L’usage de la force sur les manifestants doit être proportionnée et nécessaire

Dans un arrêt du 12 mars 2013, la Cour EDH a condamné la Turquie pour violation du droit à la vie (Conv. EDH, 4 nov. 1950, art. 2). Les juges européens ont considéré que la force utilisée pour disperser les manifestants – l’usage d’une arme automatique à l’encontre de la foule – n’était pas absolument nécessaire eu égard à la dangerosité de l’arme, et que l’État a ainsi failli aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 2 de la Convention, à savoir garantir le droit à la vie.

A. Aydan fut mortellement blessé par des tirs provenant des forces de l’ordre lors d’une manifestation politique en Turquie. Sa famille saisit la Cour pour violation de l’article 2 de la Convention EDH. Dans son arrêt, la Cour EDH rappelle que l’article 2 de la Convention exige une application d’un « critère de nécessité plus strict et impérieux que celui normalement utilisé pour déterminer si l’intervention de l’État est « nécessaire dans une société démocratique » (…). La force utilisée doit en particulier être strictement proportionnée aux buts mentionnés au paragraphe 2 a), b) et c) de l’article 2. » (? 65). La Cour précise également que « l’appréciation des éléments de faits se rallie au principe de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » ». Elle ajoute par ailleurs que l’article 2 de la Convention astreint l’État non seulement à s’abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière mais aussi à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (? 91).
Les juges ont distingué la situation où l’usage de la force meurtrière est causé par une émotion, une crainte ou une panique excusables du cas où la force meurtrière est déployée par un agent lorsqu’il se fonde sur une conviction honnête considérée comme valable à l’époque des événements mais qui se révèle ensuite erronée. Pour la Cour il n’était pas suffisamment établi que l’accusé ait agi dans la conviction honnête que sa propre vie et son intégrité physique, de même que la vie de ses collègues, se trouvaient en péril précisant qu’aucun élément du dossier n’était de nature à justifier le recours à un moyen de défense potentiellement meurtrier comme des coups de feu tirés au hasard sur la foule. La Cour énonce que le recours à la force doit être rendu « absolument nécessaire » pour atteindre l’un des objectifs mentionnés aux alinéas a), b) ou c) de l’article 2 de la Convention EDH et en particulier être strictement proportionné à ses buts. En l’espèce, la Cour EDH déduit de son analyse des faits et de la procédure que ce recours à la force n’était pas nécessaire, justifiant alors la condamnation de la Turquie pour avoir failli à son obligation de garantir le droit à la vie qui lui incombait.

 Source : CEDH, 12 mars 2013, n° 16281/10, Aydan c/ Turquie

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