Tahar Ben Jelloun : « La meute »

L’écrivain décrit cette haine irrationnelle qui anime les humains à certains moments, le racisme, « qui est dans l’homme, qu’il soit blanc ou noir ou autre ».

Ainsi, il y a des moments où l’on se lâche, on se laisse aller, on ouvre les vannes et on rejoint la meute qui donne le signal de se défouler. Plus de pudeur, plus de valeurs, plus rien ne retient cet être malade qui s’ennuie au fond de l’homme, qui attend son heure pour sortir et vomir, qui se livre à son activité favorite, celle de cracher sur l’homme ou la femme qui n’a pas la même couleur de peau que lui, qui vient d’un autre horizon, qui ne lui a rien fait en particulier, mais par le simple fait que cette personne existe, ça le met hors de lui, et il ne se calme qu’une fois qu’il l’aura couverte d’insultes, de vomi, de cris et de tout ce qu’il peut engranger toute sa vie de bas, de bête et de nauséabond.

Le raciste a besoin de ces moments où il dégueule, ça le réconforte dans ce qu’il croit, ça le met à l’aise dans les excréments où il va puiser la matière de sa misérable vision du monde, oui, la violence verbale suivie souvent de la brutalité physique, organisée, systématisée, préméditée, le rassure. Il projette sa misère sur le visage, sur le corps de cette personne qui parle avec un accent, qui n’a pas la chevelure blonde et soyeuse, qui respire autrement, qui pense autrement et qui vit autrement. Il faut salir, il faut piétiner cette personne qui le dérange sans avoir rien fait, sans même avoir prononcé une seule parole, cette personne n’a pas sa place sur la ligne de l’horizon qui se dessine devant, il faut la déplacer, la mettre en cage, la confondre avec les animaux, les pauvres animaux qui n’ont rien demandé à personne se trouvent objets enrobés de puanteur lancés par la bassesse et la vilenie.

Traiter une personne de singe, de guenon ou de vipère est un message stupide, car ces bêtes ne font de mal à personne, pourquoi aller les déranger dans leur réserve ou dans la nature pour signifier à une femme qu’elle n’est pas femme parce que sa peau est noire ou marron, qu’importe, elle n’est pas d’une blancheur marine, ni d’un éclat de pureté qui a été tant vanté par les nazis au point d’avoir tenté de fabriquer des enfants sur mesure, mesure aryenne, mesure de la pureté qui est le début de la fin de l’humanité. Ah, cette pureté de merde qui hante et fascine tant ceux qui croient qu’il y a des races et que certaines sont supérieures à d’autres ! Comme c’est commode d’instaurer une hiérarchie par l’apparence, la surface des choses, le vernis qui scintille dans un monde où tout est approximatif, sachant que la philosophie du temps d’Aristote faisait l’éloge de l’imparfait et même de l’inachevé.

Le raciste est en nous

Le raciste se réveille dans un corps qui a du mal à se…..

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