Les Français aiment leur armée. Pourtant, Catherine Durandin montre (( Catherine Durandin, Le déclin de l’armée française, François Bourin Editeur, 2013.)) qu’ils ne sont pas assez soucieux des sacrifices consentis par les soldats, du ressentiment qui gagne le corps des officiers, de l’affaiblissement qui est provoqué par les économies budgétaires, de l’évolution vers une privatisation de la guerre…
Au 20ème siècle, l’armée française a connu bien des bouleversements: les guerres de masse pour la défense du territoire national, les guerres coloniales, la dissuasion nucléaire qui a radicalement changé les données stratégiques puis maintes opérations extérieures en Afrique, dans les Balkans, en Afghanistan. Au fil des commémorations, le souvenir des deux guerres mondiales reste très vivant mais les déchirures de la guerre d’Algérie sont passées sous silence ; les Français, qui aiment leur armée d’autant plus fort qu’ils ne font plus leur Service, n’ont pas suivi avec une attention soutenue les sacrifices qui ont été consentis par nos soldats dans des missions de maintien de la paix ou lorsqu’ils ont été fourvoyés dans l’agression de la Yougoslavie ou dans l’absurde guerre d’Afghanistan. Et si les « guerres humanitaires » ont la faveur des médias, le colonel Goya rappelait récemment que les « guerres sans ennemi » où nous tentons aimablement de nous interposer, ont coûté la vie de 158 soldats français au Liban, 55 en ex-Yougoslavie et 27 en Côte d’Ivoire.
Certes, la guerre est devenue invraisemblable en Europe de l’Ouest et cette perspective paraît aujourd’hui tellement étrange que la mort de nos soldats, au loin, est regardée comme un accident : après l’embuscade d’Uzbin en 2008, des familles ont porté plainte afin que la justice détermine les fautes éventuelles du commandement ! Si certains ne comprennent plus la guerre et le fait qu’on puisse y mourir pour la France, cela tient surtout à l’attitude des dirigeants politiques qui peuvent engager l’armée – en Libye, au Tchad – mais qui voudraient qu’elle coûte de moins en moins cher. Pour eux, la Défense nationale est un budget comme les autres, qui doit être réduit comme les autres pour satisfaire à un dogme imbécile. Il importe peu, aux yeux des comptables, que les soldats sous-équipés soient mal protégés.
D’où l’immense malaise que souligne Catherine Durandin :
« les soldats ne revendiquent pas d’être traités en héros – ce sont des professionnels – mais ils n’admettent pas d’être les boucs émissaires de politiques mal conduites ou incertaines – c’est le cas en Afghanistan – et de tomber sous les flashs des médias qui veulent répondre au besoin d’émotionnel émanant de la société civile ». Ce malaise peut conduire au ressentiment et à la colère, sans que l’Armée soit tentée d’intervenir dans le champ politique comme ce fut le cas pendant la guerre d’Algérie. Pourtant, malgré les difficultés qui l’assaillent, l’Armée attire : chaque année, elle reçoit 15 000 jeunes – 10% sont des filles – et en recrute huit à neuf mille. L’antimilitarisme a disparu : 85% des lycéens font confiance à l’Armée, regardée selon son image traditionnelle et dans un refus de la guerre qui est le fruit de la mentalité générale.
L’avenir est sombre. La frénésie des coupes budgétaires va continuer, le Livre blanc rédigé après la sortie du livre de Catherine Durandin confirme la déflation et l’orientation occidentaliste marquée sous le précédent quinquennat par le retour dans le commandement intégré de l’Otan. Autre menace : le développement du mercenariat, pourtant interdit et puni par la loi.
Nous risquons ….
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