAN) dans les opérations contre l’État islamique ».

La réponse du ministre de la défense publiée cette semaine au journal officiel est perturbante sur plusieurs points :

1° : « D’un point de vue strictement opérationnel, la présence du GAN dans le golfe arabo-persique a eu pour effet de hisser la France au deuxième rang des contributeurs de la coalition dans le domaine de l’aviation de chasse, sans qu’il soit nécessaire d’aménager des infrastructures au sol ». Certes, mais un porte-avions, ce n’est pas gratuit et les infrastructures au sol ne sont pas là pour 8 semaines.

2° : « Le positionnement du porte-avions Charles de Gaulle à proximité du théâtre d’opérations a de plus permis de réduire la fréquence des mouvements de Rafale entre l’Irak et la base aérienne d’Al Dhafra (Émirats arabes unis) et, en conséquence, d’alléger les contraintes pesant sur le dispositif de ravitaillement des aéronefs de la coalition. » Observation totalement recevable compte-tenu des difficultés françaises à acquérir de nouveaux avions ravitailleurs en vol. Mais, le ministre passe sciemment sous silence la présence d’avions français sur une base jordanienne à partir de laquelle ils peuvent frapper directement le sol irakien… Et pourquoi dans ces conditions avoir retiré le porte-avions des opérations ?

3° : « En matière de collecte du renseignement, l’engagement quotidien de deux Rafale marine réalisant des missions de reconnaissance aérienne a abouti à la constitution de 1 173 dossiers images en une quarantaine de jours, améliorant considérablement la capacité d’appréciation autonome de la situation par la France et facilitant la connaissance de la zone par les forces de la coalition. » Doit-on en déduire qu’avant le porte-avions, on frappait à l’aveugle ? Quid des satellites militaires et des pod Reco-NG accrochés aux avions de chasse ?

4° « La présence au sein du GAN de deux officiers américains participant à la fusion du renseignement recueilli par les capteurs français et par ceux de la coalition a permis l’ouverture de nouveaux canaux d’échanges concernant prioritairement la situation terrestre en Irak. » Même question que précédemment : rien n’était fait avant l’arrivée du Charles-de-Gaulle ?

5° « Enfin, les missions de surveillance et de contrôle du champ de bataille effectuées chaque jour par l’avion de guet Hawkeye embarqué sur le porte-avions Charles de Gaulle ont complété celles accomplies à partir des bâtiments américains et du centre spécifique implanté au Koweït. Elles ont ainsi largement contribué à assurer la permanence d’une fonction indispensable pour la conduite efficace des opérations aériennes. » Bis repetita.

S’interroger sur le coût et l’apport du groupe aéronaval dans un conflit n’est pas une remise en question des qualités professionnelles des personnels embarqués. Cela vise simplement à obliger le ministre de la défense et les chefs d’état-major à réfléchir sur le devenir d’un tel équipement extrêmement structurant de la marine nationale, au détriment d’autres missions. Le contexte budgétaire n’autorise plus de dépenses sans justification. Il impose de prioriser les missions et les équipements nécessaires pour les accomplir, d’éviter de doublonner pour faire plaisir à telle ou telle arme. Face aux réponses imprécises voire criblées d’oublis, il est du devoir du Parlement de persister dans ses interrogations pour contraindre ministre et chefs d’état-major à sortir de l’esquive.

Source: francois.cornut-gentille.fr

À lire également