Quand un colonel s’acharne pour empêcher un gendarme de suivre son chemin (Michel Munier)

Le gendarme Paul Vignon a servi 21 ans dans la gendarmerie. Ce gendarme n’a eu de cesse d’enrichir ses connaissances, de parfaire sa formation, servant de façon exemplaire dans toutes ses affectations, il n’a eu qu’un seul tort, celui de vouloir quitter la gendarmerie pour devenir policier municipal.

Son chef de corps, parce qu’il désirait garder sous ses ordres ce sous-officier aux compétences reconnues, par simple jalousie ou par autoritarisme ou pour d’autres raisons qui échappent à l’entendement, a décidé de lui mettre des bâtons dans les roues. C’est cette histoire vraie que vous conte armee-media.

Nous avons changé les noms, les lieux et autres détails permettant d’identifier les protagonistes de cette sombre affaire.

Souhaitant être muté en région Aquitaine, mais se voyant systématiquement refuser cette affectation, le gendarme Paul Vignon ambitionne alors de changer de vie et de quitter l’Institution pour devenir policier municipal.

Il rend compte à sa hiérarchie de son intention de solliciter un détachement en police municipale. Il trouve rapidement dans la fonction territoriale une unité qui souhaite le recruter. Il établit donc une demande de reconversion et sollicite son détachement à la PM de COUTRAS (33), se réservant toutefois la possibilité de revenir à l’issue du détachement pour le cas où cette nouvelle voie professionnelle ne lui convient pas.

Sa demande de reconversion est agréée par la Direction des Ressources Humaines du Ministère de la Défense et approuvée par la Commission Nationale d’Orientation et d’Intégration (CNOI)

Avisé de ces décisions, c’est avec ferveur que le gendarme Vignon effectue les démarches administratives nécessaires pour préparer son déménagement, son épouse, qui a une activité professionnelle, dépose son préavis auprès de son employeur. Tout semble aller pour le mieux.

Mais quelques jours avant son déménagement, alors qu’il est en permission justement pour régler les derniers préparatifs de son départ, les ennuis commencent.

Son chef de corps estime qu’il doit lui refuser ce détachement au motif qu’il est indispensable dans le poste qu’il tient, et qu’il ne peut le quitter tant qu’un remplaçant de son niveau n’est pas trouvé,

Son chef de corps le convoque et l’informe verbalement que sa demande de détachement ne sera pas agréée. «J’ai mis un avis défavorable à votre détachement et je trouve inadmissible que la Commission m’ait désavoué», lui dit-il, puis il l’informe qu’une décision défavorable à son détachement va lui être notifiée incessamment. Et de rajouter «Vous pouvez faire un recours, vous le gagnerez certainement, mais vous perdrez le poste à la PM de COUTRAS, car la procédure de recours dure 4 mois». Avant de clore l’entretien, il lui dit également qu’il peut quitter l’institution s’il le souhaite mais … sans faire valoir le droit au détachement.

Imaginez la déconvenue du gendarme Vignon, lui qui a toujours servi de façon exemplaire la gendarmerie pendant ces 21 années, accumulant brevets, diplômes et autres certificats, lettres de félicitations, témoignage de satisfaction, et médaillé d’or de la Défense nationale, lui qui est noté 9/10 depuis plusieurs années avec un potentiel de gradé.

Heureusement, le gendarme Vignon a une forte personnalité et il ne se laisse pas abattre par les pressions psychologiques et autres manœuvres déployées par son chef de corps.

Il demande et obtient une audience à la DGGN (direction Générale de la Gendarmerie nationale). Un officier supérieur du bureau du personnel sous-officiers l’informe que la DGGN émet un avis défavorable pour son détachement en PM, ceci malgré l’accord de la CNOI. Vignon leur fera part de son intention de déposer un recours contre cette décision.

Parallèlement, le responsable de la police municipale propose au militaire de lui conserver le poste le temps de son recours, car il souhaite vivement le voir intégrer ses effectifs.

Quelques jours après, il apprend que sa demande de détachement est officiellement rejetée et qu’il dispose de 2 mois pour faire un recours.

Sur les conseils d’un ami, il contacte l’ADEFDROMIL (Association de Défense des Droits des Militaires) qui lui apporte son aide pour la rédaction d’un recours auprès de la Commission des recours militaires (CRM).

Dans le même temps, il continue à subir des pressions psychologiques de son chef de corps et de son adjoint. Il décide d’en faire fi et de continuer son travail de façon exemplaire sans jamais montrer qu’il vit mal cette situation.

Finalement, tentant le tout pour le tout, il fait une demande de mise à la retraite, avec pour condition de surseoir à celle-ci de quelques mois, le temps que sa nouvelle demande de détachement en PM intervienne.

Son chef de corps pensant qu’il a enfin gagné, émet un avis favorable sans demander de report dans l’attente de son remplacement. Il transmet immédiatement à la commission des recours des militaires la copie de sa demande de mise à la retraite, avec avis favorable.

Son détachement s’est peut-être gagné à ce moment-là. Pourtant comment peut-on autoriser le départ à la retraite d’un gendarme sans demander de report, alors qu’on lui refuse un détachement au motif qu’il est «indispensable au fonctionnement de son unité». Il n’y a vraiment pas de doute, les motivations de ce chef de corps sont des plus obscures !

Le gendarme Vignon effectuera enfin son stage probatoire à la police municipale puis sera détaché à la PM de COUTRAS au Grade de Brigadier-chef principal.

Fin 2012, il établira sa demande de mise à la retraite et intégrera définitivement la collectivité territoriale.

Actuellement, il s’épanouit dans ses nouvelles fonctions. Il s’est confié à nous et à déclaré: « j’ai mis du temps à m’adapter, car ici on pointe pour travailler et on ne dépasse jamais 7 heures par jour. Chaque minute supplémentaire est récupérée ou payée. J’ai acheté une maison et j’ai enfin une vraie vie de famille. Je ne comprends toujours pas pourquoi un tel acharnement de mon chef de corps et de son adjoint. Cependant, je garde une très bonne image de la gendarmerie nationale et je ne manque pas de transmettre les informations recueillies à mes camarades gendarmes. Je remercie les dirigeants de l’Adefdromil qui m’ont soutenu pendant cette grosse épreuve ».

Cette affaire se termine bien, mais que doit-on penser de ce chef de corps à qui a été confiée une parcelle de pouvoir, et qui l’utilise aussi mal ? Ne déshonore t-il pas la fonction qu’il exerce ? N’est-il pas de ceux qui peuvent pousser au suicide les plus affaiblis et les plus fatigués ?

Michel MUNIER

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