EXCLUSIF. L’armée de terre dénonce une « prise de pouvoir de l’administration sur l’opérationnel » (Jean Guisnel)

Dans son rapport annuel, le général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre, dresse un constat très sévère des réformes en cours.

Le moral des 134 000 personnels (dont 10 000 civils) de l’armée de terre est en berne. En chute, au plus bas depuis cinq ans. Dans son rapport sur le moral établi à partir de tables rondes réunies par les 101 chefs de corps de l’armée de terre en décembre 2012, son chef d’état-major (CEMAT), le général Bertrand Ract-Madoux, ne masque pas la réalité. Dans la synthèse dont nous avons eu connaissance et qui a été envoyée le vendredi 24 mai à ses grands subordonnés, il laisse augurer des temps difficiles en appelant l’armée de terre à serrer les dents, et les rangs : « Face aux difficultés à venir et aux incertitudes, il importe plus que tout de conserver notre sérénité et de préserver la cohésion de l’armée de terre. » Il constate que l’armée de terre se lasse du « contexte de réformes permanentes, de réductions successives du format, d’anticipations de nouvelles réorganisations [qui] amène beaucoup d’entre nous à penser que la Défense n’est plus un enjeu prioritaire du pays ».

Perception négative

Pour connaître la manière dont les chefs militaires perçoivent le moral de leurs troupes, un seul document fait autorité : le « rapport sur le moral ». Celui du chef d’état-major de l’armée de terre est généralement le plus significatif, car cette armée est la plus nombreuse, déploie le plus d’hommes sur le terrain en cas d’opérations extérieures et compte dans ses rangs les pertes les plus élevées, de très loin ! Dans ce document de six pages, Bertrand Ract-Madoux explique d’entrée de jeu que « la baisse du moral de l’armée de terre en 2012 résulte du sentiment accru de diminution du pouvoir d’achat, de dégradation des conditions quotidiennes d’exercice du métier des armes et de détérioration de la capacité opérationnelle ». Et le général d’ajouter qu’il « note aussi que le moral a été affecté par le désengagement sans précédent des théâtres d’opérations, les dysfonctionnements du calculateur [de paye] Louvois et les incertitudes liées aux travaux préparatoires du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale« . Depuis, le Livre blanc a été rendu, et on présume qu’il n’a pas nécessairement amélioré le moral… Le rapport explique les difficultés actuelles de l’armée de terre par plusieurs facteurs, le premier demeurant la « perception négative » des réformes de 2008.

« Prise de pouvoir de l’administration »

C’est un thème d’insatisfaction récurrent dans les armées : les réformes de 2008 initiées et mises en place par le contrôle général des armées et le secrétariat général pour l’administration du ministère de la Défense, dans le cadre notamment de la RGPP (Révision générale des politiques publiques), ont eu souvent des conséquences désastreuses. La mise en place trop rapide des bases de défense ou la suppression de dizaines de milliers d’emplois sont aujourd’hui vécues douloureusement par les personnels. Le cavalier Ract-Madoux envoie un gros coup de canon contre les concepteurs de cette modernisation ratée : « Les conséquences des réformes du soutien commun engendrent un ressenti négatif. La réorganisation de l’administration générale et des soutiens ne s’est ainsi toujours pas traduite par des repères humains, techniques et procéduraux aussi clairs qu’attendus, les tâches administratives à accomplir sont décrites comme plus nombreuses et plus complexes, elles sont perçues comme une prise de pouvoir de l’administration sur le domaine opérationnel. » On sait que ces critiques sont bien ancrées dans les armées, où l’on entend régulièrement les considérations ici reprises sous la plume du Cemat évoquant « la rigidité administrative, le manque de souplesse et la perte de réactivité » de la nouvelle organisation.

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