Les journées portes ouvertes… juste une question de bon niveau

Capitaine occupant le poste de chef de Bureau Recrutement Reconversion du Personnel (BRRCP) d’un régiment, j’ai été convoqué en début d’année 2008 par mon chef de corps qui m’a donné pour mission de « monter » les journées portes ouvertes (JPO) du régiment avant les permissions estivales. Le mandat était simple: sur deux journées, « engranger » le maximum d’argent dans les caisses du régiment (je préfère taire l’objectif financier exigé!) et permettre à la population de mieux connaître les missions de la défense. Tout cela en utilisant au mieux les infrastructures et moyens en dotation au corps (circuit en véhicule militaire; mise en oeuvre de simulateurs; utilisation des moyens d’optronique;ateliers d’armement;démonstrations de combat et savoir-faire divers; stand de recrutement…).

Devant l’extravagance des résultats chiffrés attendus et surtout l’étendue de la tâche, j’ai demandé trois semaines plus tard un rendez-vous au chef de corps afin d’y rendre compte de mes préoccupations en termes de sécurité et des difficultés rencontrées pour obtenir l’appui et l’aide nécessaire au montage de ces JPO.

En expliquant que compte tenu de mon grade, de la quantité d’intervenants, de la sensibilité de certains stands de démonstration ou de manipulation et de l’inertie d’un grand nombre de personnels du régiment, il serait peut être plus judicieux de faire présider le montage de ces journées portes ouvertes par le chef de Bureau Opération Instruction (BOI) qui aurait alors toute légitimité pour ordonner la réalisation des ateliers et démonstrations dans les délais et avec la rigueur qui sied à une telle prestation. Après tout, « le lieutenant-colonel X, chef du BOI ne possède-t-il pas les officiers en nombre suffisant pour piloter une activité de cette envergure? »

Très vertement remis à ma place, il m’a été répondu par mon chef de corps: « Vous vous trompez de niveau mon capitaine. Ce n’est certainement pas à un lieutenant-colonel breveté de perdre du temps à organiser des activités ludiques ». « Alors au travail! Soit dit en passant, je vous rappelle que nous sommes en période de notations… ».

Les mois passent, les ateliers sont préparés tant bien que mal et la semaine des JPO approche.

Patatras, le dimanche 29 juin 2008, un grave accident survient au 3ème RPIMa de Carcassonne, dans le Sud de la France. Lors d’une JPO, au cours d’une démonstration, une rafale est tirée dans la foule. Plusieurs blessés graves sont à déplorer et l’Armée de terre fait la une des médias.

Lundi 30 juin, 08h15, me voila convoqué avec le chargé de prévention, par le colonel qui veut savoir le détail des activités et surtout s’informer des volets sécurité de chacun d’eux.

Evidemment il y a des ratés, des oublis; des fautes professionnelles potentielles…

Quelques heures plus tard, les ordres tombent: les JPO prévues le 5 juillet sont annulées.

Tout en classant le dossier JPO, je pense aux blessés de la fusillade de Carcassonne et bien que « non breveté » je me dis: « Oui mon colonel, vous avez raison, pour une activité de cette envergure, qui a vocation à communiquer avec la population tout en soutirant l’argent du contribuable, il faut mettre les moyens et surtout le bon niveau de responsabilité et d’engagement ».

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