Il n’est pire sourd…

Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas s’émouvoir de la sollicitude qui entoure les familles des morts et des blessés d’Afghanistan. Du président de la République à l’état-major, on se bouscule pour tendre une main secourable. A condition, bien sûr, que les caméras tournent.

Pour son malheur, aucune caméra n’a jamais été braquée sur le caporal Alexandre Thibault. Il était 12h5, le 30 mars 2006, dans les montagnes afghanes quand cet engagé du 17° Régiment de génie parachutiste, spécialisé dans le déminage, a sauté sur un engin russe.

Du sérieux : 235 g d’explosif. Visage en sang, tympans perforés, dents cassées, la main « polycriblée » d’éclats, le soldat est opéré des oreilles au camp Warehouse, dans l’hôpital tenu par les Allemands. Mais il n’est pas rapatrié et, après un mois d’arrêt, il reprend ses activités. « J’entendais mal mais on m’a dit que c’était normal et que ça allait revenir ».

Le 13 juillet, le détachement (qui a laissé sur le terrain un autre Français, Jamel, dont on n’a pas beaucoup parlé…) rentre au bercail. Mais l’état des tympans du caporal ne s’arrange pas. A la caserne de Montauban, on lui répète que « ça va passer ».Inquiet, il consulte un ORL de toulouse, qui se montre alarmiste : « il y a urgence, vous avez les oreilles d’un vieux de 80 ans. Faut arrêter ce que vous faites et vous appareiller. »

De retour à la caserne, le blessé raconte sa visite et en prend pour son matricule : « Tu n’as pas confiance en nous », l’engueule le médecin militaire. Le traître est déclaré « inapte temporaire » et doit se contenter de regarder les autres partir en opérations extérieures. Pour obtenir une indemnisation, il faut pratiquer une expertise. Le médecin-commandant chargé de l’examen lui réserve l’accueil chaleureux que méritent les tire-au-cul.

Finalement déclaré « inapte définitif », le caporal décide d’écrire au ministre. Le régiment tente alors de faire croire que le handicap remonte à une blessure postérieure à son retour d’Afghanistan. Histoire de ne pas être accusé d’avoir aggravé son cas, en le laissant tirer et sauter en parachute pendant des mois.

L’emmerdeur a été muté à Bordeaux. Il est toujours en arrêt-maladie. Sans primes, il ne touche plus que sa solde de base, 1200 euros, plus une petite pension de 208 euros. Quant à la prothèse, ce sera pour ses pieds. L’armée refuse de prendre la facture à sa charge. Elle ne veut rien entendre…

B.R.

Source : Le Canard enchaîné du 3 septembre 2008 n°4584

Lire :

Un rapport au vitriol sur l’embuscade

La version officielle démentie officiellement

Cette publication a un commentaire

  1. lertnof

    Combien de militaires américains ont-ils perdu la vie au combat, Vietnam, Irak, Afghanistan ?

    Des dizaines de millier.

    A-t-on vu le moindrement d’avion US emmener leurs familles sur les lieux de leur décès ? Non.

    Nos politiques agissent comme si la France était coupable d’être allée en Afghanistan.

    Leur attitude en demi-teinte alimentant naturellement la polémique sur notre engagement.

    Indécrottables…

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