Mort en escale, l’armée pas responsable

Libération – Vendredi 6 décembre :

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Un marin en escale est-il en vacances ? C’est la question qui va être posée aujourd’hui par les militaires à leur ministre, Michèle Alliot-Marie, lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), l’instance de concertation des armées. C’est une question «extrêmement sensible au sein de la communauté militaire», indique un marin. Car il y a eu mort d’homme.

Mars 1996, la Foudre est en escale à Casablanca (Maroc). Comme il est de coutume, des activités sont organisées pour l’équipage. Le 13 mars, une excursion est programmée à Marrakech. Il pleut et, sur la route, l’autocar se renverse. Le maître principal (1) Gérard Manoni, 35 ans, trouve la mort. Il laisse derrière lui son épouse Carole et deux enfants.
Carole touche une pension d’invalidité à la suite d’une décision du tribunal des pensions de Toulon. Mais le ministère de la Défense conteste la décision. L’affaire va jusqu’en cassation et, en octobre 2000, les juges donnent raison à l’administration et condamnent la veuve à rembourser 309.693 francs déjà perçus !

Le rapport du «commissaire» de la Foudre, le juriste du bord, est pourtant clair : «Le personnel était en service sur son temps de travail, pour participer à une activité de représentation. Il n’a aucunement été placé en situation administrative de permission ou de quartier libre», écrit-il dans un rapport. Chez les marins, l’émotion est forte. «Je suis profondément choqué que l’on puisse ne pas nous considérer en service pendant nos périodes d’éloignement, longues et répétées», réagit un marin. En 2001, le ministère de la Défense tente finalement de régler à l’amiable le cas Manoni. Une remise gracieuse de 30.490 euros est accordée à la veuve et l’institution de gestion sociale des armées lui rembourse les 16 723 euros qu’elle est contrainte de reverser. La Marine nationale l’embauche à l’état-major de Toulon. Mais elle ne touche que la pension de réversion de son mari, un peu plus de 450 euros par mois.

Elle n’en démord pourtant pas. Pour elle, c’est une question de principe : «Mon mari n’était pas en permission.» D’où la demande relayée aujourd’hui par un officier de marine auprès de la ministre de la Défense : «Nous vous demandons de tirer les leçons de cet accident tragique pour que les militaires en mission à l’étranger soient véritablement couverts par la future loi sur la présomption d’imputabilité au service.» Au ministère de la Défense, on reconnaît le «côté archaïque» de la législation actuelle.

(1) L’équivalent dans la marine d’un adjudant-chef.

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