Intervention du Premier ministre au 2e Régiment Etranger d’Infanterie à Caylus

Madame le Préfet,
Mon général,
Mesdames et messieurs,

Je suis fier et heureux d’avoir assisté à la préparation du deuxième régiment étranger d’infanterie. A Caylus se concentrent les qualités de cœur et de rigueur qui font la valeur militaire française. Il s’agit aujourd’hui et ici de mettre en condition des combattants de haut niveau, au seuil d’une épreuve dangereuse. A la veille de partir pour l’Afghanistan, votre régiment a prouvé devant moi sa capacité opérationnelle, sa maîtrise technique et l’expertise de ses chefs. Je veux vous exprimer mon estime et l’entière confiance du Gouvernement. A travers vous, cette estime et cette confiance vont à toute l’armée de terre, et à son chef, le général Irastorza. Je sais son attachement à la préparation opérationnelle des unités. Les missions confiées à l’armée de terre sont difficiles. Elle doit, pour les conduire, disposer des équipements modernes, adaptés au durcissement des opérations, à leur diversité et à leur environnement géopolitique.

Notre monde n’est pas plus dangereux que celui d’hier, mais il est plus complexe et plus instable. Notre sécurité ne se joue plus à nos frontières, mais de nouvelles menaces existent, de nouvelles puissances émergent. Des crises locales peuvent surgir et avoir des incidences globales. La crédibilité de notre dissuasion doit rester intacte ; nos capacités de projection et d’action doivent continuer à être renforcées ; nos moyens d’anticipation et d’observation doivent être confortés. Notre ambition est d’imprimer notre marque là où se dessinent les enjeux diplomatiques et stratégiques. Nous voulons faire évoluer l’Organisation des Nations Unies pour que le droit international garantisse mieux les équilibres du monde.

Nous voulons, en réinvestissant l’OTAN, permettre à notre pays d’influer plus largement sur la définition des stratégies et sur la conduite des opérations. Nous voulons renforcer l’Europe de la Défense, parce que l’Union européenne ne peut pas être un géant économique sans devenir un acteur diplomatique et militaire de premier ordre.

Au regard de toutes ces exigences je me suis engagé, avec le président de la République, à ce que la prochaine loi de programmation militaire, malgré un contexte budgétaire difficile, vous permette d’assumer pleinement vos responsabilités et vos missions. Et je sais pouvoir compter sur le ministre de la Défense Hervé Morin pour mener à bien la modernisation, d’ores et déjà entamée, de notre outil de défense.

Mesdames et messieurs le 18 août 2008, dans la vallée d’Uzbin, 21 de vos camarades étaient blessés et 10 perdaient la vie. Ce jour-là, c’est toute la France qui a accusé le coup. En apprenant le sort du caporal chef Penon et des hommes qui l’entouraient, j’ai pensé moi aussi à la phrase gravée sur le monument de Camerone : » la vie plutôt que le courage abandonna ses soldats français ». Un mois plus tard, le 22 septembre dernier, je me suis rendu devant le Parlement pour lui demander de prolonger, par son vote, notre engagement militaire en Afghanistan. J’ai refusé que le sacrifice héroïque de nos hommes devienne le signal du renoncement. Face à ses devoirs, la France ne recule pas. Et dans l’adversité, nos forces armées demeurent fidèles à leur réputation et sont concentrées sur leur mission. Avec le président de la République, j’ai voulu que notre action se poursuive en Afghanistan, parce qu’elle est juste et parce qu’elle est utile.

En empêchant l’Afghanistan de redevenir le sanctuaire du terrorisme international, nos troupes contribuent à la sécurité globale du monde. En se portant au côté du peuple afghan, elles permettent le retour à la vie d’un pays ruiné et déchiré. Elles permettent son développement. Elles permettent la reconstruction de ses écoles et de ses hôpitaux. Elles permettent aux autorités afghanes de prendre en main la souveraineté de leur Etat. Votre mission sera exaltante, mais elle sera aussi difficile. Il s’agit tout à la fois de sécuriser et de rassurer, de rebâtir et de combattre si nécessaire. Vous savez que la réalité afghane est complexe. Depuis l’éviction des Talibans une part de la société afghane emprunte les chemins du progrès, mais une autre part reste animée par ses divisions claniques et par ses réflexes guerriers. C’est aussi une réalité dangereuse. Vous savez qu’en Afghanistan, vous serez confrontés à un adversaire aguerri, qui utilise toutes les techniques de la guérilla. Depuis l’été dernier, il y a eu 40 accrochages, 13 morts et une soixantaine de blessés français. Je sais qu’on n’affronte pas une telle situation sans risquer des pertes, mais je sais aussi que sur le terrain, pour des millions d’Afghans, l’avenir porte les couleurs de la France.

Mesdames et messieurs notre autonomie diplomatique et militaire n’est pas négociable. Plus l’organisation du monde devient complexe, plus notre liberté de jugement et d’action est précieuse. La France est toujours solidaire de ses alliés, mais elle n’est sous les ordres de personne. Quand nous projetons nos forces en Afghanistan, ce n’est pas pour nous aligner sur d’autres puissances, c’est parce que nous croyons que le respect international et la lutte contre le terrorisme exige notre intervention.

La France décide par elle-même et pour elle-même de ses choix et de ses actes. Elle est capable de refuser la deuxième guerre en Irak, comme elle est capable de proposer sa médiation entre la Georgie et la Russie. Sur tous les continents, cette autonomie nous vaut un accueil privilégié. Et partout, les soldats français sont perçus comme les acteurs d’une puissance indépendante. Notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN n’y changera rien. Nous conserverons intégralement le contrôle de notre dissuasion nucléaire et de la décision de l’envoi de nos troupes. Notre action militaire – et c’est là aussi notre singularité – ne repose pas seulement sur la défense de nos intérêts, elle est aussi au service d’un idéal. La France agit là où la paix est menacée. La France agit là où les peuples sont martyrisés. La France agit là où les règles internationales sont bafouées. Tous les pays affichent leur attachement aux valeurs et aux droits humains. Mais la France ne se contente pas de parler de ses valeurs et de ses droits, elle engage ses forces militaires pour les défendre.

Durant votre mandat dans la région de Kaboul, vous savez qu’auront lieu les élections présidentielles afghanes. C’est une étape essentielle du retour à la stabilité démocratique, vous devrez leur assurer un environnement sûr ; je compte sur vous pour apporter, autant que nécessaire, votre concours à leur réussite.

Mesdames et messieurs, partout dans le monde, la Légion étrangère française est un symbole de bravoure et de fraternité. Votre régiment rassemble 83 nationalités différentes. Les vertus de l’honneur et de la fidélité qui sont inscrites sur vos drapeaux vous soudent. Je tiens à rendre hommage à la puissance intégratrice de la Légion étrangère ; elle a fait de vous des frères d’arme, elle sera un appui et un exemple pour l’unité afghane. L’armée de terre consacre six mois à préparer chaque régiment avant une mission en Afghanistan. Elle le fait parce qu’elle connaît les risques encourus et la valeur de vos vies.

Cette longue préparation est contraignante pour vous et pour vos proches. Mais vous savez qu’elle est indispensable, parce qu’elle assure la continuité entre entraînement opérationnel et opérations proprement dites. Nous veillerons d’ailleurs à ce qu’aucune restructuration future ne compromette cette continuité. Et nous ferons en sorte que le chef d’état-major des armées dispose à tout moment des forces nécessaires à l’accomplissement des missions que lui confiera le président de la République. Mesdames et messieurs, dans quelques semaines, vous foulerez le sol afghan. Votre professionnalisme et votre expérience seront mis à l’épreuve. Je connais la réputation du deuxième régiment étranger d’infanterie et ses 160 années d’histoire glorieuse. Le code d’honneur de la légion étrangère est fait de courage et de loyauté. Sachez que la confiance et l’admiration de notre pays vous accompagnent ; je sais par avance que vous en serez dignes.

Vive la Légion, vive l’armée de terre, vive la France !

Source : Site du Premier Ministre

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