Budget de la défense

Question d’actualité au gouvernement n° 0335G de M. Christian Cambon (Val-de-Marne – UMP) publiée dans le JO Sénat du 16/05/2014 – page 4026

M. Christian Cambon. En l’absence du ministre de la défense, ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Ce n’était qu’une rumeur, mais elle risque de devenir une réalité : cinq mois seulement après le vote de la loi relative à la programmation militaire, le Gouvernement va-t-il renier, une fois de plus, ses propres engagements ? Plutôt que de conduire les réformes de fond nécessaires au redressement de notre pays, Bercy souhaite ponctionner le budget de la défense et des forces armées, à hauteur peut-être de plus de 2 milliards d’euros.

Pourtant, le Président de la République avait promis solennellement, le 28 mars dernier, de sauvegarder les 31,4 milliards d’euros annuels du budget de la défense, qui a déjà subi une diminution considérable de ses crédits. Ce montant représente un compromis tout juste acceptable pour conserver nos forces en l’état.

Aucune administration, en effet, n’a supporté un tel effort. En 2014, 60 % des suppressions de postes dans la fonction publique concerneront nos armées, qui ne représentent pourtant, en termes d’effectifs, que 10 % de celle-ci.

Les résultats, on commence à les mesurer. Bien sûr, il y a les retards dans les programmes et les livraisons d’équipements, qui risquent un jour de porter atteinte à notre sécurité nationale, ainsi que – et c’est tout aussi inquiétant – au moral et à la sécurité des femmes et des hommes que nous, les politiques, envoyons, au nom de la paix, dans des pays où la violence et la barbarie sont quotidiennes.

Lors de notre déplacement en Centrafrique auprès de la force Sangaris, nous avons pu rendre hommage au courage et à l’abnégation de nos soldats, qui accomplissent, par une température de plus de 35 degrés, une mission périlleuse sans jamais se plaindre. Mais nous avons vu des campements rudimentaires, le rationnement de l’eau potable, des matériels vétustes ou inadaptés, les flaques d’eau et la boue du camp, propices au développement du paludisme, qui frappe déjà nos troupes.

La situation internationale, qui s’aggrave chaque jour, nous permet-elle de baisser la garde ? Au moment où le monde entier réarme, où, de Kiev au Nigeria, les tensions s’amplifient, l’Europe, elle, parle fort, mais désarme et laisse la France seule pour assumer ces missions périlleuses.

Le Président de la République peut bien réunir tous les sommets sur la sécurité du monde ! En la matière, on le sait, le droit sans la force ne sert à rien ! La situation en Syrie et en Ukraine est là pour nous le rappeler.

Monsieur le ministre, allez-vous renoncer définitivement à cette nouvelle saignée budgétaire, qui mettrait en péril nos capacités minimales de mobilisation et la cohérence de notre défense ? Si vous persistez dans vos intentions, aurez-vous alors l’honnêteté de dire que la France n’a plus la force de porter dans le monde les valeurs de paix que nos militaires incarnent avec tant de courage ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée dans le JO Sénat du 16/05/2014 – page 4026

M. Michel Sapin,ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de la défense, qui a répondu hier à une question similaire à l’Assemblée nationale.

Que les choses soient bien claires : dans les années à venir, toute évolution des crédits militaires s’inscrira dans le cadre défini par la loi relative à la programmation militaire qui a été votée. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il faut de la visibilité.

Par ailleurs, les crédits militaires ne sont pas des crédits comme les autres. Ils permettent d’assurer la sécurité de la France et des Français, y compris parfois en intervenant à l’extérieur, comme au Mali ou en Centrafrique. En effet, en protégeant les populations de ces pays, on protège aussi les Français, par exemple en luttant contre le terrorisme.

La spécificité des crédits militaires est donc incontestable. J’en parle d’ailleurs toujours selon cette optique, ne les considérant jamais comme des crédits exactement de même nature que d’autres.

Toutefois, monsieur le sénateur, aujourd’hui comme hier, il faut aussi maîtriser nos dépenses publiques. Hier, ce sont d’ailleurs souvent les lois de programmation militaire que vous et vos amis aviez vous-mêmes votées qui ont servi de variables d’ajustement…

Quoi qu’il en soit, je pense que nous sommes tous ici d’accord pour dire que maîtriser la dépense publique est absolument nécessaire. On ne peut exonérer un ministère de tout effort.

M. Alain Gournac. Il a déjà beaucoup donné !

M. Michel Sapin,ministre.Monsieur le sénateur, il n’est pas question de réduire d’un seul euro les moyens affectés à nos militaires engagés hors de nos frontières, au péril de leur vie ; je pense même qu’il faut les accroître. Cela étant, vous savez bien que le périmètre des crédits militaires excède largement le financement de ces missions, et que l’on ne peut prétendre qu’aucun effort ne doit être consenti.

Je conclurai en reprenant à mon compte les excellents propos tenus hier à l’Assemblée nationale par M. le ministre de la défense : la protection de la souveraineté et de la sécurité de la France passe certes par les crédits militaires, mais elle passe aussi par notre souveraineté budgétaire et financière, et donc par la maîtrise de nos finances publiques.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Le prestidigitateur a parlé !

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