Les généraux cassent du syndicaliste

Le Canard enchaîné n° 4290 – Mercredi 15 janvier :

L’éTAT-MAJOR des armées ne veut voir qu’une tête. Et il a gentiment demandé au cabinet d’Alliot-Marie de mener l’offensive contre l’Adefdromil une association de défense des droits des militaires qui aurait un  » caractère syndical  » : or il est interdit aux soldats d’adhérer à un syndicat. Bref, l’association en question est dans la ligne de mire.

En décembre, le directeur de cabinet de MAM, Philippe Marland, a envoyé à tous les chefs de service une note rappelant cette interdiction. Et la semaine dernière, Chirac y a fait allusion lors de ses voeux aux armées.

Il faut dire que ce petit  » syndicat « , créé voilà dix-huit mois, agace la haute hiérarchie. Et pour cause : son site Internet a reçu 109 000 visites en un an. Et, surtout, il compte parmi ses membres 300 militaires d’active, dont plusieurs officiers. Mieux, cette association a aidé 60 d’entre eux, mécontents de leurs notations, de leurs mutations, voire de leurs chefs, à formuler des recours ! Signe des temps, quatre dossiers concernent des femmes soldats victimes de harcèlement sexuel ou moral. Une sorte de provocation pour beaucoup de gradés qui continuent de voir un agitateur dans tout soldat osant s’interroger sur ses conditions de boulot. Du coup, la chasse aux sorcières  » gradées  » est lancée et les officiers sont menacés d’un blâme.

Il y a un hic pour le préfet Marland : sa récente note aux chefs de service ne fait pas l’unanimité. La directrice des affaires juridiques du ministère a affirmé qu’il n’existait aucune base légale pour interdire et l’association et les adhésions. Devant un tel vide juridique, Alain Richard, le prédécesseur de MAM, avait naguère décidé… de ne rien décider. Pourtant, les textes de 1972 sur le statut des militaires toujours en vigueur sont formels : seul le ministre a le pouvoir d’imposer l’interdiction d’une association. Plus amusant encore, cette disposition a été rappelée dans une circulaire de 1987 signée Jacques Chirac, alors Premier ministre.

Autrement dit, il y a de la bagarre dans l’air. Interrogé par  » Le Canard « , Marland a concédé que le  » droit n’était pas une science exacte « . D’autant que, si  » caractère syndical  » il y a, cette association ne devrait pas être la seule visée. L’Union nationale des parachutistes, par exemple, dont bien des adhérents en pincent pour Le Pen (et qui a longtemps compté comme président le fameux général Aussaresses), prétend défendre, elle aussi,  » les intérêts moraux et sociaux  » des militaires. Oui, mais l’association des paras ne dérange pas la hiérarchie.

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