Le 23 août dans la soirée, une voiture banalisée s’engouffre sous le porche de la préfecture de Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Pas de cocarde, encore moins de motards. Pourtant, à l’arrière, à côté d’un militaire, se trouve Hervé Morin. L’étrange visite du ministre de la Défense dure une heure et quart. A l’extérieur campe Hélène Erlingsen, une journaliste de France3 qui a eu vent de cette visite, pourtant formellement démentie par le préfet de Région…
Quand il sort, Morin ne cache pas son irritation en apercevant une caméra. Car c’est le père du sergent Grégoire, l’une des victimes de l’embuscade, qu’il est venu rencontrer – et calmer ? – dans le plus grand secret. Enervé, le ministre explique d’une phrase qu’il avait promis d’informer les familles, invoque une « affaire privée » et remonte dans la voiture.
Nouvel accès de fièvre, le 3 septembre, la journaliste de F3, toujours elle, reçoit un coup de téléphone du capitaine de la gendarmerie de Saint-Girons. Le ton est inquisiteur et menaçant : pourquoi harcèle-t-elle la famille du sergent Grégoire ? Pourquoi veut-elle filmer la tombe au cimetière ?
La journaliste tombe de l’armoire. Intriguée par les versions successives des autorités sur le film des évènements en Afghanistan, elle vient, c’est vrai, d’appeler la famille. A la belle-mère qui a décroché, elle a demandé si elle pouvait prendre quelques images de la tombe. Et si à Paris, lors des obsèques, la famille avait pu voir le corps. La belle-mère du sergent lui a raccroché au nez.
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais une patrouille de pandore est aussitôt envoyée dans le village et au cimetière à la recherche d’hypothétiques journalistes.
Pour un ministre qui n’a « rien à cacher », que de précautions
B.R.
Source : Le Canard enchaîné n° 4585 du 10 septembre 2008
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