L’armée hors la loi ?

Est Républicain – Lundi 16 décembre :

Le ministère de la Défense interdit aux cadres d’active d’adhérer à une association qui dénonce les errements de la hiérarchie.

« J’ai écrit un livre et créé une association pour que l’armée respecte enfin la loi ». Le capitaine (ER) Michel Bavoil est parti en guerre contre l’armée pour « mettre fin aux dysfonctionnements » qui minent le moral des troupes. « Toutes les lois élémentaires sont bafouées » affirme l’ancien capitaine des Troupes de Marine. « Manque de considération voire mépris total de la hiérarchie à l’égard des militaires, atteinte à la dignité des personnes, brimades physiques et psychologiques. Quand il n’y a pas pire ».

Alors qu’il était encore en activité, le capitaine Bavoil crée, en avril 2001, une association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL). Elle compte aujourd’hui plus de 400 membres. Le vice-président est le médecin-colonel Claude Debeir, de la Légion de gendarmerie d’Aubervilliers. Dans la foulée, le capitaine Bavoil publie un brûlot aux éditions LMP (Lafont) tiré à 20.000 exemplaires. Il dénonce une kyrielle de scandales qui mettent en cause, une fois encore, la hiérarchie.

Evidemment, cela déplaît. Le 28 novembre 2002, le directeur de cabinet du ministère de la Défense, Philippe Marland, rédige une « note » par laquelle il demande que soient engagées « des procédures disciplinaires » à l’encontre des cadres d’active qui refuseraient de démissionner de l’association. Motif ? « L’article 10 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires précise que l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l’adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire ». Aux yeux du préfet Marland, l’objet même de l’association ADEFDROMIL « lui confère un caractère syndical ».

Dégâts collatéraux

La contre-attaque n’a pas tardé. Dans un communiqué publié le 10 décembre, le président de l’association dénonce une nouvelle « atteinte grave aux libertés publiques et aux droits individuels et collectifs du citoyen militaire ».

D’autant que cette « note » est diffusée au moment où l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe invite par une recommandation Nème 1572 du 3 septembre 2002 « tous les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à accorder aux membres professionnels des Forces Armées de tous grades le droit de créer des associations spécifiques pour protéger leurs intérêts professionnels dans le cadre des institutions démocratiques, d’y adhérer et d’y jouer un rôle actif ».

La grogne dans les rangs de l’armée est si vive que le site Web de l’association (www.defdromil.org) connaît un succès inattendu. Il est vrai que le site envoie quelques missiles bien ciblés sur l’autorité militaire sans se préoccuper des dégâts collatéraux. Exemple, un dossier sur « les psychiatres militaires utilisés pour éliminer les personnels indésirables ». Ou encore « la face cachée du service santé des Armées ». Il y est encore question de « scandales, de corruption, d’abus de pouvoir, d’omerta » et de bien d’autres choses qui fâchent.

L’armée hors la loi ? « Oui » assure le capitaine Bavoil. « Mais il ne faut pas le dire ».

À lire également