L’action du vice-président de la commission Défense (Jean-Jacques CANDELIER)

Actualisation de la loi de programmation militaire

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, chers collègues, faisons le bilan du débat relatif à l’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Le groupe Les Républicains a fait preuve de peu d’opposition, et pour cause : les évolutions en matière de défense sous François Hollande sont dans le droit fil de ce qui se passait sous Nicolas Sarkozy.

La privatisation de l’industrie de défense continue. La vente de notre patrimoine militaire – pour remplir, à courte vue, les caisses – est toujours d’actualité. Les restructurations et dissolutions ne sont pas remises en cause, pas plus que le partenariat public-privé avec Bouygues pour l’opération de Balard.

Après dix ans de baisse du budget, 3,8 milliards d’euros supplémentaires seront attribués à la défense au cours des quatre prochaines années, mais 2,5 milliards sont programmés après 2017, c’est-à-dire pour les années 2018 et 2019. Cet effort supplémentaire intervient surtout parce que la politique d’austérité ne permet plus de faire fonctionner l’armée au quotidien. Beaucoup trop d’équipements sont vétustes. L’entraînement des personnels comme la vie courante dans les unités font les frais de l’austérité.

Rappelons qu’entre 2008 et 2013, la précédente loi de programmation a supprimé 54 000 postes. Dès 2007, la France s’est alignée sur les positions des États-Unis, en réintégrant le commandement militaire de l’OTAN.

Les suppressions de postes continuent, même si leur ampleur est moindre. Si aujourd’hui les crédits attribués au ministère de la défense augmentent et si la baisse des effectifs subit un coup de frein, c’est pour assurer l’opération Sentinelle, lancée après les attentats de janvier, ainsi que les nombreuses opérations extérieures, notamment en Afrique et en Irak – dont on ne voit pas la fin. La France continue à se faire le gendarme de l’Afrique et à placer ses pas dans ceux des Américains.

Je commenterai trois points particuliers. Ce projet de loi contient une expérimentation portant sur le service militaire volontaire. Alors que de trop nombreux jeunes rencontrent de graves problèmes d’insertion, il sera créé un service militaire volontaire destiné aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, et ce pour une durée variable de six mois à un an. Une formation militaire élémentaire, pour une durée d’un mois, au sein de l’armée de terre, leur apprendra le goût de l’effort et du dépassement. Cette expérimentation va dans le bon sens : 1 000 jeunes seraient concernés, ce qui est toujours bon à prendre, mais ce qui est trop peu.

Deuxième point : le texte prétend appliquer les arrêts rendus en matière de représentation professionnelle par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre dernier. Là non plus, ce texte ne va pas assez loin. On peut s’attendre à l’ouverture d’autres contentieux qui aboutiront à ce qu’un jour les militaires aient le droit de se syndiquer. Je rappelle que les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de restrictions légitimes, mais pas au point d’interdire, de manière pure et simple, de constituer un syndicat ou d’y adhérer. Or, cette interdiction subsiste. S’appuyant, de manière orientée, sur les règles de la discipline militaire, le texte propose, avec des associations professionnelles strictement encadrées, une réforme a minima. Il n’y a pourtant aucune incompatibilité entre la discipline militaire et le fait de défendre les conditions de vie et de travail. La position réactionnaire du Front national dans ce débat est à noter : il voudrait conférer un caractère expérimental aux associations professionnelles nationales de militaires, les APNM. Ce parti, qui prétend défendre les sans-grade et les petits, est hostile à toute réforme permettant d’améliorer les conditions de travail et de vie des militaires les plus humbles. Les militaires sont des professionnels qui connaissent les aspects opérationnels et savent qu’à l’instar d’autres professions, ils n’ont pas le droit de grève. Ils savent aussi ce que neutralité et discipline veulent dire.

Troisième point : en dépit de son inutilité, la dissuasion nucléaire reste malheureusement la clé de voûte de notre défense. Elle engloutira, pour la période 2015-2019, 19,7 milliards d’euros, contre 41,8 milliards dévolus à l’armement conventionnel. Toute perspective d’interdiction de cette arme, sur le modèle de l’interdiction des armes chimiques, a été écartée. La dissuasion nucléaire coûte chaque jour 10,8 millions d’euros à notre pays. L’austérité, qui détruit nos services publics, ne vaut donc pas pour l’armement nucléaire, dont on sait pourtant quelles conséquences il pourrait avoir pour les civils. Je ne cesserai de le répéter : la poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire, qui prépare leur renouvellement, ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits en signant le traité de non-prolifération.

En conclusion, ce projet de loi met un terme à certaines élucubrations comptables comme les sociétés de projets. Certaines recettes exceptionnelles sont transformées en crédits budgétaires, ce qui est positif. Mais la France reste prise entre le marteau de la politique d’austérité exigée par Bruxelles et l’enclume des missions confiées à nos armées. C’est toute la stratégie de défense, l’organisation de nos armées et de leurs équipements qu’il faudrait revoir.

Ce projet de loi, s’il n’est pas entièrement négatif, ne se conjugue pas avec une réelle politique de défense nationale au service du peuple français et de la paix dans le monde. Aussi les députés du Front de Gauche voteront-ils contre.

Discussion générale :

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, permettez-moi, à nouveau, de déplorer ce qui s’apparente quelque peu à un coup de force. L’examen de cette actualisation de la loi de programmation militaire intervient en effet deux semaines après le passage du texte en conseil des ministres. Nous n’avons pas eu le temps d’assimiler le contenu des différentes auditions et de faire un travail d’amendement approfondi.

Le projet de loi est dense et fourni. Il prévoit, par exemple, l’introduction d’une expérimentation du service militaire volontaire – SMV – qui pose de nombreuses questions. Un tel sujet mériterait un débat à lui seul.

Recours aux ordonnances, procédure accélérée, délais réduits au minimum… Le but est-il d’influer le moins possible sur les projets du Gouvernement ?

Je considère que le Parlement ne doit pas être la chambre d’enregistrement de l’exécutif. Pour bien légiférer, la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif s’impose. Prenons, par exemple, la question de la réserve opérationnelle. Des contradictions existent entre une augmentation de la disponibilité des réservistes et la volonté du Gouvernement employeur de ne pas réduire le temps de travail des fonctionnaires. Si le but est d’arriver à créer une force de réserve, qui manque à la France, des réformes strictement normatives s’imposent.

Bien sûr, les amendements de Mme la rapporteure sur ce sujet laissent entière la question de la mise à contribution de tous les employeurs de France à la réserve. Nous pensons que la loi doit être la même pour tous, surtout avec les nouveaux cadeaux que vient de recevoir le patronat. Nous ne voulons pas d’une réserve composée de fonctionnaires et de membres des services publics.

Mais on le voit – l’examen du projet de loi en commission l’a encore démontré – on ne peut pas compter sur la mobilisation patriotique des employeurs, qu’ils soient privés ou publics, en faveur de l’effort de réserve. L’histoire a tranché : l’esprit du 11 janvier ne pèse pas lourd par rapport à la défense de certains intérêts particuliers. Il semble que quinze jours par an, bien organisés et planifiés à l’avance, constituent, hors temps de crise, un seuil incompressible.

L’État employeur est aussi en conflit d’intérêts sur la question de la syndicalisation. Le projet de loi prétend appliquer les arrêts rendus en la matière par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre dernier : or on s’aperçoit qu’il les contourne.

Je fais la mise en garde suivante : si nous n’amendons pas le texte pour le mettre en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, on peut s’attendre à l’ouverture d’autres contentieux qui, tôt ou tard, donneront corps au droit pour les militaires de se syndiquer. Je rappelle en effet que, dans deux arrêts du 2 octobre 2014 de la Cour européenne des droits de l’homme, les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de restrictions légitimes, mais pas au point d’interdire, de manière pure et simple, de constituer un syndicat ou d’y adhérer.

Or cette interdiction subsiste dans le projet de loi. S’appuyant de manière orientée sur les règles de la discipline militaire, le texte propose une réforme a minima, avec des associations professionnelles strictement encadrées. En fait, les gouvernements successifs n’ont jamais voulu de syndicats dans les armées, se retranchant derrière une incompatibilité supposée entre la discipline militaire et le fait de défendre les conditions de vie et de travail.

Cette supposée incompatibilité n’existe ni en Allemagne, ni en Belgique, ni aux Pays-Bas, et encore moins en Suède où les militaires sont libres d’adhérer à un syndicat. Les associations professionnelles sont introduites à contrecœur par le pouvoir. Aucune audition de syndicats représentatifs de la fonction publique n’a notamment été organisée.

On nous explique qu’à l’étranger, ce n’est pas pareil, parce que les armées en question sont faiblement sollicitées. La syndicalisation dans l’armée allemande date de Bismarck, suite à la guerre de 1870. Il me semble que ce pays a connu depuis quelques guerres bien tendues depuis.

Cet argument ne tient pas debout, et il est hors sujet. Les militaires sont des professionnels qui connaissent les aspects opérationnels et savent que, comme d’autres professions, ils n’ont pas le droit de grève. Ils savent aussi ce que neutralité et discipline veulent dire.

D’un point de vue financier, le Gouvernement est contraint de revoir la programmation militaire 2014-2019, inspirée du Livre blanc de la défense nationale. Cette programmation était intenable financièrement, vu les missions confiées aux armées et l’absence des ressources exceptionnelles prévues.

On nous propose d’ajouter des crédits au budget pour continuer comme avant et pour combler certaines lacunes et erreurs d’appréciations. Le Gouvernement continue de mener, avec des œillères, une politique au coup par coup. Il n’y a, en effet, rien de nouveau depuis fin 2013 en matière de situation géopolitique internationale et de menace terroriste.

Cette actualisation s’impose surtout à cause du déséquilibre financier de la loi de programmation militaire – LPM – que nous avions dénoncé. Il s’agit d’augmenter les crédits attribués au ministère de la défense et de limiter la baisse des effectifs des armées afin de faire face à l’opération Sentinelle décidée suite aux attentats de janvier et de participer aux nombreuses opérations extérieures – OPEX.

C’est toute la stratégie financière du ministère, ainsi que les missions et l’organisation de nos armées, qu’il faudrait revoir. Après dix ans de baisse continue du budget de la défense, 3,8 milliards d’euros de plus seront attribués à celle-ci au cours des quatre prochaines années, dont 2,5 milliards d’euros au cours de la prochaine mandature.

Le dispositif Sentinelle, disons-le, constitue avant tout d’une opération de communication, qui, pour rassurer la population, nous coûte 1 million d’euros par jour. Or on le sait, les dispositifs de dernière ligne sont particulièrement peu opérants pour empêcher une action terroriste judicieusement planifiée.

L’argent ainsi dépensé serait mieux utilisé dans le renseignement militaire et le suivi des réseaux terroristes. D’ailleurs, ce sont souvent des militaires qui reviennent d’OPEX qui sont chargés d’assurer les missions de surveillance, ce qui a des conséquences désastreuses pour leurs familles.

En ce qui concerne les opérations extérieures, la tentaculaire opération Barkhane, lancée en plein été 2014 sans débat ni vote au Parlement, couvre cinq pays africains et mobilise environ 3 000 militaires. Elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de forces prépositionnées, la France se faisant le gendarme de l’Afrique et assurant la sous-traitance de ce continent pour les Américains.

Il faudrait évaluer les résultats de cette opération au lieu de continuer. Nous n’arrivons pas à sortir de ces pays, et l’image de la France commence sérieusement à s’y dégrader. En matière d’effectifs, s’il était prévu 33 675 suppressions de postes, 18 750 seront finalement épargnés. En clair, on continue de supprimer des postes alors que nos armées sont placées sous une tension infernale.

M. le ministre de la défense a annoncé son plan de restructuration : fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce et d’une base navale, dissolution d’un régiment et désarmement de cinq bâtiments de la marine. J’ai aussi interrogé le Gouvernement sur la situation des personnels de la maternité de l’hôpital d’instruction des armées Bégin, qui cessera ses activités à compter du 30 juin : ces fermetures et dissolutions ne sont pas remises en cause.

La vente de notre patrimoine militaire est toujours d’actualité pour combler, à courte vue, les trous financiers. Au sein de la Direction générale de l’armement – DGA –, il existe actuellement près de 10 000 agents, dont 8 000 civils. D’ici à 2019, les départs à la retraite devraient être de l’ordre de 1 800, et environ 1 000 agents, dans le meilleur des cas, devraient être embauchés. La DGA va donc continuer à perdre des effectifs, surtout des ouvriers.

Les futures embauches concerneront surtout des ingénieurs, ce qui changera profondément le travail au sein de la DGA. Comment croire que cette direction restera toujours l’autorité technique unique en France pour l’armement ? La rallonge pour les crédits d’équipement sur toute la période, d’un montant de 1,7 milliard d’euros, représente une goutte d’eau. Selon certains, il faudrait 10 milliards !

Commandes insuffisantes, investissements en recherche et développement faibles, véhicules hors d’usage, déficit en renseignement militaire, cyberdéfense médiocre, incapacité de projection stratégique du fait de l’absence d’avions et de navires aptes à assurer le soutien logistique : il y a un fossé énorme entre les moyens des forces armées et les missions qui leur sont demandées par la puissance publique.

De son côté, la dissuasion nucléaire engloutit, pour la période 2015-2019, 19,7 milliards d’euros, contre 41,8 milliards pour l’armement conventionnel. En matière de nucléaire, il y aurait des économies à faire. Le respect du principe de stricte suffisance est contradictoire avec les programmes de modernisation et de développement de nos bombes nucléaires.

La poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire, qui prépare leur renouvellement, ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits en signant le traité de non-prolifération. On le voit, l’austérité n’est pas pour tous.

Elle ne s’applique pas à Bouygues qui va, grâce au partenariat public-privé signé pour Balard, toucher au total, sur vingt ans, trois fois le prix de la construction. L’austérité ne s’applique pas plus à l’OTAN, dont le rapport annexé ne cesse de chanter les louanges, au détriment de l’ONU. Il est vrai qu’en Libye, son bilan est formidable !

Il n’y a aucune remise en cause de l’intégration française au commandement intégré de l’OTAN, ni de notre soumission aux ambitions géopolitiques des États-Unis. L’Alliance atlantique est une alliance guerrière qui se croit investie de la sécurité du monde en lieu et place de l’ONU.

Elle alimente une guerre entre ce qu’elle qualifie d’« Ouest » et d’Occident : il faut sortir de ce traité. Nous dénonçons la mise sous commandement américain de notre porte-avions Charles-de-Gaulle lors de l’opération Chammal en Irak.

Plus inquiétant encore, François Hollande a, le 19 février dernier à Istres, repris le concept belliciste de dissuasion élargie, qui alimente la menace gravissime d’une confrontation nucléaire avec la Russie à propos de l’Ukraine. Comment se fait-il que l’Union européenne dépense plus d’argent pour aider le gouvernement mafieux et illégal d’Ukraine, qui n’est pas membre de l’Union européenne, que la Grèce, qui en est membre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Pour conclure, je dirai que le ministère de la défense et l’état-major des armées demandent, depuis très longtemps, une rallonge budgétaire, tout simplement parce que la politique d’austérité ne leur permet plus de faire fonctionner l’armée au quotidien.

La France est en effet prise entre le marteau de la politique d’austérité exigée par l’Europe de Bruxelles et l’enclume des missions confiées à nos armées. Cette actualisation ne se conjugue pas avec une réelle politique de défense nationale au service du peuple français et de la paix dans le monde.

D’ailleurs, dans la mesure où tous les autres budgets sont à la diète, notamment l’aide publique au développement, elle marque une tendance inquiétante à la militarisation des problèmes du monde : migrations, sécurité intérieure, forces spéciales et projection de forces. Cela nous inquiète : il faut donc encore améliorer le texte, notamment le chapitre II.

Le cabinet de Jean-Jacques Candelier,
Député du Nord,

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