En conflit avec l’armée, un médecin militaire réclame justice

Le Sud Ouest – Samedi 30 novembre :

Cet article peut être lu directement sur le site du journal « Sud Ouest » en [cliquant ici].

BORDEAUX. Un médecin principal du service de santé des armées estime être victime de manoeuvres arbitraires de sa hiérarchie

Il y a peu, le médecin principal Pierre était très bien noté, « un homme, selon ses chefs, bien intégré, un spécialiste compétent qui avait participé au rayonnement des troupes françaises en Bosnie ». Bref, le médecin principal Pierre était « un officier de grande valeur » comme l’écrivait, en décembre 1996, le général Ladeveze commandant la brigade multinationale Centre. On n’avait alors qu’à se louer de ce « navalais » qui, après Sarrebourg, exerça au 35e régiment d’artillerie parachutiste de Tarbes. Envoyé en mission, entre autres, à Djibouti dans la nuit du 12 au 13 octobre 2000, il prit en charge les victimes américaines du destroyer USS Cole, après son explosion dans le port d’Aden (Yémen). Aujourd’hui médecin de corps de troupe dans un régiment dépendant de la région terre Sud-Ouest, son dossier médical fait apparaître un « homme psychorigide, ne percevant pas la réalité, etc. », selon un psychiatre militaire qui, curieusement, fait part aussi du refus de tous de le voir revenir après un congé maladie.

Simples soldats. « Tout a commencé quand j’ai dénoncé l’utilisation par de simples soldats, et non des manipulateurs diplômés, d’un appareil de radiologie. Une mauvaises image et on passe à côté d’une fracture… et les rayonnements peuvent être la cause de cancers, d’effets sur les glandes génitales entraînant parfois des déformations chez les futurs enfants de ces jeunes soldats qui ont travaillé ainsi trois ans sans contrôle. Moi j’envoyais mes blessés passer des radios au centre hospitalier tout proche. »

En octobre 2001, allant dans ce sens, le directeur régional du service santé des armées (SSA) avait conclu que rien ne pouvait justifier une pareille utilisation au plan médico-légal mais le médecin principal Pierre avait aussi évoqué les actes paramédicaux (vaccinations) réalisés par de simples militaires du rang alors qu’il y a des infirmiers employés à d’autres tâches.

« J’ai fait savoir au directeur régional que je ferai les soins moi-même. Une première punition tombe. » Malgré une situation conflictuelle avec la hiérarchie, il effectue sa mission, donne de nombreuses consultations que lui valent ses compétences spécialisées… Mais une visite technique de la direction régionale conclut que tout fonctionne bien. Sa probité est mise en doute et il est rétrogradé sur ses qualités humaines et professionnelles. Quant au chef de corps, il ne veut plus ce médecin.

En maladie. L’enchaînement est rapide, on le met en arrêt maladie. Le 4 septembre, le psychiatre le déclare apte à la reprise mais, six jours plus tard, il a brutalement changé d’avis et il est même question d’une orientation vers un congé de longue durée. Il n’a ni la lèpre ni la polio, cela ne peut donc être que pour maladie mentale. Son avocat bordelais, Me Jean-Marc Ducourau, souhaite que son client « puisse exercer sans sanction pour ses dénonciations qui sont, en fait, avérées ». Marc Lemaire et Stéphane Lewden, deux des auteurs de « la Face cachée du service de santé des armées : corruption, abus de pouvoir, omerta, avenir » aux Editions de L’Harmattan (voir « Sud-Ouest » du 23 novembre) estiment qu’il s’agit là « d’une tentative d’élimination d’un personnel sain par une psychiatrisation abusive. Il a révélé des affaires graves, il s’est donc condamné, si l’on peut dire, à subir une procédure d’élimination. Ce que nous visons c’est la loi du silence et non le service de santé des armées auquel nous sommes tous très attachés. »

Lire également :
Le Service de Santé des Armées : la face cachée – corruption, abus de pouvoir, omerta, …, avenir

À lire également