Formatés, les gendarmes pensent plus à défendre leurs chefs que leurs futurs droits (Michel Munier)

Le journal Polémia, dans un article laissant supposer que « Hollande et Cazeneuve veulent la peau du général Favier, le directeur de la gendarmerie » , a jeté le trouble dans ce milieu.

Cet article, de François Chardon, présenté comme consultant dans le domaine de la sécurité et de l’intelligence économique, soutient que des rumeurs circulent au sein du ministère de l’intérieur et de la direction de la gendarmerie, selon lesquelles le gouvernement affaibli par la mort de Rémi Fraisse sur le barrage de Sivens, aurait décidé de faire porter le chapeau au patron des gendarmes.

Cette nouvelle a aussitôt enflammé les réseaux sociaux. De nombreux posteurs parmi lesquels des gendarmes ont aussitôt manifesté leur réprobation. Ils se sont élevés contre une éventuelle mise au placard de leur patron, allant même jusqu’à menacer de descendre dans la rue.

Jacky Mestries, auteur de « La grogne dans la gendarmerie » , dans un article qui fait un carton, se fait le relais du « papier » de François Chardon et met en garde :

«  …  le départ de Denis Favier de la direction de la Gendarmerie sera un choc pour lequel le gouvernement n’est pas armé. C’est lui qui sombrera dans une erreur pareille… »   « La mise en cause du général … ne se passera pas sans conséquences … » « Les gendarmes ne vont pas s’endormir Monsieur Cazeneuve, ils ont l’habitude de veiller et d’attendre pour intervenir, c’est leur métier. » 

Ce qui est désormais présenté comme une rumeur sans fondement était en passe de prendre une telle ampleur qu’elle a imposé au général Favier en personne d’intervenir pour calmer les esprits.

C’est sur son blog, uniquement accessible par l’intranet gendarmerie ou par la plateforme Gendcom mais visible sur le forum Gendcité-Gendmonde,  que le DGGN communique que ces informations sur son départ prochain sont soit des maladresses, soit des tentatives de manipulation, qu’il n’est pas sur le départ et qu’il a bien l’intention de poursuivre la dynamique engagée collectivement.

Et si le gouvernement avait réellement décidé de débarquer dans les prochains mois le général Favier, ça changerait quoi ? Rien évidemment.

Les gendarmes continueront à remplir leur devoir et accomplir leur mission. Ce n’est pas à eux de décider qui doit les diriger ou non. Les directeurs de la gendarmerie sont, rappelons le, nommés en conseil des ministres et leur rôle est d’organiser la gendarmerie pour qu’elle réponde aux objectifs gouvernementaux afin de mettre en oeuvre les moyens pour qu’elle exécute ses missions. Les gendarmes servent l’Etat, pas un général.

Alors, plus que la volonté du gouvernement de faire porter le chapeau au général Favier suite à la mort accidentelle d’un manifestant lors d’opérations de maintien de l’ordre, il se pourrait bien que le culte du chef qui semble se manifester sur les réseaux sociaux à chaque fois qu’un haut dignitaire de la gendarmerie est mis en cause soit une bonne raison pour l’écarter.

Rappelez vous au début de cette année, le général Soubelet, présenté comme le n° 3 de la gendarmerie, lors qu’une audition à l’assemblée nationale, avait avancé que la politique pénale actuelle profitait davantage aux délinquants et qu’elle compliquait le travail des gendarmes. Les gendarmes voyant à travers  cette audition médiatisée, un chef qui enfin les représentait et qui osait dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas,se sont sentis investis du devoir de chanter ses louanges sur le net. Très vite, une page de soutien au général est apparue sur facebook, recueillant des dizaines de milliers de « like », l’obligeant à intervenir sur ces mêmes réseaux sociaux pour calmer cet emballement médiatique. Depuis, il a été relevé de ses fonctions et a été affecté au commandement de la gendarmerie d’outre-mer.

Nous retrouvons aujourd’hui sensiblement le même cas de figure. Dans les médias, le DGGN a récemment  précisé qu’un concours de circonstances défavorable est à l’origine de la mort d’un manifestant à Sivens, puis a souligné qu’il soutenait ses hommes.

Suivant la même logique que celle de l’affaire Soubelet, les gendarmes ont vu par ces déclarations un chef qui les soutient, et l’article de Polémia préjugeant de son éventuelle mise à l’écart, a suscité chez eux une réaction visible sur les réseaux sociaux. Tout comme Soubelet, le général Favier a été amené à intervenir sur le net pour calmer cet emballement médiatique.

Ces généraux qui, à travers les médias même s’ils ne recherchent pas cette médiatisation, laissent l’impression à leurs personnels d’être leurs défenseurs premiers deviennent à leurs yeux ceux qui sont les plus à même de défendre leurs intérêts. C’est ainsi que naît ce capital sympathie qui pousse ces mêmes personnels à leur vouer une adulation excessive qui pourrait être nuisible à la vie de la cité. De tout temps, l’histoire nous a montré que le culte du chef, cette habitude féodale, n’est pas compatible avec une société qui se veut démocratique.

Si l’histoire ne dit pas encore si le général Favier , comme le général Soubelet, sera écarté de la direction générale, elle confirme en tout cas que de nombreux gendarmes, face à ces libertés nouvelles que leur permet internet, les utilisent pour se porter défenseurs de leurs chefs plutôt que pour défendre leurs propres intérêts.

J’en veux pour preuve que la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) vient d’ouvrir récemment de nouvelles perspectives qu’on peut qualifier de révolutionnaires en matière de représentation. Pourtant ce  combat, qu’ont notamment menés l’ADEFDROMIL et le gendarme MATELLY, qui ouvre aujourd’hui à la grande muette la possibilité de ne plus être muette, ne semble pas susciter une grande adhésion.

Peut-être que….

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Cette publication a un commentaire

  1. Anonyme

    Très bon article qui reflète bien la réalité. Que c’est triste.

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