La Croix de la Valeur Militaire ou : Rendons au Chef son autorité et sa place

Propositions en forme de réflexions de l’ADEFDROMIL

La lecture de l’excellent article du capitaine E. GEORGESCO dans « ARMEES D’AUJOURDHUI » n° 276 de décembre 2002 sur l’attribution de la Croix de la Valeur Militaire (CVM) pour action d’éclat, entraîne quelques réflexions sur la place de l’EMA en particulier et la « place du chef » en général. Ne s’agit-il pas d’un problème récurrent ?

En lisant cet article, nous nous rendons compte du poids de l’expert chancelier et de l’EMA, qui filtrent et contrôlent aujourd’hui toutes les propositions d’attributions de la CVM. Il était auparavant d’usage qu’à partir d’une certaine taille de la force opérationnelle, le commandant de la force était seul juge des attributions de CVM d’un ordre inférieur à son échelon de commandement (pour une force équivalente à une brigade le COMFORCE pouvait attribuer celles de l’ordre du régiment), et l’EMA se chargeant des CVM d’ordres supérieurs. L’objectif étant d’éviter les abus pour conserver le prestige de la CVM, qui ne doit récompenser que les actions d’éclat.

Ce pouvoir, cette responsabilité, paraissaient conformes au bon sens en raison d’une part de sa présence sur place, d’autre part du choix de l’EMA qui l’avait désigné. C’est au « chef », conformément aux consignes reçues au départ et modifiées par la nécessaire adaptation aux circonstances, et à lui seul, que revenait la responsabilité de la décision d’attribution et du maintien du prestige de ces récompenses exceptionnelles, qui doivent être citées en exemple pour encourager le dévouement, d’où la citation.

Par analogie, verrait-on un ingénieur de l’armement imposer de son bureau parisien des paramètres d’utilisation à un pilote de chasse en opération ?

(Beaucoup d’anciens auteurs (Turnèbe, Budé) font dériver le mot chancelier de cancellare, barrer, effacer, et prétendent que cet office était d’annuler, en les barrant, les édits du prince qu’il jugeait contraires aux lois. Ménage n’hésite pas à faire dériver ce mot de cancelli, treillis ou barre à claire-voie enfermant le lieu où était l’empereur lorsqu’il rendait la justice. La charge de ceux appelés chanceliers étant de se tenir près de ces barreaux. Plus tard, en France, leurs titres furent communs à plusieurs dignités et offices. En un mot, le chancelier est l’interprète des volontés de l’autorité légitime.)

Nonobstant les erreurs habituellement constatées, ce changement d’échelon de décision n’est-il pas symptomatique du glissement de pouvoir du chef sur l’expert–conseiller du décideur ? Ne s’agit-il pas d’un problème de société touchant aussi notre société militaire ? Je me souviens de cette réflexion lumineuse d’un général commandant d’école disant à ses capitaines stagiaires, « le plus difficile dans le commandement, c’est couvrir et rester à sa place ». D’où la nécessité de contrôler l’action et l’administration de chaque subordonné, pour que lui aussi … reste à sa place, et ce à tous les échelons.

Compte tenu de l’importance réelle de ce problème de fond, lié au dévouement et au sacrifice, nous regrettons que cet article (à conserver par tout chef et tout chancelier) ne fut pas accompagné d’une introduction d’un chef.

Enfin, à ce sujet, l’ADEFDROMIL demande un moratoire complet sur les récompenses. En particulier, nous demandons que soient respectés l’esprit et la lettre de la volonté du premier Consul BONAPARTE créateur de la Légion d’Honneur, qui ne faisait pas de différence entre soldats, sous-officiers et officiers ; égaux devant le danger, tous l’étaient dans les récompenses et doivent le redevenir. Nous demandons que soient respectés les Principes et les Lois de la République. Notre action s’inscrit dans le respect de la discipline et de la légalité.

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